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Sexe, géographie ou langue étrangère : ce qui oppose écoles américaines et européennes

Stagiaire Le Vif

Matchs de football, pom-pom girls, chicken nuggets, coolitude ambiante ; les clichés autour de la High School américaine ont la vie dure chez les Européens. Mais derrière le fard et les paillettes se cachent les lacunes d’un système plus attaché à la performance qu’à la qualité de son éducation. Retour à la réalité en quatre différences bien marquées.

Quelles différences y a-t-il entre le système éducatif américain et celui en vigueur de ce côté-ci de l’Atlantique ? Demandez donc à un Européen l’idée qu’il se fait d’un lycée aux Etats-Unis et vous obtiendrez des brides de réponses incluant probablement des termes comme « glamour », « fashion », « sport », « excellence », voire « violence ».

Depuis les années 90, l’image qu’on se fait du quotidien scolaire aux Etats-Unis a été en réalité fortement biaisée par celle qu’entretiennent les clips musicaux, films et autres séries produits au pays de l’Oncle Sam. Pour le commun des mortels, une high school américaine prend plus des allures de cour de récré pour ados mal dégrossis, avec ses matchs de football, pom-pom girls et rangées de casiers à perte de vue, qu’un haut-lieu d’apprentissage intellectuel.

Le prix de la performance

Mais la réalité n’est pas aussi rose qu’elle souhaite nous le dépeindre. Depuis des années, le système des écoles publiques aux Etats-Unis repose sur une forme de bureaucratie dévouée à la réussite de ses élèves aux tests qu’elle leur impose. Le hic, c’est que du taux de réussite à ses évaluations dépend en grande partie des subsides alloués chaque année par le gouvernement. Le genre de financement que les établissements n’entendent pas perdre, raison pour laquelle ils misent plus sur la mémorisation par les étudiants d’informations préfabriquées dans un objectif de performance, au détriment d’une réelle préparation aux défis de la vie future.

En 2011, le problème avait déjà été soulevé dans un rapport d’expert réalisé à la demande du Conseil national de recherche américain. Parmi les spécialistes envoyés sur le terrain, Linda Darling-Hammond, de l’université de Stanford, ciblait l’importance d’un remaniement des méthodes à travers le « deeper learning » (« étude approfondie »).

« C’est le seul moyen de préparer suffisamment les jeunes à la réussite dans leur vie de demain », déclarait-elle sur le site de l’Association pour éducation nationale. Pour adopter cette méthode, plusieurs compétences ont été mises en évidence comme la capacité de raisonner calmement, de gérer son comportement et émotions, ainsi que l’habilité à formuler clairement des idées et faciliter sa communication.

Dans un rapport datant de 2014, l’Institut américain de la recherche a confirmé cette tendance que les étudiants en provenance d’écoles pratiquant le « deeper learning » avaient plus de chances d’être diplômés, là où ceux en difficultés se tourneraient davantage vers un système éducatif secondaire.

A l’inverse, le système européen cultive, en règle générale, une meilleure réputation que son homologue américain. Les pays scandinaves (Finlande, Norvège, Suède, Danemark) sont d’ailleurs souvent cités en exemples de cette réussite éducative. Depuis quelques années, la Finlande a par exemple délaissé l’apprentissage par mémorisation tout en basant son système sur les valeurs de l’égalité plutôt que la poursuite de l’excellence.

Si les chiffres parlent parfois d’eux-mêmes (comme dans ce relevé de l’OCDE sur les performances étudiantes en mathématiques, sciences et lecture), établir des comparaisons touchant tous les aspects de chacun des systèmes reste difficile. Voici toutefois, à titre d’exemple, quelques différences entre les high schools américaines et les écoles secondaires européennes.

