© AFP

Thich Nhat Hanh, le maître zen de retour au Vietnam

Le Vif

Aux abords de la pagode où Thich Nhat Hanh, maître zen aux centaines de milliers d’adeptes à travers le monde, s’est retiré pour finir ses jours, la police secrète vietnamienne veille.

Banni du pays pendant près de 40 ans, le vieux sage de 92 ans, une des figures les plus engagées du bouddhisme avec le Dalaï Lama, a été autorisé à rentrer fin octobre.

Parmi ses adeptes, dans son pays et aux quatre coins du monde, on compte la vedette de la télévision américaine Oprah Winfrey, l’actrice Gwyneth Paltrow et de nombreux patrons des industries high-tech de la Silicon Valley, au premier rang desquels le géant Google chez qui il a été invité à délivrer son enseignement.

Son message aux décideurs: utiliser leur influence pour se concentrer sur la manière dont ils peuvent contribuer à un monde meilleur, plutôt que d’être obsédés par leur chiffre d’affaires.

La centaine d’ouvrages qu’il a écrits, notamment sur la pleine conscience, font figure de référence pour une industrie du bien-être qui génère des milliards de dollars dans le monde.

Depuis un accident vasculaire cérébral en 2014, Thich Nhat Hanh ne peut cependant plus ni parler ni se déplacer.

Pourtant, son influence inquiète toujours les autorités vietnamiennes: elles ont dépêché plusieurs policiers en civil qui surveillent étroitement le temple où il s’est retiré, à Hué, dans le centre du Vietnam.

« L’atmosphère est très lourde. Nous ne sommes pas dans un pays totalement libre, tout est observé et le gouvernement veut toujours tout contrôler », déplore l’une des fidèles du moine, sous couvert d’anonymat.

Thich Nhat Hanh s’est installé dans l’ancienne capitale impériale, connue comme le centre du bouddhisme au Vietnam, dans le temple où il a étudié quand il était jeune.

Depuis son retour, des centaines de disciples se pressent devant la pagode, désireux de l’accompagner lors de ses sorties en fauteuil roulant dans les jardins qui entourent le temple.

« Il nous a appris à aimer les gens, à s’aimer soi-même, à aimer la nature », s’émeut Tran Thi My Thanh, qui a fait le pèlerinage avec un groupe d’amis depuis Ho Chi Minh-Ville, l’ex-Saïgon.

Il avait été exilé dans les années 1960 pour avoir appelé à la fin de la guerre du Vietnam. Une position qui lui a valu d’être proposé par Martin Luther King pour le prix Nobel de la paix en 1967.

C’est ainsi que le moine s’est retrouvé à passer près de quarante ans dans le sud de la France, où il a fondé un monastère et un centre de méditation bouddhique accueillant des laïcs pour des retraites.

– Méditer à tout instant –

Dans son propre pays, ses adeptes doivent faire profil bas depuis des années, la liberté religieuse qu’il prône étant vue comme une provocation par le régime communiste à parti unique.

La fidèle assistante du maître
La fidèle assistante du maître © AFP

Mais pendant ce temps, son influence a grandi à l’étranger.

États-Unis, Europe, Australie, Thaïlande: des milliers de personnes affluent aujourd’hui dans les centres qui dispensent son enseignement.

On y apprend la pleine conscience et le bouddhisme engagé, qui encourage à ne pas se retirer du monde, mais à s’engager.

Avant de perdre l’usage de la parole, Thich Nhat Hanh expliquait d’ailleurs méditer en permanence: en mâchant sa nourriture, en buvant du thé, en marchant et même en faisant la vaisselle.

A partir de 2005, le maître zen avait été autorisé à se rendre pour de courtes visites au Vietnam, mais ses messages sur la tolérance religieuse n’étaient pas du goût des autorités.

En 2009, ses adeptes avaient ainsi été chassés de leur temple dans la province de Lam Dong, dans le sud du pays.

« Le gouvernement communiste du Vietnam craint tout groupe qui compte de nombreux fidèles. C’est aussi le cas en Chine pour le Falun Gong », discipline réprimée depuis de nombreuses années par les autorités chinoises, souligne Tuong Vu, directeur des études asiatiques à l’Université de l’Oregon aux Etats-Unis.

Thich Nhat Hanh est désormais loin de ces batailles idéologiques « Il n’a plus de combat à mener, il profite pleinement du temps qui lui reste », relève Soeur Dinh Nghiem, son assistante depuis de nombreuses années.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire