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Trump accuse ouvertement le FBI de partialité dans l’enquête russe

Le Vif

Donald Trump a publiquement mis en cause vendredi l’intégrité des plus hauts échelons du ministère de la Justice et du FBI qu’il accuse d’avoir « politisé » l’enquête sur les ingérences russes dans l’élection présidentielle en faveur de ses adversaires démocrates.

Le président américain a approuvé la déclassification d’une note confidentielle rédigée par des républicains du Congrès et qui justifie ces critiques, détaillant selon eux un abus de pouvoir du FBI lors de la mise sur écoute d’un membre de son équipe de campagne avant l’élection de novembre 2016.

« Ce qui se passe dans notre pays est une honte (…) Beaucoup de gens devraient avoir honte », a déclaré Donald Trump depuis le Bureau ovale.

La note de quatre pages, émanant des membres républicains la commission du Renseignement de la Chambre des représentants malgré l’opposition véhémente de ses membres démocrates, a ensuite été mise en ligne par le Congrès.

L’accusation portée par Donald Trump est tout à fait extraordinaire de la part d’un président des Etats-Unis, plus soucieux en général de préserver l’image de deux piliers des institutions américaines. « Les plus hauts responsables et enquêteurs du FBI et du ministère de la Justice ont politisé le processus sacré d’investigation en faveur des démocrates et contre les républicains », avait tweeté M. Trump plus tôt.

Atteindre Mueller

Le « mémo Nunes », du nom du président de la commission Devin Nunes, vise à retracer la procédure secrète de mise sur écoute du conseiller Carter Page par le FBI avec le concours du département de la Justice, à partir d’octobre 2016.

Selon les républicains, les enquêteurs auraient justifié cette action à partir d’un dossier de renseignement rédigé par un ex-espion britannique, Christopher Steele, embauché par un cabinet américain lui-même payé par la campagne d’Hillary Clinton. Ils accusent le FBI de n’avoir pas indiqué aux juges autorisant les écoutes que la campagne Clinton avait cofinancé le dossier, ou encore que M. Steele était personnellement hostile à M. Trump.

La note accable nommément l’ex-numéro deux de la Justice Bruce Ohr, et cite l’ex-numéro deux du FBI Andrew McCabe, qui a récemment quitté ses fonctions.

M. Trump a nommé l’actuel ministre de la Justice, Jeff Sessions tout comme l’actuel directeur du FBI Christopher Wray. Ce dernier a remplacé James Comey, abruptement remercié par M. Trump de son propre aveu à cause de l’enquête menée sur les ingérences russes dans la campagne électorale de 2016.

Or Christopher Wray, le directeur du FBI, avait dans un geste de défiance public rarissime clairement indiqué qu’il n’était pas favorable à cette publication. Le ministère de la Justice avait lui aussi fait part de ses réserves notamment pour des raisons de sécurité et le risque de dévoiler des méthodes de collecte du renseignement.

Les démocrates étaient vent debout contre ce mémo, qu’ils estiment fabriqué de façon partisane afin de protéger le milliardaire des soupçons de collusion entre sa campagne et la Russie.

« Le plus haut responsable élu du pays a donné son accord pour –de manière trompeuse– rendre publiques des informations afin d’attaquer le FBI. C’est cela qui aurait été impensable il y a peu de temps », a déclaré Adam Schiff, membre démocrate de la commission.

Et d’importants élus républicains ont également dénoncé le risque, pour la sécurité nationale américaine, de saper la légitimité du FBI, au moment où la Russie tenterait à nouveau, selon eux, de s’immiscer dans la politique du pays.

« Les attaques récentes contre le FBI et le département de la Justice ne servent aucun intérêt américain – ni celui du parti ni celui du président. Seulement l’intérêt de Poutine », a dénoncé le sénateur John McCain.

Celui-ci s’inquiète des conséquences pour l’enquête du procureur spécial Robert Mueller, chargé de découvrir une éventuelle collusion américano-russe, et attaqué de plus en plus ouvertement par des républicains.

