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Sûreté nucléaire, les leçons de Tchernobyl

Le Vif

Après la catastrophe de Tchernobyl, pire accident nucléaire de l’histoire il y a trente ans, la sûreté des centrales a connu des améliorations significatives même si, comme Fukushima l’a montré en 2011, de nombreux défis subsistent.

Pour les experts, une combinaison de facteurs a mené à la catastrophe du 26 avril 1986, avec au premier chef, les faiblesses de conception du reacteur de la centrale, un modèle dit RBMK, utilisés dans les républiques de l’ex-URSS.

Une caractéristique de ce réacteur est d’être instable et sujet à de brusques à-coups de puissance. Facteur aggravant, aucune structure de confinement n’était en place pour arrêter une fuite de radioactivité.

L’aléa humain a également joué dans la séquence accidentelle. L’Association nucléaire mondiale (ANM) a parlé d' »une violation des procédures d’exploitation et de l’absence d’une culture de la sûreté ».

Une mauvaise gestion de l’accident a suivi, avec l’évacuation trop lente des habitants et l’envoi de 600.000 « liquidateurs » avec peu ou pas d’équipement de protection.

La première alerte a été donnée le 28 avril 1986, non pas par la Russie, mais par la Suède qui avait détecté une augmentation inexpliquée des niveaux de rayonnement.

Le dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev n’a pas officiellement admis la catastrophe avant le 14 mai.

Quelle a été la réponse à à Tchernobyl ?

Tchernobyl a été un électrochoc mondial en matière de sûreté nucléaire.

L’un des progrès notables a été la création de l’Association mondiale des exploitants nucléaires (WANO), en 1989, avec l’instauration de revues « entre pairs » des 430 réacteurs nucléaires du monde entier.

« La filière a inconstestablement retenu la leçon selon laquelle nous sommes plus forts ensemble », analyse pour l’AFP Peter Prozesky, chef de cet organisme.

La disparition de l’Union soviétique a permis de lever de nombreux obstacles à une meilleure coopération internationale.

Parmi les pays anciens pays communistes d’Europe centrale, beaucoup sont maintenant membres de l’UE et, à ce titre, ont été soutenus dans l’adaptation de leurs usines de construction soviétique. Sur les 17 réacteurs RMBK en exploitation en 1986, six ont été fermées définitivement.

Le rôle de l’agence de l’ONU pour le nucléaire, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), a été renforcé. Elle a établi des normes de sécurité et exigé la déclaration des incidents, même mineurs, des 168 Etats membres.

Des accords internationaux ont été signés, le plus important étant la Convention de l’AIEA sur la sûreté nucléaire (CSN). D’autres portent sur les déchets et les systèmes d’alerte précoce en cas d’accident.

Quels facteurs de risque persistent ?

L’accident de la centrale nucléaire de Fukushima en mars 2011 a donné la mesure des risques qui demeurent.

« Le Japon croyait jusque-là que cette installation était robuste … et même que ce n’était pas une bonne idée de procéder à des améliorations ou des modifications de l’installation, car cela pouvait laisser croire à des faiblesses », décrypte pour l’AFP Juan Carlos Lentijo, chef de la sûreté nucléaire à l’AIEA.

« Ce fut une erreur grave, une énorme erreur », ajoute-t-il.

Le pire accident nucléaire depuis Tchernobyl a poussé à de nouveaux accords internationaux, un rôle accru pour WANO et l’AIEA.

Les exploitants affirment avoir amélioré la protection des matières nucléaires et rendu plus fiables les systèmes de sécurité dans les réacteurs les plus récents.

Mais le risque d’erreur humaine -facteur commun à Tchernobyl et Fukushima- est incontournable, avertissent les experts.

Selon l’Union of Concerned Scientists (union des scientifiques préoccupés – UCS), 10 « quasi-accidents », principalement dus à des erreurs humaines, ont été recensés sur des réacteurs aux Etats-Unis en 2015, chaque événement augmentant d’au moins 10 fois le risque d’un accident de fusion du coeur des réacteurs.

Pour Shawn-Patrick Stensil, expert nucléaire de l’organisation Greenpeace, l’âge des réacteurs, en particulier en occident où beaucoup remontent aux années 1960 et 70, fait peser un risque important.

« Nous avons atteint la phase d’usure de la majorité des réacteurs dans le monde », affirme-t-il à l’AFP.

En outre, ces réacteurs ont été construits avant que le risque de le terrorisme nucléaire « ait même été pensé », souligne-t-il.

Il reste en Russie encore 11 réacteurs de type RMBK, quoique équipés de nouvelles fonctionnalités de sécurité, et la Russie exporte ses réacteurs vers les pays en voie de développement.

A l’AIEA, institution de promotion de la technologie nucléaire, on se veut rassurant: « La sécurité a été améliorée, et je dirais que le niveau, en termes généraux, est approprié « , selon Juan Carlos Lentijo.

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