© Reuters

Trois scénarios pour la crise politique au Nicaragua

Le Vif

Le Nicaragua est secoué par une vague de manifestations contre le président Daniel Ortega, qui a fait plus de 220 morts en deux mois et demi. Voici trois scénarios possibles pour cette crise d’une ampleur historique.

L’opposition, soutenue par l’Eglise, médiatrice du dialogue avec le pouvoir, exige de Daniel Ortega qu’il organise des élections anticipées en mars 2019, au lieu de fin 2021, date de la fin de son mandat.

Ex-guérillero de 72 ans, au pouvoir depuis 2007 après un premier mandat de 1979 à 1990, Daniel Ortega recueille 63% d’opinions défavorables, selon un sondage Cid-Gallup. Il est accusé d’avoir instauré une dictature avec son épouse et vice-présidente Rosario Murillo, mais aussi de népotisme et d’avoir dirigé la répression en cours.

– Sortie négociée –

Pour l’experte en sécurité Elvira Cuadra, il est possible que la pression populaire et de la communauté internationale force le gouvernement à lancer « des réformes nécessaires du point de vue électoral et judiciaire ». Mais « la question critique est le maintien au pouvoir d’Ortega et Murillo (ou) l’organisation d’élections anticipées ».

« C’est une négociation complexe, car le gouvernement ne montre pas de volonté » de résoudre la crise en dépit de « l’urgence sociale et politique », explique-t-elle, écartant un démission d’Ortega dans l’immédiat.

L’avocat Mauricio Diaz estime que « le problème vient du style de gouvernement d’Ortega et Murillo: un modèle bonapartiste », donc « c’est lui qui a la solution entre ses mains: ouvrir les soupapes aux citoyens au lieu de s’emmurer en se croyant en guerre ».

Selon lui, les Etats-Unis – premier partenaire commercial du Nicaragua – et les pays d’Europe avec lesquels il a des accords peuvent « sanctionner et faire pression ». « Ils ne peuvent pas continuer à donner de l’argent à un gouvernement qui réprime le peuple », déclare à l’AFP cet ex-diplomate.

Pour le sociologue et économiste Oscar René Vargas, l’effondrement économique dû à la paralysie du pays depuis mi-avril devrait également faire pression sur Ortega. La Banque centrale a abaissé sa prévision de croissance de 4,9% à 1% pour 2018.

– « Vénézuélanisation » de la crise –

René Vargas estime que la solution ne passera pas par le dialogue, car cette option n’intéresse pas le président. Quant à ses opposants, « ils n’ont pas la force pour lui tordre le bras ».

« Il est en train de miser sur l’épuisement et la division de l’opposition. Mais la solution se trouve dans la rue, entre les manifestations et les grèves, c’est ça qui peut l’affaiblir », assure-t-il à l’AFP.

Pour l’avocat Mauricio Diaz, « sur le long terme, une stratégie d’Ortega serait la +vénézuélanisation+ du Nicaragua: miser sur le fait que les gens commencent à se lasser et à dire +on ne veut plus des barricades+ » dans les rues.

Dans ce cas, pense le sociologue, M. Vargas, « la communauté internationale obligerait Ortega à organiser des élections anticipées, mais avec des changements cosmétiques, comme au Venezuela ».

Il faudrait donc, selon lui, que la pression soit forte et portée par les Etats-Unis et l’Amérique centrale, afin de pousser à la formation d' »un gouvernement de transition qui fasse les réformes nécessaires ».

– Escalade du conflit –

Pour René Vargas, un scénario possible est qu’Ortega reste au pouvoir car « il a créé une armée irrégulière », des groupes de civils encagoulés et armés, qui répriment les manifestations aux côtés de la police.

José Luis Rocha, spécialiste des questions de migrations et criminalité, juge probable que la violence continue même si le couple présidentiel quitte le pouvoir, en raison de la présence de ces groupes illégaux, difficilement contrôlables, et de la détérioration de l’économie.

Moins pessimiste, Elvira Cuadra ne s’attend à des débordements de violence que si le gouvernement renforce sa répression, mais cela aurait un coût car « il y a un intérêt de la communauté internationale, surtout en matière de droits de l’homme ».

Les analystes écartent tout retour à une guerre civile, comme celle qui a déchiré le Nicaragua dans les années 1970 et 1980. « Ici personne ne veut la guerre. L’unique solution est civilisée: des élections », souligne M. Diaz.

« Les gens n’ont pas la capacité logistique, ni les armes, encore moins celles de guerre comme a le gouvernement » à travers sa police et son armée, note Elvira Cuadra.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire