Donald Trump © REUTERS

Trump et les droits de l’homme, un deux poids deux mesures totalement assumé

Le Vif

On ne critique pas ses alliés. Plus que tout autre gouvernement américain, l’administration de Donald Trump assume parfaitement le deux poids deux mesures en matière des défenses des droits de l’homme, sur lequel sa gestion des relations avec l’Arabie saoudite jette une lumière crue.

Depuis la disparition du journaliste saoudien Jamal Khashoggi, et alors que des soupçons d’assassinat semblent converger vers Ryad et l’entourage du prince héritier Mohammed ben Salmane, les Etats-Unis prennent soin de ménager ce précieux allié, au risque de donner l’impression de couvrir ses méfaits. Marchés cruciaux pour l’économie américaine, lutte antiterroriste et effort pour contre-carrer l’Iran: Washington le dit clairement, priorité aux intérêts nationaux.

« Toutes les gouvernements sont à la recherche de l’équilibre entre la sécurité nationale et les droits de l’homme », reconnaît Sarah Margon, directrice de l’organisation Human Rights Watch à Washington. Et selon elle, « aucun n’a encore trouvé la réponse parfaite. » « Mais Trump et ses ministres ont tout simplement laissé tomber le sujet », dit-elle à l’AFP.

« Tradition réaliste »

Pour Rob Berschinski, de Human Rights First, « en tentant de couper les fonds pour promouvoir la démocratie et les droits de l’Homme à l’étranger, en affichant sa proximité avec des dictateurs, en taxant les journalistes d’+ennemis+, Trump a clairement fait savoir qu’il ne pense pas que les Etats-Unis gagnent à être vus comme une force du Bien dans le monde ». L’un des seuls sujets encore vraiment porté par l’administration républicaine est la défense de la liberté de religion, chère au vice-président Mike Pence, proche des milieux évangéliques. Mais là aussi, les alliés comme Ryad sont épargnés. Cette politique est tellement assumée qu’elle a été théorisée.

Alors que le chef de la diplomatie de l’époque, Rex Tillerson, avait provoqué des remous en mai 2017 en estimant que la promotion des valeurs démocratiques pouvait être un « obstacle » pour la défense des intérêts américains, son bras droit, Brian Hook, lui avait rédigé une note avec cette « ligne directrice »: « les alliés doivent toujours être traités différemment, et mieux, que les adversaires ». « Dans le cas d’alliés des Etats-Unis comme l’Egypte, l’Arabie saoudite et les Philippines, l’administration est dans son bon droit lorsqu’elle met l’accent sur les bonnes relations », « et fait face honnêtement à des compromis difficiles en matière de droits de l’homme », écrivait-il, expliquant que Donald Trump s’inscrivait pleinement dans la « tradition réaliste », par contraste avec les options « libérales » ou « idéalistes » qui avaient souvent prévalu depuis la fin de la guerre froide.

« Amoral », voire « immoral »

En revanche, ajoutait ce diplomate, l’accent doit être mis sur les droits de l’homme lorsqu’il s’agit de dénoncer des adversaires « comme la Chine, la Russie, la Corée du Nord ou l’Iran ». Depuis, Brian Hook a été chargé de diriger la campagne de pression contre Téhéran, ennemi numéro un des Etats-Unis, et vient de publier un rapport pour énumérer les actes « néfastes » de la République islamique à l’étranger comme à l’intérieur du pays — avec un chapitre sur les atteintes à l’environnement, étonnant de la part d’un gouvernement américain peu porté sur l’écologie.

Engagé dans une offensive contre la Chine, Washington a aussi ouvert un nouveau front pour pourfendre les discriminations massives dont sont victimes les musulmans ouïghours et les autres minorités religieuses. Mais sur la Corée du Nord, après avoir fait acclamer au Congrès, lors de son discours sur l’état de l’Union début 2018, un transfuge victime des pires abus, Donald Trump semble avoir totalement passé le thème des droits de l’homme par pertes et profits. Même si le rapport annuel du département d’Etat américain continue de dépeindre Pyongyang comme l’un des pires régimes pour ses concitoyens, ce n’est officiellement pas la priorité depuis que le président discute du désarmement nucléaire nord-coréen avec le dirigeant Kim Jong Un, avec lequel M. Trump affirme bien s’entendre.

Selon Rob Berschinski, qui était chargé de ces sujets sous la précédente administration démocrate de Barack Obama, « Trump est fondamentalement amoral, donc pour lui, la répression saoudienne à l’intérieur du pays ou la brutalité dans des endroits comme le Yémen sont des non sujets ». « Il arrive un moment où une politique étrangère amorale devient immorale », prévient toutefois sur Twitter le président du Council on Foreign Relations Richard Haass. « C’est le cas de la politique étrangère de Donald Trump. »

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