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Traité de Maastricht : 25 ans plus tard, quels sont les défis de l’Union européenne ?

Stagiaire

Marianne Dony, professeur de droit de l’Union européenne et spécialiste en droit économique à l’ULB, présidente du centre de droit européen revient sur les 25 ans du traité de Maastricht et les prochains défis de l’Union européenne.

25 ans après sa signature, que reste-t-il du traité de Maastricht ?

Ce traité est surtout connu pour avoir prévu l’introduction d’une monnaie unique, dont le nom n’était pas fixé à l’époque et qui s’appellera l’euro, au plus tard pour le 1er janvier 1999, et ce d’une manière irréversible. Mais ce n’est qu’un des aspects de ce traité. Il a aussi marqué les débuts de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC). Le problème est que cette politique reste strictement intergouvernementale et donc régie par une règle d’unanimité qui souvent réduit l’Union à l’impuissance ou au silence. Il a toutefois inscrit les bases permettant à l’Union d’envisager une défense commune, ce qui est un projet qui revient actuellement au premier plan de l’actualité. Il a consacré un ensemble de politiques non économiques, importantes pour les citoyens de l’Union comme la protection des consommateurs, de la santé ou de l’environnement ou encore l’éducation. Il a encore démocratisé le fonctionnement de l’Union européenne, en accordant au Parlement européen ses premiers pouvoirs de co-législateur. Le mouvement n’a cessé de s’amplifier depuis lors. Il a affirmé que les compétences de l’Union ne doivent s’exercer que dans le respect du principe de subsidiarité. Ce principe a pris une importance de plus en plus grande et le traité de Lisbonne a donné aux Parlements nationaux certains moyens de contrôle de son respect. Enfin, le traité de Maastricht a aussi instauré la citoyenneté de l’Union, mais force est de constater que les citoyens ne se sont pas vraiment approprié cette citoyenneté.

L’UE n’a-t-elle pas délaissé ses objectifs d’Europe sociale au profit d’une Europe plus libérale ?

C’est en effet un des grands problèmes de l’Union européenne, qui ne peut avancer en matière fiscale ou en matière sociale. Mais ce problème vient d’une part de ce que l’Union ne s’est vue reconnaître que des compétences très limitées dans ses matières : elle ne peut pas plus harmoniser les régimes de sécurité sociale ou les impôts directs que les rémunérations. Et en matière de politique industrielle, elle n’a qu’une compétence d’appui. Et, même lorsqu’elle dispose de certaines compétences, elle est bridée par le maintien de l’exigence d’unanimité, que les Etats justifient au nom du caractère sensible de ces matières.

Une Europe à deux vitesses se profile-t-elle dans les prochaines années ?

Cette piste est de plus en plus évoquée en raison de l’impossibilité d’aller de l’avant dans de nombreux dossiers à 28 (bientôt 27). Mais il faut pour cela déterminer le noyau dur qui pourra jouer le rôle l’éclaireur. Et c’est loin d’être évident : ainsi, quels pourraient être les Etats qui initieraient une Union fiscale ? Et devrait-on imaginer une Europe non seulement à plusieurs vitesses, mais à géométrie variable : un Etat pourrait accepter la défense commune, mais pas une politique commune aux frontières, par exemple.

Actuellement, quels sont les plus grands défis de l’Union européenne ?

Ils sont nombreux et bien connus : l’Union économique et monétaire reste encore fragile ; certes l’euro a survécu à la crise, des progrès ont été faits dans le domaine de la coordination des politiques économiques et de l’Union bancaire, mais ils restent insuffisants. L’Espace Schengen n’a pas connu la descente aux enfers qu’on lui avait prédit en 2015, les frontières sont globalement restées ouvertes et c’est heureux. Mais l’Union doit se doter d’une véritable politique commune de contrôles aux frontières extérieures, d’asile et d’immigration qui repose sur un partage plus équitable des responsabilités entre les Etats membres. L’isolationnisme revendiqué de Donald Trump devrait inciter l’Union européenne à être plus active dans ses relations extérieures, mais elle continue à peiner à parler d’une seule voix en la matière. Et à tous ces défis viendront s’ajouter bien entendu le Brexit et la définition des relations futures avec le Royaume-Uni. Il faudra espérer que ce dossier n’accaparera pas toutes les énergies dans les deux années à venir.

L’accession de Trump au pouvoir aux USA est-elle une aubaine pour la construction européenne ?

C’est avant tout un défi : certes, de tout temps, l’attitude américaine à l’égard de la construction européenne a été ambivalente, appelant à une Union forte, mais pas trop forte quand même. Mais ici c’est la valeur ajoutée même du projet européen qui est déniée. Il y a aussi les risques liés au grand désordre mondial auquel les prises de position de Donald Trump risquent de conduire. Ces défis ne pourront devenir des opportunités que si l’Union devient plus forte. On peut penser qu’elle sera obligée de le devenir ou alors elle sera en danger. Pour moi, un des plus grands risques est « l’appel du pied » lancé par la nouvelle administration américaine aux Etats européens de négocier bilatéralement des accords avec les Etats-Unis : l’Union doit absolument être capable de se montrer ferme sur ce point et ne pas hésiter à sanctionner toute entorse à l’exclusivité de sa compétence en matière commerciale.

G.S

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