« Nos élus, y compris le président, doivent arrêter de considérer cette enquête à travers le prisme de la politique et d’un artificiel théâtre partisan », a tancé John McCain.

Mais ces avertissements sont restés vains.

Les leaders républicains du Congrès assurent pourtant que la commission ne fait que remplir son devoir de contrôle de l’exécutif par le pouvoir législatif. « Cette note n’est pas une mise en accusation du FBI ou du département de la Justice, et ne remet pas en question l’enquête Mueller », avait assuré Paul Ryan, président de la Chambre, jeudi.

Ne pas limoger le procureur spécial sur la Russie

Les responsables de l’opposition démocrate ont solennellement mis en garde Donald Trump vendredi de ne pas prendre pour prétexte la publication d’une note mettant en cause le FBI pour limoger les principaux responsables de l’enquête sur l’ingérence russe dans l’élection présidentielle.

« Limoger Rod Rosenstein (le numéro deux du ministère de la Justice, Ndlr), des dirigeants du ministère de la Justice, ou Bob Mueller (le procureur spécial en charge de l’enquête sur l’ingérence russe), pourrait créer une crise constitutionnelle sans précédent » depuis l’ère Nixon, avertissent les leaders démocrates au Congrès dans une lettre au président.

Ce que contient la note critique du FBI déclassifiée par Trump

La note confidentielle de trois pages et demie rédigée par des républicains du Congrès et déclassifiée par Donald Trump affirme « soulever des inquiétudes quant à la légitimité et la légalité de certaines actions » initiées par le FBI et le ministère américain de la Justice.

Il est reproché à ces deux institutions d’avoir commis des abus afin d’obtenir le mandat d’un juge pour espionner les conversations d’un ancien conseiller diplomatique de l’équipe de campagne de Donald Trump, Carter Page.

Adoptée il y a 40 ans, la loi FISA (Foreign Intelligence Surveillance Act) impose en effet aux enquêteurs du ministère de la Justice de présenter à un magistrat fédéral des éléments probants –laissant soupçonner par exemple qu’un individu travaille clandestinement pour une puissance étrangère– afin d’avoir le droit de placer cette personne sur écoute.

– Ce qu’affirme la note –

– Pour obtenir le précieux mandat judiciaire, le ministère et le FBI se sont appuyés sur des informations collectées par Christopher Steele, un ancien espion britannique. Celui-ci a opéré dans le cadre d’une mission, financée par le parti démocrate et l’équipe de campagne de Hillary Clinton, relevant clairement d’une partialité anti-Trump.

– La demande de mandat d’écoute présentée au juge a été signée par quatre hauts responsables qui ont volontairement omis de préciser les motivations politiques de Christopher Steele: le directeur d’alors du FBI, James Comey, son ancien adjoint Andrew McCabe, l’ancienne vice-responsable du ministère Sally Yates et l’actuel numéro deux Rod Rosenstein.

– Le « dossier » compilé par Christopher Steele représentait une « part essentielle » de la demande de mandat d’écoute présentée au magistrat fédéral.

– M. Steele était également une source du FBI, pourtant sa fiabilité était plus que douteuse: il a menti à la police fédérale sur ses contacts et a fait des confidences aux médias en violation des règles de confidentialité dans le monde du renseignement.

– Ce qu’omet de dire la note –

– Carter Page faisait l’objet de soupçons du FBI depuis 2013, bien avant la mission d’investigations confiée à Christopher Steele.

– Le dossier de Steele n’a pas été le déclencheur de l’ouverture de l’enquête d’abord confidentielle du FBI sur une possible collusion entre Moscou et l’équipe de campagne de Donald Trump. Celle-ci a été ouverte en juillet 2016, les services de renseignement américains ayant constaté des communications intensives entre des Russes et des proches du candidat républicain, notamment le conseiller George Papadopoulos.

– Le fait d’utiliser devant un juge des informations provenant d’une entité ayant des préjugés ou des intentions cachées (comme M. Steele) n’est pas rare: au magistrat d’estimer ensuite le poids à donner à ces informations.

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