Kim Yong-Un et Donald Trump © Reuters

« Tensions entre la Corée du Nord les États-Unis: une analyse en dix points »

Herman Matthijs
Herman Matthijs Professeur en Finances publiques

Le professeur Herman Matthijs analyse les tensions ravivées entre les États-Unis et la Corée du Nord.

Depuis quelque temps, le leader dictatorial nord-coréen Kim Jong-Un provoque les États-Unis et d’autres pays asiatiques. Mais qu’est-ce qu’il sait, peut et veut faire ? Face à lui, le président américain est ‘Chief of Staff ‘ de l’armée la plus grande et la plus moderne du monde. Analyse de l'(énième) crise coréenne actuelle.

Analyse en dix points

C’est un dossier ancien qui traîne depuis des dizaines d’années et pour lequel aucun leader chinois ou président américain n’a trouvé de solution. Cela devient évidemment dangereux quand on sait que le leader despotique d’un pays stalinien possède des missiles intercontinentaux capables de porter des armes nucléaires. En réalité, le président Donald Trump n’est que l’héritier d’un vieux dossier pourri.

La Chine pourrait apaiser Pyongyang, mais elle joue le jeu avec beaucoup de dureté et d’hypocrisie. Le régime communiste dictatorial de Pékin n’a pas très envie de rappeler à l’ordre le gouvernement psychopathe de la Corée du Nord. À cela, il y a plusieurs raisons. Premièrement, Pékin ne fera rien si le président Trump prend des mesures pour faire baisser le déficit de sa balance commerciale. Le déficit avec la Chine est énorme. (En 2016, il s’agissait de 347 milliards de dollars). Deuxièmement, tous les autres pays de la région sont bien disposés par rapport à l’Amérique (Taiwan, Corée du Sud, Japon, etc.) et guère favorables à l’intervention agressive de la marine chinoise en mer de Chine. En d’autres termes, tant que les Chinois utilisent du petit-fils du leader éternel comme d’un « yoyo », cela sert leurs intérêts. Cependant, la République populaire de Chine a commis une bévue en permettant que leur ami communiste de Pyongyang possède des missiles balistiques et des armes nucléaires.

Le dossier nord-coréen et la fabrication d’armes nucléaires sont fort liés au développement afférent en Iran et en Syrie. N’oublions pas qu’en 2007 avec l’opération Orchard Israël a détruit une centrale nucléaire en construction sur le territoire syrien. Et il est clair que le régime nord-coréen a aidé à la construction. Or qui dit Syrie, dit son allié l’Iran qui poursuit également des ambitions nucléaires. Le dossier nord-coréen est donc lié au Moyen-Orient.

Un autre problème, c’est que le groupe de puissances nucléaires est en train de devenir trop grand et qu’une partie de ces pays n’ont pas de gouvernement démocratique. Avec la Corée du Nord, cela fait déjà neuf (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni, Inde, Pakistan et Israël). Reste à voir si cela améliore la sécurité mondiale.

En termes de crédibilité politique, les défis politiques peuvent poser un problème au président américain, car réagir vivement et menacer d’envoyer des missiles peut entraîner Trump à promettre beaucoup, mais à ne pas faire grand-chose. Un « first strike » américain représente en effet un risque trop élevé et ne résoudra jamais totalement le problème coréen. Et que se passera-t-il si Kim Jong-Un tire des missiles non chargés en direction de l’île de Guam, située en eaux territoriales américaines ? Comment réagira le président Trump ? En revanche, si les missiles balistiques nord-coréens sont interceptés par les patriotes américains et/ ou le THAAD (Terminal High Altitude Area Defence ) plus récent positionné à Guam, cela peut signifier un triomphe pour Trump. Il se peut aussi que les Américains cachent un secret. Par exemple des armes aux lasers montés sur des satellites avec lesquelles ils vont étonner le monde ? Alors, on revient à la situation de la Première Guerre du Golfe (1990-91), quand le monde entier a découvert le système de guidage satellite des missiles qui montrait que la défense américaine avait au moins une décennie d’avance sur les autres.

Dans les médias, on parle surtout d’une attaque possible sur le territoire américain de Guam. Celui-ci abrite une partie du ‘Pacific fleet ‘ de la marine américaine, une partie des bombardiers américains et une unité importante des ‘delta forces’. C’est pourquoi cette île est certainement une cible militaire. Mais si on trace un cercle sur la Corée du Nord et qu’on dessine un rayon de 3500 kilomètres, on voit que beaucoup de pays entrent en ligne de compte pour une attaque balistique depuis la Corée du Nord. Il n’y a donc pas que Guam qui est menacée.

L’Union européenne ne joue aucun rôle dans ce dossier, ce qui en dit long sur le poids diplomatico-militaire de l’Europe. Pas mal de pays européens sont contents que la région coréenne et le Pacifique ne fassent pas partie de la région de l’OTAN et espèrent rester un maximum en dehors du conflit. Il faut toutefois ajouter que la France, et dans une moindre mesure le Royaume-Uni, possèdent des territoires dans le Pacifique. Et que va faire l’Europe si ces régions sont impliquées dans le conflit ?

L’absence d’un nouvel ambassadeur américain en Corée du Sud et les querelles intestines politiques à Séoul ne sont guère favorables non plus à la politique diplomatique de Washington.

Pour l’instant, les conséquences économico-financières du dossier coréen sont très limitées. Le dollar américain baisse un peu par rapport à l’euro, mais c’est une bonne chose pour l’export américain. Le prix de l’or augmente aussi et c’est une nouvelle positive pour le ‘FRB’ (Federal Reserve Bank), qui possède la réserve d’or la plus importante du monde (8 130 tonnes). En outre, le prix du pétrole et du gaz augmente également en conséquence de crises internationales. Et la bourse américaine demeure à un niveau très élevé (Dow Jones: 21.800 points).

Au niveau du marketing politique, cette crise coréenne et les problèmes du régime tout aussi stalinien au Venezuela sont tout bénéfice pour Trump, car il arrive à se positionner comme leader capable de défendre les intérêts américains et de redorer le blason de la suprématie militaire américaine. Plusieurs pays voisins du Venezuela aimeraient y voir un changement de pouvoir. En outre, ce serait une mauvaise nouvelle pour les leaders communistes de La Havane. Le président Trump est moins désireux de l’ouverture envers Cuba que son prédécesseur le président Obama.

Conclusion

Le principal, c’est que ces dossiers étrangers détournent l’attention des querelles intérieures relatives aux Obama/ Trumpcare et les histoires interminables sur les ingérences russes lors des élections américaines. Il est certain que Moscou ou Pékin observent avec intérêt la façon dont le président Donald Trump gérera les dossiers internationaux.

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