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Trudeau accusé de conflit d’intérêt à deux mois des élections

Le Vif

Justin Trudeau a violé la loi sur les conflits d’intérêt en tentant de faire pression sur sa ministre de la Justice dans une procédure judiciaire, a conclu mercredi un rapport du Commissaire à l’éthique: un coup dur pour le Premier ministre canadien à deux mois de législatives indécises.

Ce rapport, rédigé par un haut-fonctionnaire indépendant relevant du Parlement, risque de relancer la polémique sur ce scandale qui a secoué le gouvernement libéral de Justin Trudeau en début d’année. M. Trudeau encourt une amende pouvant aller jusqu’à 500 dollars, mais les conséquences politiques risquent d’être plus lourdes.

Le Premier ministre canadien et son entourage avaient été plongés en février dans la pire crise politique de son mandat après avoir été accusés par l’ex-ministre de la Justice et procureure générale Jody Wilson-Raybould d’avoir exercé sur elle des pressions « inappropriées » pour éviter un procès au géant de l’ingénierie SNC-Lavalin, ce qu’elle a refusé de faire.

« La position d’autorité dont bénéficient le premier ministre et son Cabinet ont servi à contourner, à miner et finalement à tenter de discréditer la décision de la directrice des poursuites pénales ainsi que l’autorité de Mme Wilson-Raybould », a estimé dans un communiqué Mario Dion, Commissaire aux conflits d’intérêts et à l’éthique.

L’entourage de M. Trudeau a ainsi « demandé de façon irrégulière à la procureure générale de tenir compte d’intérêts politiques partisans dans cette affaire, ce qui va à l’encontre des principes constitutionnels bien établis encadrant l’indépendance du poursuivant et la primauté du droit », précise le communiqué.

« M. Trudeau était, en sa qualité de premier ministre, le seul titulaire de charge publique en mesure d’exercer une influence sur la décision de la procureure générale relativement à son éventuelle intervention dans un dossier lié à une poursuite criminelle », selon le communiqué.

– Scandale SNC-Lavalin –

SNC-Lavalin a tenté d’obtenir du gouvernement un règlement à l’amiable des accusations de fraude et de corruption liées à ses activités en Libye, ce qui lui aurait permis de payer une amende et d’éviter des sanctions plus sévères en cas de procès.

M. Trudeau a toujours nié avoir agi de manière inappropriée, mettant en avant les nombreuses pertes d’emplois liées à une éventuelle condamnation, qui aurait privé l’entreprise de juteux contrats publics pendant 10 ans. Mais son image affichée d’exemplarité en est sortie écornée.

En tête des sondages depuis son élection en 2015 face aux conservateurs, Justin Trudeau avait vu son taux d’approbation chuter dans le sillage de cette affaire.

Fin 2017, le Premier ministre avait en outre déjà été reconnu coupable d’avoir enfreint la loi sur les conflits d’intérêt pour être allé à deux reprises aux frais de son hôte sur l’île privée aux Bahamas de l’Aga Khan, chef spirituel des ismaéliens nizârites, un mouvement musulman.

L’opposition a profité de ces deux scandales pour tirer à boulets rouges sur le gouvernement libéral de Justin Trudeau, jusque là relativement relativement imperméable aux critiques car porté par un contexte économique et social favorable au cours de son mandat.

« Trudeau a dit qu’il serait éthique, mais il a utilisé le pouvoir de son bureau pour récompenser ses amis et punir ses critiques », a réagi mercredi sur les réseaux sociaux Andrew Scheer, chef du parti conservateur. « Il n’est pas celui qu’il prétendait », a-t-il poursuivi.

La tempête politique déclenchée par le scandale SNC-Lavalin avait entraîné la démission de deux hauts responsables proches du Premier ministre et la démission de deux ministres, dont Mme Wilson-Raybould, qui ont ensuite été expulsées du Parti libéral.

SNC-Lavalin, dont le siège social se situe à Montréal et qui emploie quelque 9.000 salariés au Canada, a été accusé en 2015 par la police canadienne d’avoir payé 47 millions de dollars canadiens (31 millions d’euros) en pots-de-vin entre 2001 et 2011 pour obtenir des contrats en Libye pendant le régime de Mouammar Kadhafi.

Fin mai, un juge canadien avait statué qu’il existait suffisamment d’éléments à charge dans cette affaire pour citer l’entreprise à comparaître.

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