Rex Tillerson arrive à Moscou, le 11 avril 2017 © Reuters

Tillerson à Moscou pour demander des comptes

Le Vif

Washington veut demander des comptes aux Russes sur l’attaque chimique présumée en Syrie, s’interrogeant sur le rôle de Moscou, au moment où Rex Tillerson entame dans la capitale russe sa toute première visite en tant que secrétaire d’Etat américain.

Signe d’une tension croissante, le président russe Vladimir Poutine a lui mis en garde, quelques instants avant l’arrivée du responsable américain, contre des « provocations » à l’arme chimique qui seraient selon lui en préparation en Syrie afin de mettre en cause Bachar al-Assad.

A Washington, peu après l’arrivée de M. Tillerson à Moscou, un haut responsable américain, sous couvert d’anonymat, s’est interrogé sur le rôle de la Russie dans l’attaque chimique présumée qui a fait 87 morts le 4 avril attribuée par les Etats-Unis et leurs alliés à Bachar El-Assad, soutenu par Moscou.

« Comment est-ce possible que leurs forces (russes, NDLR) se trouvaient dans la même base que les forces syriennes qui ont préparé, planifié et mené cette attaque (…) et ne l’aient pas su à l’avance? » s’est demandé ce responsable.

« Nous pensons que c’est une question que nous devons poser aux Russes », a-t-il ajouté.

Il n’y a toutefois « pas de consensus » sur « la manière d’interpréter les informations que nous avons et que nous continuons à recueillir », a ajouté ce responsable.

Un autre haut responsable de l’administration américaine a accusé Moscou de « semer la confusion dans le monde » sur le rôle du régime syrien dans l’attaque chimique présumée.

La visite de Rex Tillerson à Moscou est la première d’un responsable américain de ce niveau depuis l’investiture en janvier de Donald Trump, qui a prôné lors de sa campagne de meilleures relations avec la Russie, au plus bas depuis la fin de la Guerre froide.

Mais depuis une semaine et après l’attaque chimique présumée de Khan Cheikhoun, la nouvelle administration américaine a fait volte-face, bombardant pour la première fois l’armée syrienne.

Et les pays du G7 réunis en Italie, ont jugé, Etats-Unis en tête, que l’avenir de la Syrie devait s’écrire sans Bachar al-Assad. « Est-ce une alliance à long terme qui sert les intérêts russes, ou la Russie ne préférerait-elle pas se réaligner sur les Etats-Unis et les autres pays occidentaux et du Moyen Orient qui cherchent à résoudre la crise syrienne? », a lancé M. Tillerson.

– Pas de ‘confrontation’ –

Le président russe, qui avait qualifié la frappe punitive américaine « d’agression contre un Etat souverain », a lui mis en garde contre d’éventuelles manipulations. « On s’apprête à balancer de nouveau quelque substance et accuser les autorités syriennes de son utilisation », a déclaré M. Poutine alors qu’il recevait au Kremlin le président italien Sergio Mattarella.

La diplomatie russe a dit espérer des « négociations productives » avec le secrétaire d’Etat, soulignant, dans un communiqué, qu’elle recherchait une « coopération constructive » et non la « confrontation » avec les Etats-Unis.

Rex Tillerson doit notamment rencontrer mercredi, au cours de cette visite de deux jours, son homologue russe Sergueï Lavrov. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a en revanche affirmé ne pas pouvoir confirmer si une rencontre avec Vladimir Poutine était à l’agenda.

L’Iran a lui de nouveau averti mardi qu’une nouvelle action des Etats-Unis contre la Syrie ne resterait pas « sans réponse ». « Les Américains devront payer un prix élevé », a mis en garde le ministre iranien de la Défense Hossein Dehgan lors d’un entretien téléphonique avec son homologue russe Sergueï Choïgou, selon le site du ministère.

La visite du secrétaire d’Etat américain précède une rencontre tripartite entre M. Lavrov et les chefs de la diplomatie syrien Walid Mouallem et iranien Mohammad Javad Zarif, prévue « à la fin de la semaine à Moscou », selon la porte-parole de la diplomatie russe.

– Gaz Sarin –

Outre le départ de Bachar El-Assad, les pays du G7, ont plaidé pour un cessez-le-feu garanti par un dispositif international, pour « empêcher les avions syriens de décoller, bloquer les missiles anti-aériens et cantonner les forces syriennes », afin que les discussions de Genève entre le régime et l’opposition puissent reprendre au plus vite.

Sur le terrain, les combats ont continué mardi, et deux soldats russes qui officiaient comme instructeurs pour l’armée syrienne ont été tués par un obus de mortier, a annoncé l’armée russe dans un communiqué, sans précision de date ni de lieu.

Dans le même temps, les Etats-Unis, la France et le Royaume-Uni ont présenté mardi au Conseil de sécurité un nouveau projet de résolution demandant une enquête sur cette attaque.

Le ministre turc de la Santé a affirmé que des analyses de sang et d’urine prélevés sur des blessés soignés en Turquie avaient permis de confirmer que du gaz sarin avait été utilisé.

– Relations minées –

Les relations entre Moscou et Washington sont non seulement minées par leurs profonds désaccords sur la Syrie mais également par la crise ukrainienne.

Le président ukrainien Petro Porochenko s’est entretenu au téléphone avec Rex Tillerson avant d’atterrir à Moscou. La diplomatie russe souhaite que Washington fasse pression sur Kiev pour qu’il « applique strictement ses engagements » prévus par les accords de paix de Minsk pour l’est de l’Ukraine.

M. Tillerson devrait également évoquer avec son homologue russe la lutte antiterroriste, l’Afghanistan, le Yémen et la Libye.

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