Tahirah Amatul-Wadud © AFP

Tahirah Amatul-Wadud, femme, noire, musulmane et candidate au Congrès

Le Vif

Une femme voilée de rose, qui salue de la main les voitures depuis le terre-plein central d’une avenue dans le Massachusetts, au nord-est des Etats-Unis, et appelle les passagers à voter pour elle, la scène interpelle.

Quelques conducteurs klaxonnent, l’un d’entre eux baisse la vitre pour dire bonjour, beaucoup ne passent pas sans un regard.

Tahirah Amatul-Wadud est mère de sept enfants, avocate, activiste et musulmane, qui se lève avant l’aube, prie cinq fois par jour et jeûne durant le ramadan.

Aujourd’hui âgée de 44 ans, elle s’attaque au plus grand défi de son existence, à savoir obtenir d’électeurs majoritairement blancs et catholiques de l’envoyer au Congrès, où elle deviendrait la première femme musulmane à siéger.

La religion ne fait pas partie de son programme, qui ambitionne surtout d’améliorer l’ordinaire de cette région du Massachusetts où le chômage est plus élevé que la moyenne.

Assurance santé pour tous, scolarité accessible, lutte contre la crise des opiacés et meilleure couverture en internet haut débit figurent parmi ses propositions phares.

« Je ne parle pas de religion parce que je ne veux pas assumer des responsabilités avec ce prisme », assure-t-elle dans ses locaux de campagne, en banlieue de Springfield.

Pour autant, cette femme au ton volontaire reconnaît trouver « sa force » dans la foi.

– « L’espoir est possible » –

Cinq femmes musulmanes au total se présentent au Congrès à l’occasion du scrutin de mi-mandat présidentiel, en novembre, avec la perspective de rejoindre Keith Ellison, devenu, en 2007, le premier élu musulman au Congrès.

La route sera longue pour Tahirah Amatul-Wadud, qui devra d’abord s’imposer, lors de la primaire démocrate du 4 septembre, face à Richard Neal, qui représente la circonscription depuis 1989.

Elle avait neuf ans quand sa famille s’est installée à Springfield, au début des années 80. Richard Neal, lui, était déjà maire de la ville.

A ce jour, son rival a levé 3 millions de dollars pour sa campagne, environ 40 fois ce que pèse sa propre enveloppe, soit 72.000 dollars.

Le fait qu’elle refuse les dons d’entreprises et de lobbys accentue encore l’écart entre les ressources des deux candidats.

Elle assure néanmoins pouvoir compter sur 300 volontaires prêts à frapper aux portes pour porter la bonne parole.

Si elle dit s’être présentée avec la motivation d’un changement sur le plan local, elle admet que la victoire de Donald Trump « a tout changé ».

« Certaines de ses décisions, certains aspects de sa personnalité sont alarmants pour les gens », dit-elle.

Le succès surprise d’Alexandria Ocasio-Cortez, novice en politique qui a battu, fin juin, une figure démocrate lors d’une primaire à New York, a concrétisé une volonté de renouvellement de la classe politique.

« Si elle a réussi à gagner, alors l’espoir est possible, ici, chez nous », s’enthousiasme Tahirah Amatul-Wadud, qui dit avoir bénéficié d’une accélération des dons après cette victoire inattendue.

« Le temps du changement est venu », lance Deanna Williams, qui a rejoint l’équipe de campagne après son licenciement, en début d’année.

« L’ouest du Massachusetts souffre », dit-elle, « trop de gens sont à la peine et n’ont pas de boulot. »

Pour convaincre le plus grand nombre, la quadragénaire candidate arpente l’asphalte sans relâche, parfois par plus de 30 degrés avec pantalon et manches longues, armée de son sens du contact et de sa facilité d’expression.

« Je vois que les gens sont parfois surpris par mon apparence », observe-t-elle. « Mais est-ce que j’ai déjà eu à faire face à du racisme manifeste? Non, et je m’en félicite. J’espère que cela ne se produira jamais ».

A trois mois du scrutin législatif, prévu le 6 novembre, l’avocate spécialisée dans les affaires familiales se voit déjà à Washington.

En cas de défaite, elle n’entend pas renoncer pour autant. « Je ne vais nulle part. »

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