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 » Terrorisme aujourd’hui au Sinaï, demain à Ixelles « 

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Face à la montée du terrorisme, le chargé d’affaires de l’ambassade d’Egypte à Bruxelles, Maged Mosleh, appelle à un vrai partenariat et demande aux Européens de séparer la lutte contre le terrorisme du problème politique. Il évoque l’ambiguïté des Frères musulmans.

Des militants islamistes présumés ont fait exploser deux voitures piégées mercredi contre le quartier général des services de renseignement de l’armée égyptienne à Rafah, à la frontière avec la bande Gaza. Bilan : 6 soldats tués. Cet attentat survient alors que l’armée est engagée dans une offensive contre les terroristes dans le Sinaï. Les attaques se sont multipliées dans cette partie orientale de l’Egypte depuis la destitution du président Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, par l’armée. Le chargé d’affaire de l’ambassade d’Egypte à Bruxelles, Maged Mosleh, analyse cette vague de violences et l’évolution de la situation dans son pays.

Quels liens pensez-vous que les auteurs des attaques terroristes dans le Sinaï pourraient avoir avec les Frères musulmans ?

Maged Mosleh : Je ne sais pas. Ce que je peux dire est qu’un des leaders des Frères musulmans a déclaré dans une interview qu’ « à la seconde où le président Mohamed Morsi sera réinstallé à son poste, les attaques dans le Sinaï cesseront ». Tirez-en les conclusions vous-même. La lutte contre le terrorisme est un problème intérieur et nécessite l’aide des partenaires. A Londres, à Madrid, vous avez aussi vécu les affres de ce fléau. Terrorisme aujourd’hui au Sinaï, demain à Ixelles. Ce que nous attendons des Européens, c’est qu’ils séparent catégoriquement le problème politique en Egypte de la lutte contre le terrorisme. Si le message contre le terrorisme n’est pas assez ferme, cela encouragera l’extrémisme et les violences.

Le gouvernement égyptien entend-t-il renouer le dialogue avec les Frères musulmans et à quelles conditions ?

Il y a trois processus parallèles aujourd’hui en Egypte. 1. La feuille de route qui inclut une nouvelle Constitution et des élections présidentielles et parlementaires selon un calendrier plus ou moins précis. 2. La réconciliation nationale. Les portes sont ouvertes à tous ceux qui sont prêts à accepter les principes de la démocratie et à renoncer à la violence. On ne peut pas inviter à la table de négociation des criminels qui ont commis des actes de terrorisme. Des voix sages et raisonnables existent parmi les Frères musulmans. 3. La lutte contre le terrorisme, qui est une question séparée du processus politique.

Comment expliquer le nombre élevé de morts lors de l’évacuation des places publiques occupées par les Frères musulmans ? S’il y avait eu des morts d’un seul côté, vous auriez évoqué un usage excessif de la force. Mais il y a eu des morts des deux côtés. Des fusils mitrailleurs, des bombes ont été utilisés par les Frères musulmans. Des policiers, une cinquantaine, ont été tués. Ce n’était pas des rassemblements pacifiques. Lorsqu’un manifestant armé d’un révolver ou d’une mitrailleuse amène ses enfants et ses soeurs, à quoi pouvez-vous vous attendre ?

Qu’en est-il aujourd’hui de l’attitude de l’armée ? Les révolutionnaires de 2011 peuvent-ils avoir la garantie que leurs aspirations démocratiques seront respectées par l’armée ?

Notre garantie, c’est le peuple. Nous avons fait une révolution contre une dictature issue de l’armée. Il y a eu ensuite des mini-révolutions contre le Conseil suprême militaire. Enfin, nous avons mené une révolution contre le fascisme religieux. La garantie, c’est le peuple. Au sein du gouvernement, l’armée ne dispose que du ministère de la Défense. Peut-être l’armée est-elle l’organisation la plus forte, militairement et économiquement. Mais, en fin de compte, c’est le président qui dispose de tous les pouvoirs, gouverne avec le Premier ministre et suit une feuille de route. Si ce processus devait être interrompu par l’armée, le peuple ne l’accepterait pas.

Quelle est la position de l’Egypte à propos d’une intervention militaire en Syrie ?

L’Egypte est favorable à une solution pacifique à cette tragédie. L’utilisation de la force va-t-elle résoudre la question ? Peut-être risque-t-elle de la compliquer. De toute façon, une opération militaire doit respecter les voies légales, c’est-à-dire le consentement du Conseil de sécurité.

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