La Première ministre britannique Theresa May. © AFP/Geoff Caddick

Theresa May affaiblie, changement de cap sur le Brexit?

Le Vif

La Première ministre conservatrice Theresa May était pressée de démissionner vendredi, au lendemain d’élections qui ont vu son parti perdre la majorité absolue au Parlement britannique, un résultat choc qui plonge le pays dans l’incertitude peu avant l’ouverture des négociations du Brexit.

C’est un échec personnel pour Theresa May, qui avait convoqué ces élections législatives anticipées en comptant en obtenir une majorité renforcée pour négocier la sortie de l’Union européenne.

Les conservateurs sont en tête du scrutin mais ont perdu une douzaine de sièges, tandis que l’opposition travailliste en a gagné une petite trentaine, selon ces résultats quasi finaux au terme desquels les Tories ne peuvent plus obtenir de majorité absolue.

Mme May, qui disposait d’une majorité de 17 sièges dans le Parlement sortant, espérait avoir les coudées franches pour négocier un Brexit « dur » avec les 27 à partir du 19 juin, un an après le référendum pour la sortie de l’Union européenne

Mais les travaillistes de M. Corbyn, tenant de l’aile gauche et qui a mené une campagne jugée réussie, ont contrarié ces plans. Largement réélu dans sa circonscription d’Islington, au nord de Londres, il a immédiatement appelé Mme May à la démission.

« Elle a perdu des sièges conservateurs, perdu des voix, perdu le soutien et la confiance. C’est assez pour qu’elle parte et laisse la place à un gouvernement vraiment représentatif », a-t-il déclaré.

Au sein même des Tories, l’ancienne ministre Anna Soubry a estimé que la Première ministre devait envisager une démission, soulignant qu’elle se trouve « dans une situation très difficile ».

Mme May, reconduite à Maidenhead (ouest), s’est contentée d’affirmer que « quels que soient les résultats », son parti « assurer(ait) la stabilité » dont « le pays a besoin ».

Chute de la livre

Dès la fermeture des bureaux, la projection de ce résultat avait provoqué une chute de la livre sterling à New York, tant face à l’euro que face au dollar.

« Il semble qu’il va y avoir de l’instabilité et qu’il sera plus difficile pour le gouvernement britannique de négocier le Brexit avec une position ferme », relève Tony Travers, de la London School of Economics (LSE).

Les conservateurs doivent désormais composer une coalition avec un autre parti -par exemple les Unionistes irlandais- ou se résoudre à former un gouvernement minoritaire. Dans les deux cas, les négociations pourraient retarder le calendrier du Brexit.

Pour Mike Finn, de l’université de Warwick, le Royaume-Uni s’expose « à une période de coalition ou à de nouvelles élections ». Résultat: « toute l’approche du Brexit est remise en question. »

A gauche, les indépendantistes écossais du SNP essuient de lourdes pertes, à 34 sièges contre 54 précédemment, selon des résultats quasi finaux. Leur numéro 2, Angus Robertson, ainsi que leur ancien leader, Alex Salmond, sont battus.

Les Libéraux-Démocrates, seul parti résolument europhile, gagne 4 sièges à 12 mandats, selon ces résultats. Les Lib-Dem ont prévenu jeudi soir qu’il n’y aurait « pas de coalition. Pas d’accord » avec les autres partis.

Le parti europhobe Ukip perd son unique siège.

Campagne réussie de Corbyn

« C’est un désastre pour Theresa May. Son leadership est remis en question et elle sera sous pression pour démissionner si les résultats se confirment », a souligné Iain Begg, professeur à la LSE, à l’AFP.

Quant au SNP, son net recul est « une très mauvaise nouvelle » pour « sa revendication d’un deuxième référendum » sur l’indépendance de l’Ecosse, selon l’expert.

« Le grand pari de May échoue », résumait le quotidien conservateur Times dans un titre barrant sa une.

« C’est mon pire cauchemar qui devient réalité », affirme pour sa part Hélène Thomas, 36 ans, qui a suivi la soirée électorale dans un bar de Londres, où elle espérait célébrer la victoire de Mme May.

Après les surprises du Brexit et de l’élection de Donald Trump, « c’est la leçon des deux dernières années », estime Brian Klaas, de la London School of Economics. « Les électeurs n’aiment pas qu’on prenne leur vote pour acquis ».

Theresa May avait convoqué le scrutin en avril, contrairement à ses propres engagements, en espérant surfer sur des sondages créditant son parti d’une avance de 20 points sur le Labour.

Mais M. Corbyn a mené une campagne dynamique, multipliant les meetings au contact des électeurs et exploitant plusieurs faux pas de Mme May, notamment sur la protection sociale.

Le Brexit a été paradoxalement éclipsé durant la campagne par les questions de la protection sociale et de la sécurité, dans ce pays frappé par trois attentats en moins de trois mois.

La question de la sortie de l’UE a cependant été à l’esprit de nombreux électeurs au moment de voter.

« J’ai fait mon choix sur ces deux questions: avoir un bon accord sur le Brexit, et la sécurité », soulignait à l’AFP Angus Ditmas, 25 ans, à Londres.

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