Donald Trump, le 15 février 2017 © Reuters

« Trump destitué? Pas pour tout de suite! »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Professeur à la KULeuven, le politologue Bart Kerremans, ne s’attend pas à ce que Trump subisse une procédure en accusation en vue d’être destitué. Dans l’état actuel des choses, ce ne sera en tout cas pas dans l’immédiat, rapporte De Morgen.

Trump et son équipe sont de nouveau dans la tourmente. Cette fois, au sujet des prises de contact multiples de son équipe de campagne avec des membres des services de renseignement russes, avant l’élection du 8 novembre. Le New York Times a publié, mardi, un article décrivant l’enquête en cours du FBI.

Selon des sources anonymes du journal américain, plusieurs proches du président auraient communiqué avec des agents russes en 2016. Il s’agirait du général Flynn (conseiller pour la sécurité nationale et pilier de sa campagne), Paul Manafort (ancien consultant politique en Russie et en Ukraine) et Carter Page (conseiller en politique étrangère).

Le FBI tente de déterminer la teneur de ces échanges et s’ils visaient à influencer les résultats de l’élection présidentielle, avec le concours de la Russie. Les enquêteurs « n’ont trouvé pour l’instant aucune preuve d’une telle coopération », écrit le journal. A l’heure actuelle, le président ne doit donc pas s’inquiéter d’une procédure de destitution à son encontre, selon le politologue américain Bart Kerremans.

Les connexions avec la Russie ne cesseront ecpendant pas avec la démission de Michael Flynn, conseiller à la sécurité nationale, mis également en cause pour ses mensonges concernant ses contacts avec l’ambassadeur russe à Washington. « Dans le cas de Flynn, il s’agit bien d’une conversation qui a eu lieu après les élections« , précise Bart Kerremans, professeur de politique américaine à la KULeuven. «  Le facteur le plus décisif a été qu’il a donné de fausses informations au vice-président Mike Pence. A partir de là, sa position n’était plus tenable. »

Lire aussi: Flynn et les Russes, le Watergate de Trump ?

Parmi les opposants à Trump, certains se remettent à rêver d’une possible destitution du président suite à cette affaire. Peut-il être inquiété maintenant qu’il semblerait que Flynn n’a pas été le seul à s’entretenir avec les Russes?

Kerremans dans De Morgen: « Pour enclencher une procédure de destitution, il faut pouvoir démontrer que le président lui-même a eu des activités illégales. On parle alors de faits qui peuvent être poursuivis au pénal. C’est la seule base. Supposons que Trump était au courant avant sa prestation de serment du contenu des conversations de Flynn ave l’ambassadeur russe, cela ne permet pas encore de le destituer. »

« Ce n’est pas parce qu’on est un collaborateur de campagne qu’il est interdit de parler avec des étrangers. Même si Paul Manafort a commis des faits punissables, on ne peut pas les lier en soi à Trump. Certaines personnalités négocient de leur plein gré et ils sont bien conscients qu’ils peuvent entraîner leur candidat dans les problèmes lorsqu’ils demandent leur bénédiction. Les présidents ne sont pas toujours au courant de certaines choses pour ne pas ensuite se retrouver dans les problèmes. « 

La preuve d’un lien direct

« Il faut pouvoir démontrer un lien direct entre Manafort, les services de renseignements russes et le hacking. Cela doit être très clairement dirigé sur les pratiques d’écoute ou la diffusion de « fake news ». Si tel est le cas, il peut être poursuivi au pénal pour complicité de piratage. Mais là aussi, il faut pouvoir démontrer qu’il existe un lien direct avec Trump. Quand il s’agit de hacking, de nombreuses personnes évoluent dans l’ombre et les chances de trouver tous les maillons de chaîne entre Trump et Poutine sont très minces. La seule chose que nous savons, c’est que pendant un discours, il a fait appel aux Russes, en riant à moitié, pour qu’ils jettent un oeil aux mails de Clinton » explique-t-il.

Il poursuit: « Cela ne met pas le président en danger. Pour le moment, je ne vois pas de situation de procédure d’impeachment possible, même si on en sait jamais ce qui sera encore révélé. Cela aura certainement un impact sur la politique envers la Russie. Il est maintenant sous pression pour ne pas jouer un rôle tendre. Mais la politique de Trump vis-à-vis de la Russie est plus nuancée que ce que l’on prétendait ou attendait initialement. Les présidents habituels marcheraient sur des oeufs, mais je ne vois pas Trump se comporter de la sorte. Il a son propre style (rires). »

En résumé, une procédure d' »impeachment » (destitution) tel que prévu par la Constitution pourrait être démarrée au Congrès seulement et seulement si les liens avec le gouvernement russe sont établis par les autorités américaines, avec une possible manipulation des élections présidentielles. La destitution se ferait alors au nom d’une présumée « trahison » du président. L’article III de la Constitution définit la trahison comme le fait de « faire la guerre aux Etats-Unis, ou d’adhérer aux ennemis, en leur apportant aide et confort ». Cela pourrait donc s’appliquer au président Trump dans l’éventualité d’une collusion avec la Russie, mais ce n’est pas le cas pour le moment.

Comment fonctionne une procédure de destitution ?

Comme l’explique Le Monde, la procédure d' »impeachment » doit être votée à la majorité simple à la Chambre des représentants. Un procès s’ouvre alors au Sénat. Pour que le président soit destitué, il faut y obtenir la majorité des deux tiers. Il s’agit donc d’une décision politique. Pour qu’elle aboutisse, il faudrait que le parti républicain, majoritaire au Congrès, se retourne contre son candidat à la présidentielle. C’est, pour l’instant, peu probable. Les éléments de l’enquête du FBI rendus publics jusqu’ici ne justifient en rien une telle procédure.

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