DONALD TRUMP © REUTERS

Trump accusé d’avoir foulé les règles du renseignement

Le Vif

En n’ayant apparemment pas su tenir sa langue en présence du chef de la diplomatie russe, Donald Trump a plongé dans la consternation les milieux du renseignement, et notamment des sources d’informations cruciales à l’étranger.

Il existe en effet une loi d’airain selon laquelle on ne divulgue jamais à un tiers des données confidentielles livrées par un pays ami, sans l’autorisation dudit pays ami, explique à l’AFP Douglas Smith, ancien secrétaire-adjoint du Département américain de la Sécurité intérieure.

Quant « aux moyens et aux méthodes pour collecter des informations, elles représentent le Graal du processus de renseignement, c’est ce que vous protégez plus que tout », souligne-t-il.

Le président américain se voit reprocher d’avoir révélé à Sergueï Lavrov, lors d’un entretien à la Maison Blanche, comment l’Etat islamique pourrait commettre un attentat en intriduisant dans un avion un ordinateur portable.

Cette information hautement confidentielle, obtenue d’un pays étranger, était selon le Washington Post jugée tellement sensible que les Etats-Unis s’étaient gardés de la partager avec leurs alliés les plus proches.

Pour différents experts, il s’agit d’une « brèche de confiance » difficilement réparable.

« Brèche de confiance »

« Imaginons que vous soyez mon ami et que vous me confiez un secret à la condition que je n’en parle à personne. Que ressentirez-vous si j’en parle publiquement à plein de gens ? « , poursuit Douglas Smith.

« Eh bien appliquez ceci au domaine de la sécurité nationale: imaginez ce que va ressentir un pays qui voit qu’une information, qu’il a probablement obtenue de façon extrêmement secrète et très difficilement, est donnée de manière cavalière à un régime étranger qui n’est pas de notre camp », ajoute-t-il.

M. Trump s’est employé mardi à démentir toute négligence. Les informations transmises n’ont pas mis en cause « la sécurité nationale », a affirmé le conseiller à la Sécurité nationale, le général McMaster.

Mais la polémique intervient une semaine après la limogeage chaotique du patron du FBI et alors que les services américains ont été échaudés par de précédentes accusations apparemment infondées du milliardaire président.

Donald Trump avait déclenché un tollé en mars en accusant l’ex-président Barack Obama de l’avoir mis sur écoute, avec le recours de l’agence de surveillance britannique, le GCHQ, sans en apporter aucun élément de preuve.

« Son attitude va certainement amener à réévaluer la qualité ou l’ampleur des flux de renseignements à destination des services américains. On va continuer à parler à la CIA ou à la NSA, il n’y a pas de raison que cela s’arrête, mais cela devrait poser des problèmes en termes de transmission de choses très pointues », analyse Yves Trotignon, membre du cabinet Riskeco.

Cet ancien expert anti-terroriste à la DGSE française évoque un « comportement parfaitement irresponsable » du président Trump, « du jamais vu dans les annales du renseignement post-seconde Guerre mondiale ».

En plus de mettre potentiellement en danger un ou des informateurs clandestins, le bavardage de Donald Trump pourrait plus largement mettre en difficulté le pays à la source de l’information si spontanément déclassifiée.

« Des pays du Moyen-Orient agissent sur le fil du rasoir, ils ne veulent pas être vus comme fournissant ouvertement des informations à des pays occidentaux car cela les placerait en défaut vis-à-vis de leur population », souligne M. Smith.

Selon cet ex-responsable du renseignement américain, M. Trump s’est de nouveau laissé guider par son instinct, alors que la rencontre avec M. Lavrov, aux confins de la diplomatie et de l’espionnage, nécessitait au contraire une grosse préparation préalable.

Les spécialistes notent que, malgré leurs satellites d’information, leurs moyens d’écoutes et la puissance de leur réseau, les Etats-Unis demeurent grandement dépendants des services de renseignement d’autres pays pour leur sécurité.

La langue bien pendue de Donald Trump risque « d’altérer la volonté des alliés et partenaires des Etats-Unis de partager des informations », avertit le sénateur républicain John McCain, de plus en plus critique du président.

Du fait de l’interdépendance des services, la coopération internationale sera en tout cas au minimum teintée d’embarras.

« Il n’est pas évident de dire à un pays qui est un allié très proche, avec lequel les liens sont quotidiens et extrêmement étroits notamment en matière d’antiterrorisme: ‘Votre président n’est pas de toute confiance' », affirme Yves Trotignon.

« Mais les Etats-Unis ne peuvent se permettre d’avoir une perte de confiance qui ferait qu’à un moment donné ils seraient tout seuls ».

Israël à la source de l’information secrète ?

Les renseignements potentiellement classés secrets délivrés par le président américain Donald Trump au ministre russe des Affaires étrangères Serguei Lavrov ont été fournis par Israël, rapporte le New York Times mardi. Cette nouvelle révélation serait de nature à compliquer les relations diplomatiques avec Tel-Aviv alors que le 45e président des Etats-Unis s’apprête à se rendre en Israël dans quelques jours.

Le quotidien de référence new-yorkais a obtenu cette information auprès d’un ancien officiel et d’un agent en fonction des services de renseignement.

Cette information extrêmement sensible, selon laquelle l’organisation terroriste Etat islamique prépare des attentats en introduisant un ordinateur portable dans un avion, pourrait être transmise par Moscou à son allié iranien, principale menace pour Israël au Moyen-Orient.

L’ambassadeur israélien aux Etats-Unis, Ron Dermer, a refusé de confirmer l’information au New York Times, se contentant d’indiquer que les deux pays continueront d’entretenir des liens étroits dans le domaine de l’antiterrorisme.

Selon plusieurs sources, les renseignements israéliens avaient déjà mis leurs homologues américains en garde contre la transmission de données secrètes au nouveau président, redoutant que celles-ci ne fuitent vers Moscou.

Donald Trump effectuera à partir de vendredi son premier voyage officiel à l’étranger depuis son investiture. Celui-ci le mènera en Arabie saoudite, en Israël, en Belgique et en Italie.

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