. © Reuters

« Sur la Syrie, la voix russe fait de plus en plus autorité et est de plus en plus légitime »

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Lundi soir, à la surprise générale, le président russe Vladimir Poutine a annoncé le retrait de Syrie du gros de son contingent militaire alors que les négociations intersyriennes se poursuivent à Genève et que le conflit entre dans sa 6e année. Trois questions à Xavier Follebouckt, chercheur à l’UCL et expert en géopolitique, pour comprendre la situation.

La Russie a entamé le retrait de son équipement militaire de Syrie, a indiqué le ministère russe de la Défense mardi quelques heures après que le président Vladimir Poutine a annoncé lundi soir le retrait de la majeure partie du contingent militaire russe de ce pays. L’annonce du Kremlin a été accueillie avec prudence par les Occidentaux comme par l’opposition syrienne. Trois questions à Xavier Follebouckt, chercheur à l’UCL et spécialiste des relations entre l’Europe et la Russie, pour comprendre la situation.

Comment analysez-vous ce retrait des troupes russes de Syrie ?

La volonté de la Russie est de ne pas s’embourber en Syrie. L’intervention des troupes russes devait être rapide, efficace et peu couteuse. Les effets russes ont pourtant mis du temps à se réaliser. Maintenant que les forces syriennes ont stabilisé le front et que le cessez-le-feu tient, Vladimir Poutine profite de cette date symbolique des 5 ans du conflit pour se retirer la tête haute, car un semblant de stabilité est perceptible dans le pays. Cela évite aux Russes de rester en Syrie pendant des mois, ce qui engendrait des coûts astronomiques. Le timing n’est certainement pas anodin, il est aussi lié à la volonté de la Russie d’une désescalade de l’opération en prétendant avoir atteint ses objectifs en 6 mois sur le terrain. Les forces du régime syrien peuvent maintenant continuer sans l’aide des Russes.

La Russie a-t-elle vraiment atteint ses objectifs en Syrie ?

Au départ, les objectifs de Poutine étaient de stabiliser le pays et de lutter contre l’EI mais son agenda caché était plutôt de renforcer le régime d’Assad fortement affaibli à l’été 2015. Daesh est toujours en place mais les forces d’Assad ont maintenant repris du terrain et ont été renforcées. Il s’agit surtout d’un objectif politique pour s’imposer à la table des négociations comme un acteur incontournable et responsable. On remarque que la voix russe fait de plus en plus autorité et est de plus en plus légitime. Les Occidentaux se rallient à la Russie et le régime d’Assad devient gage de stabilité. L’annonce peu habituelle de Poutine à la télévision peut être vue comme un coup symbolique pour repositionner la Russie en tant qu’acteur fiable au centre des préoccupations.

Concrètement, comment va se faire ce retrait?

Après cette annonce de Poutine, il faudra maintenant voir l’ampleur réelle du retrait des troupes russes sur le terrain. Le retrait pourrait durer autant de temps que la Russie veut. Combien d’hommes vont être retirés ? Quel est le calendrier précis du retrait ? La Russie ne tourne pas pour autant la page, on parle d’un « retrait partiel ». En évitant les risques, elle garde en effet encore une capacité d’action et de manoeuvre dans le pays en restant déployée dans ses deux bases aux nouvelles infrastructures, celle de Tartus et de Lattaquié, ainsi que ses bases militaires dans le Caucase. A n’importe quel moment, les Russes peuvent revenir rapidement et recommencer de façon très discrète à mener leur soutien au régime d’Assad en sourdine sans effet d’annonce et sans susciter le débat avec les autres acteurs internationaux. Il faudra attendre de voir l’ampleur réelle du retrait russe dans les prochaines semaines.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire