Gérald Papy

Syrie : une opération sur le fil du rasoir

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Américains, Britanniques et Français insistent sur le caractère ciblé et limité des frappes opérées dans la nuit de vendredi à samedi en Syrie contre des sites liés à son armement chimique. Il s’agit de répondre à l’attaque de Douma mais aussi de ne pas provoquer une escalade incontrôlée avec la Russie.

En lançant dans la nuit de vendredi à samedi des frappes aériennes sur la Syrie, les Etats-unis, la France et le Royaume-Uni ont répliqué à l’usage, avéré selon eux, d’armes chimiques contre des civils à Douma par le régime de Bachar al-Assad il y a une semaine. Une « ligne rouge » ayant été franchie dans leur entendement, ils se devaient de réagir au risque, s’ils ne l’avaient pas fait, de se dédire et de perdre le peu de crédibilité dont ils disposent encore dans le conflit. Mais ils ont aussi pris bien garde d’inscrire cette intervention dans un cadre strict et limité pour ne pas susciter une surréaction de la Russie, alliée du pouvoir syrien.

Les bombardements à partir de bâtiments maritimes et d’avions se seraient limités à viser trois sites supposés directement liés au stockage d’agents chimiques à Damas et à Homs. Donald Trump, Emmanuel Macron et Theresa May ont insisté, dans leurs premières déclarations, sur l’aspect ciblé de l’opération, réponse présumée proportionnelle à l’attaque syrienne du 7 avril sur la Douma. Ils ont aussi fait savoir qu’elle n’avait pas pour objectif le renversement du régime.

Ces frappes, sans relance du processus diplomatique, ne sont malheureusement pas de nature à le réduire.

L’intervention américano-franco-britannique de la nuit passée est donc menée sur le fil du rasoir. Suffisamment spectaculaire pour rappeler les limites que Bachar al-Assad est censé respecter, en l’occurrence l’interdiction du recours aux armes de destruction massive qu’un accord de 2013 concocté sous l’égide de la… Russie pour éviter d’autres représailles était censé le priver. Et suffisamment mesurée pour ne pas provoquer une escalade incontrôlée peu ou prou orchestrée par Moscou. Devant l’imminence des frappes, la Syrie et la Russie avaient mis en garde ces derniers jours sur les conséquences néfastes qu’elles pourraient avoir. On peut d’ailleurs penser que les dirigeants russes ont d’une façon ou d’une autre été avertis du cadre de l’opération.

Il est vrai que le conflit syrien s’est transformé après sept ans de combats en une poudrière particulièrement périlleuse. Confrontations Etats-Unis – Russie, chiites – sunnites, entre Turcs et Kurdes, lutte contre l’Etat islamique, débordements possibles sur l’Irak, le Liban ou Israël… : la guerre qui a connu aujourd’hui un nouveau tournant réunit tous les ingrédients d’un bourbier de longue durée. Et ces frappes, sans relance du processus diplomatique, ne sont malheureusement pas de nature à le réduire.

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