Le 11-Septembre, commis par des kamikazes saturés de fictions ? © DR

Sommes-nous accros au terrorisme ?

Le Vif

Le penseur belge Laurent de Sutter avance dans son essai Théorie du Kamikaze que l’acte terroriste, en tant qu’acte imagé, pourrait s’inscrire dans la mouvance du destruction porn. Ou autrement dit, retirons-nous du plaisir à regarder la destruction ?

Dans Théorie du Kamikaze (Presses Universitaires de France), Laurent de Sutter analyse l’attentat sous l’angle de l’esthétisme et de la théorie des images. Sans le mettre au même niveau qu’un happening d’art contemporain, il explique dans son essai que « Le kamikaze est un être esthétique: il appartient au régime des apparences, dont il sature pour un moment l’écologie entière, rendant invisible tout ce qui n’est pas le flash de l’explosion supposée l’emporter dans une apothéose de lumière. Le nombre de victimes causées par l’attentat, ou l’ampleur de la destruction de bâtiments qu’il a entraînée n’est que l’instrument de mesure de cette saturation; en soi, elle n’en forme qu’un des moyens -mais à aucun titre une fin. Ce dont il s’agit, pour un kamikaze, c’est de parvenir à ce que l’image de l’attentat en devienne l’icône ».

Ne se cantonnant pas au simple « eux contre nous », l’essai montre au contraire une certaine « coproduction » dans les attentats précise Slatedans son intéressante analyse.

Les médias, les spectateurs et les terroristes participeraient à une même dynamique de surenchère dans le spectaculaire. Selon le penseur, l’attentat suicide serait en réalité un média à lui seul « captant à son service, par contamination, l’ensemble des autres dispositifs médiatiques, et ne laissant derrière lui qu’un désert d’intensité – une indifférence générale pour ce qui n’était pas l’excitation qu’il avait suscitée ». L’attentat cannibaliserait notre fascination commune pour la puissance visuelle, « seul lieu de manifestation d’un réel qui semble ne plus pouvoir s’envisager par ailleurs. » dit encore Slate. Et ce, en créant une image tellement puissante qu’elle en viendrait à complètement paralyser les intervenants.

Cette théorie à ceci de bien, dit encore Slate, qu’elle permet aussi de mieux comprendre pourquoi un individu seul et armé d’une simple arme blanche peut se transformer en menace absolue. Nous sommes tellement sidérés et anesthésiés par la violence des images qu’on n’arrive plus à se dire qu’il n’est en théorie pas si compliquée d’arrêter un tel individu. Le Kamikaze est auréolé d’une force mythique. Une force entérinée par la force des images et martelée à l’envi par les médias à un public complice. Les victimes ne seraient dès lors plus dès que des individus résignés et soumis devant ce qui est désormais présenté, par des images-chocs, comme inéluctable.

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Laurent de Sutter est professeur de théorie du droit à la VUB.

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