Theresa May. © Reuters

Theresa May, six mois difficiles au pouvoir sous l’ombre du Brexit

Le Vif

Son arrivée au pouvoir avait soulevé les espoirs dans un pays déchiré par le référendum sur le Brexit: six mois plus tard, Theresa May est étrillée de tous côtés pour son apparente indécision dans la façon de mener la sortie de l’UE.

En refusant de révéler sa stratégie de négociation pour les futurs liens avec l’Union européenne, elle a fait naître le soupçon qu’elle n’en avait pas. En revenant sur plusieurs promesses d’améliorer le sort des plus démunis, elle a déçu ceux qui attendaient d’elle un conservatisme plus social.

Son arrivée à Downing Street le 13 juillet avait été accueillie avec un relatif soulagement, au milieu du psychodrame ayant suivi le référendum du 23 juin qui a décidé la sortie du Royaume-Uni de l’UE.

Tandis que les partisans du Brexit se poignardaient dans le dos, l’alors ministre de l’Intérieur, fille de pasteur austère et réservée, était apparue comme la femme fiable qui allait rassembler le pays et mener la barque d’une main ferme.

Elle annonçait alors une série de mesures visant à mettre un frein aux excès de la finance: présence des salariés dans les conseils d’administration, plafond aux rémunérations de grands dirigeants… deux mesures vite retirées.

Son style de gouvernement relevant du micromanagement, sa volonté de contrôle et quelques réactions mesquines -une députée interdite de Downing Street pour avoir critiqué son luxueux pantalon en cuir- n’ont pas amélioré sa popularité dans les milieux politiques, qu’elle n’a d’ailleurs jamais courtisés.

« Je ne trouve pas chez elle ce qu’on attend d’un Premier ministre: imagination, agilité, instinct, vision », dit à l’AFP le libéral-démocrate Nick Clegg, ex vice-Premier ministre.

Mais que veut Theresa May ?

Et son mantra inlassablement répété, « Brexit signifie Brexit », d’abord apparu comme un gage de respect du vote des électeurs, a rapidement tourné à vide.

Le refus de Mme May de partager sa stratégie avec le parlement lui a en outre attiré le désaveu de la Haute Cour, qui l’a sommée d’informer les élus de ses intentions avant de lancer le divorce avec l’UE. La Cour suprême doit rendre ce mois-ci une décision définitive.

Résultat: après six mois au pouvoir, Theresa May a récolté une cruelle Une de l’hebdomadaire des milieux d’affaires The Economist, qui l’a baptisée « Theresa Maybe » (Theresa Peut-être). Et pas un jour ne passe sans un éditorial assassin dans la presse, de droite comme de gauche,

Le public ne partage toutefois pas forcément ces jugements. Selon Matt Singh, blogueur très écouté spécialisé dans l’analyse des sondages, Mme May, 60 ans, a réussi à arrimer solidement l’avance de son parti conservateur dans l’opinion. La déconfiture de l’opposition travailliste dirigée par le gauchiste Jeremy Corbyn a certes aidé.

« Rappelez-vous la période où elle a pris le pouvoir, elle a rassuré et stabilisé. Elle s’est pas mal débrouillée face à ce défi colossal, surtout en comparaison avec une opposition qui n’a rien fait de bien », relève pour l’AFP Pawel Sudlicki, expert indépendant sur l’Europe.

« Elle a une vision claire de ce qu’elle veut -le plus large accès possible au marché unique tout en contrôlant l’immigration- mais pas des moyens d’y arriver », relève-t-il.

Un Brexit sans scénario

C’est ce qu’a spectaculairement révélé la démission mardi de l’ambassadeur britannique auprès de l’UE, Ivan Rogers, qui a dénoncé l’impréparation du gouvernement et déploré être dans l’ignorance de ses objectifs de négociation, à moins de trois mois du déclenchement du Brexit, prévu avant fin mars.

« Oui, nous prenons du temps pour examiner la situation (…) car nous sommes face à des questions complexes », a rétorqué dimanche Mme May sur la chaîne Sky News.

Elle a également laissé entendre qu’elle donnerait la priorité au contrôle de l’immigration en provenance de l’UE sur l’accès au marché unique européen.

A la décharge de Mme May, un diplomate européen relève qu’elle est devant « des équations difficiles ». « Elle doit trouver un équilibre entre la volonté de contrôler l’accès des travailleurs communautaires au marché du travail britannique et la nécessité de préserver les intérêts économiques du Royaume-Uni », tout en tenant compte des divisions de son propre parti et du pays, dit-il à l’AFP.

Et le manque de préparation de son gouvernement est aussi largement dû à la légèreté de son prédécesseur, David Cameron, qui, tout en jetant les dés du référendum, n’avait dans sa manche aucun scénario pour un Brexit.

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