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Syrie : « l’impunité dont jouissent les auteurs de crimes ne fait qu’aggraver la situation »

La communauté internationale est paralysée face au drame syrien. Il en va de même de la justice internationale. L’Express a demandé des explications à Nadim Houry, de l’organisation humanitaire Human Rights Watch.

La communauté internationale est paralysée face au drame syrien. Alors que les exactions se multiplient, que plus de 100 personnes meurent chaque jour, que le régime syrien utilise quotidiennement des armes lourdes, des avions et des hélicoptères pour bombarder des zones civiles comme cela a encore été le cas jeudi contre une station-service ou au moins 30 personnes auraient péri, pourquoi la justice internationale semble-t-elle si démunie? L’Express a demandé des explications à Nadim Houry, de l’organisation humanitaire Human Rights Watch.

Pourquoi la justice internationale est-elle en panne vis-à vis de la Syrie ? Il y a un manque de motivation politique de la part des acteurs. Pour entamer une procédure devant le Tribunal pénal international, il faut passer par le conseil de sécurité. Or la Chine et la Russie y sont fermement opposées. D’autres pays pensent qu’il faut privilégier la voie de la négociation pour sortir de la violence et estiment qu’une procédure judiciaire risquerait de compliquer les négociations. HRW estime au contraire que l’incroyable impunité dont jouissent les auteurs de crimes ne fait qu’aggraver la terrible situation que vit la Syrie, avec plus de 100 morts chaque jour depuis plusieurs mois. C’est un échec collectif de la communauté internationale qui détourne les yeux de ce drame.

Peut-il y avoir d’autres recours hors de la saisie du TPI? L’autre possibilité réside dans des poursuites individuelles devant des pays qui ont adopté la compétence universelle (la poursuite, par un État tiers, des auteurs de crimes, quel que soit le lieu où le crime a été commis, et sans égard à la nationalité des auteurs ou des victimes), mais le seul moyen de juger ces individus serait qu’ils soient arrêtés dans les pays concernés, ce qui est très improbable.

D’autres actions ont-elles été engagées ? Une commission d’enquête internationale a été créée il y a un an par l’ONU. Dirigée par le juriste brésilien Paulo Sergio Pinheiro, elle a rédigé un rapport accablant pour le régime de Damas. Les enquêteurs n’ont pas eu la possibilité d’enquêter en Syrie mais ont recueilli le témoignage de réfugiés dans les pays limitrophes. Il rassemble des éléments établissant que des crimes contre l’humanité et des crimes de guerre ont été commis à grande échelle par le régime syrien ou par ses milices. Le rapport comprend certainement des noms de personnes incriminées. Mais à ce stade, cette liste est tenue secrète, et aucune suite juridique n’a pu être donnée.

De son côté, HRW a également publié de nombreux rapports documentant les violations en Syrie et deux rapports notamment dressent une liste de personnes responsables des violations. L’un, publié en décembre 2011 et se basant sur des témoignages de déserteurs, révélait que des dizaines d’officiers syriens avaient ordonné d’ouvrir le feu aveuglément sur des manifestants sans armes. L’autre, sorti en juillet dernier, dénonce l’usage de la torture dans les prisons syriennes. Je tiens à souligner que HRW a également dénoncé les exactions commises par les insurgés.

Ces documents pourront être utilisés comme base d’inculpation le moment venu, puisque malheureusement ce n’est pas encore possible aujourd’hui faute de l’aval du Conseil de sécurité.

A HRW, nous sommes convaincus que la recherche de la justice n’entrave pas la recherche d’une solution, bien au contraire. L’histoire des conflits récents a montré que tout accord de paix qui ne prend pas en compte la justice était voué à l’échec.

Propos recueillis par Catherine Gouëset, L’Express.fr

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