Donald Trump © REUTERS/Kevin Lamarque

Syrie: la « priorité est d’éviter » un conflit russo-américain

« La priorité est d’éviter le danger d’une guerre », a affirmé jeudi l’ambassadeur russe à l’ONU, Vassily Nebenzia, à l’issue d’une réunion à huis clos des quinze membres du Conseil de sécurité consacrée à la Syrie.

Interrogé pour savoir si ce pourrait être une guerre entre les Etats-Unis et la Russie, le diplomate russe a répondu: « Nous ne pouvons exclure aucune possibilité ».

La proposition suédoise d’une résolution pour une mission de désarmement chimique en Syrie n’a pas été abordée au cours de la réunion.

Selon des sources diplomatiques, cette proposition est notamment rejetée par les Etats-Unis, la France, le Royaume-Uni et les Pays-Bas car elle n’impose pas la création d’un mécanisme d’enquête sur les attaques chimiques présumées samedi à Douma.

Le sujet de la réunion jeudi, c’était « la politique agressive de certains membres du Conseil », a déclaré M. Nebenzia.

« Les menaces sont une violation de la Charte des Nations unies », a-t-il ajouté, estimant qu’une intervention militaire occidentale serait « très dangereuse car nos militaires sont là-bas ».

Le diplomate russe a également indiqué que la Russie avait demandé une réunion publique du Conseil de sécurité sur la Syrie vendredi à 14H00 GMT avec le secrétaire général de l’ONU Antonio Guterres. Jeudi soir, la participation du patron de l’ONU restait incertaine.

Mercredi, il avait exhorté les cinq membres permanents du Conseil de sécurité – Etats-Unis, Russie, Chine, Royaume-Uni et France – « à éviter une situation hors contrôle » en Syrie, en déplorant l' »impasse actuelle » et « l’incapacité » des membres du Conseil de sécurité à « obtenir un accord » pour mettre un terme aux tensions entre notamment l’Occident et la Russie.

Donald Trump n’a pas encore pris sa décision sur la Syrie

Le président américain Donald Trump, qui a réuni jeudi son équipe de sécurité nationale sur le dossier syrien, n’a pas encore tranché sur de possibles frappes aériennes après l’attaque chimique présumée dans l’enclave rebelle de Douma.

« Aucune décision finale n’a été prise », a affirmé Sarah Sanders, porte-parole de l’exécutif américain, précisant que M. Trump poursuivait les discussions avec ses alliés et appellerait dans la soirée la Première ministre Theresa May et le président français Emmanuel Macron.

Dans la soirée, un porte-parole de Downing Street a confirmé que M. Trump et Mme May s’étaient entretenus au téléphone.

« Ils se sont mis d’accord sur le fait qu’il était vital de ne pas laisser l’usage d’armes chimiques sans réponse, et sur la nécessité de prévenir un nouvel usage d’armes chimiques de la part du régime Assad », a-t-il annoncé.

Tout en restant évasif sur le calendrier d’une éventuelle intervention militaire, M. Macron a assuré de son côté avoir « la preuve » de l’implication du régime de Bachar al-Assad dans cette attaque meurtrière qui a suscité une vague d’indignation à travers le monde.

« Nous examinons la situation de très près. Nous devons prendre des décisions, elles seront prises sous peu », avait déclaré M. Trump depuis la Maison Blanche peu avant de réunir son équipe tandis que le chef du Pentagone, Jim Mattis, dénonçait le recours « tout simplement inexcusable » aux armes chimiques.

Un an après la première opération militaire américaine contre le régime syrien, en réponse déjà, à une attaque chimique présumée, les Occidentaux menacent de frapper le régime de Damas, qui dément toute responsabilité.

La perspective d’une action militaire des Etats-Unis, soutenus par la France et probablement le Royaume-Uni, s’inscrit dans un contexte de vives tensions avec la Russie. Les relations ont déjà été passablement dégradées par l’affaire de l’ex-espion Sergueï Skripal empoisonné en Angleterre.

Prudence de Londres

La Russie, l’un des plus fidèles soutiens du régime de Bachar al-Assad, a appelé les Occidentaux à « réfléchir sérieusement » aux conséquences de leurs actes tout en assurant ne pas vouloir d' »escalade ».

« Personne n’a donné le droit aux dirigeants occidentaux de s’attribuer le rôle de gendarmes du monde, à la fois d’enquêteur, de procureur, de juge et de bourreau », a lancé la porte-parole de la diplomatie russe, Maria Zakharova.

Londres est resté plutôt sur sa participation à d’éventuelles représailles militaires, préférant s’en remettre à la « coordination d’une réponse internationale » sur une question qui divise profondément l’opinion et la classe politique du Royaume-Uni.

La chancelière allemande Angela Merkel a jugé « évident » que le régime syriendisposait encore d’un arsenal chimique, tout en soulignant que Berlin ne participerait pas à des actions militaires contre Damas.

« Nous aurons des décisions à prendre en temps voulu, quand nous le jugerons le plus utile et le plus efficace », a de son côté déclaré M. Macron, qui a indiqué être en contact quotidien avec le locataire de la Maison Blanche.

Restant ferme dans ses accusations, il a assuré avoir « la preuve » que des armes chimiques ont été utilisées, « au moins du chlore ». Il faut « enlever les moyens d’intervention chimiques au régime », a-t-il martelé.

L’Organisation internationale sur les armes chimiques (OIAC), qui doit se réunir lundi, a annoncé que ses experts étaient en route pour la Syrie et commenceraient leur travail samedi.

Le Kremlin a pour sa part assuré que la ligne spéciale entre militaires russes et américains au sujet de leurs opérations en Syrie, destinée à éviter les incidents, était encore « dans un état actif et utilisée des deux côtés ».

« Toute action ne contribuera qu’à déstabiliser davantage la région », a averti de son côté le président syrien Bachar al-Assad.

40 morts, plus de 500 blessés

La Suède a mis jeudi sur la table du Conseil de sécurité un projet de résolution portant sur l’envoi d’une mission de l’ONU en Syrie pour en retirer les armes chimiques « une bonne fois pour toutes », selon le texte obtenu par l’AFP.

De son côté, la Russie a demandé que le Conseil de sécurité de l’ONU se réunisse vendredi.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan s’est dit préoccupé par le « bras de fer » engagé par certaines puissances étrangères, tandis que les éléments d’une riposte coordonnée entre Occidentaux se mettaient en place.

Selon les Casques blancs et l’ONG médicale Syrian American Medical Society, plus de 40 personnes ont été tuées à Douma, dernier bastion rebelle dans la Ghouta orientale, tandis que plus de 500 blessés ont été soignés notamment pour des « difficultés respiratoires ».

L’armée russe, qui intervient depuis septembre 2015 en soutien aux forces gouvernementales,a en outre annoncé jeudi que le drapeau du gouvernement syrien flottait sur la ville de Douma, marquant la reprise par le régime du contrôle de « la totalité de la Ghouta orientale ».

Belga/AFP

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