Les européens apprennent comment avoir des rapports sexuels

Aux Etats-Unis, l’éducation des jeunes se résume en général à un exposé sur les risques liés aux maladies sexuellement transmissibles ou comment glisser un préservatif sur un fruit, quand le discours ne glisse pas tout simplement vers l’abstinence. Selon un rapport de l’Institut Guttmacher , jusqu’en 2008 un tiers des jeunes américains entre 15 et 19 ans ne recevait aucune information à l’école sur le moyens de contraception.

En Europe, les cours d’éducation sexuelle sont devenus au fil des ans obligatoires dans la majorité des écoles dans les pays de l’Ouest et du Nord, sans se cantonner uniquement aux aspects purement biologiques de la chose.

En Allemagne, par exemple, les thèmes abordés vont des bienfaits biologiques de la reproduction aux moyens d’atteindre l’orgasme en passant par la contraception existante. De même, des pays comme la Finlande ou la Suède entament l’éducation sexuelle dès l’école primaire puis l’accompagnent par des livres, images ou vidéos éducatives.

L’Italie et son église puritaine mise à part, l’Angleterre fait peut-être office d’exception à cette dynamique européenne. En 2014, on a reproché à son système d’éducation de ne pas assez miser sur les thèmes importants liés à l’apprentissage de la sexualité.

Les Européens apprennent la géographie

L’ignorance présumée de beaucoup d’Américains sur les pays autres que le leur est depuis longtemps sujet aux moqueries. Quand certains se posent des questions sur le fond du problème, la réalité montre que les écoles américaines, université mises à part, enseignent peu sur l’état du monde et son histoire, si ce n’est d’un point de vue strictement américain. En conséquence, ils sont de plus en plus nombreux à devoir attendre l’université (pour ceux qui ont la chance ou les moyens de s’y rendre) pour cultiver une vision différente du monde et de ses arcanes, sans forcément se référer aux seuls Etats-Unis comme point d’ancrage.

Les Européens apprennent à parler l’anglais, et souvent d’autres langues

En tant qu’Américain, l’argument de l’anglais en tant que langue internationale sert souvent de prétexte au non-apprentissage d’un idiome étranger. Pourquoi en effet assimiler un vocabulaire différent tout en sachant que votre propre langue peut vous emmener partout ? Si certaines écoles prônent l’étude d’une autre langue, celle-ci se limite trop souvent à une base rudimentaire.

Non-seulement presque tous les enfants en Europe sont soumis à l’anglais dès les primaires, mais vingt pays européens encouragent également l’apprentissage d’une deuxième langue étrangère au cours des études. Dans des pays comme l’Autriche, la Norvège, l’Espagne, Chypre, la Croatie ou le Luxembourg, la plupart des jeunes débutent l’apprentissage d’une nouvelle langue à l’âge de six ans. En Belgique, à l’âge de trois, selon une étude statistique du PewResearch Center.

Seuls les Américains sont obsédés par le sport à l’école

C’est sans doute l’une des plus grosses différences entre écoles américaines et européennes ; l’attention accordée au sport. Que ce soit en baseball, football ou basketball, la participation à des compétitions fait depuis longtemps partie intégrante du quotidien des étudiants aux Etats-Unis. Sans oublier les retombées financières et en image que représente une victoire en compétition pour leurs écoles.

L’éducation physique existe bien évidemment en Europe, de même que la participation à des tournois en tous genres mais sans égaler le degré d’implication pratiqué outre-Atlantique.

Cette différence, John H. Bishop, un ancien professeur d’université de Cornell et auteur en 2010 d’une étude comparative sur les systèmes américains et européens, l’attribue à la conception même du sport. En Europe, explique-t-il, sa pratique est plus rapidement assimilée vers une carrière proprement dite. A partie du moment où un enfant montre un certain talent dans un sport et souhaite poursuivre dans cette voie, il sera amené à suivre une formation dans des écoles spécialisées, en parallèle à des cours plus classiques mais obligatoires. Avant de peut-être entamer une carrière plus professionnelle qui éloigne également le jeune du cadre des études.

A défaut de percer au haut niveau, l’expérience sportive en Europe est particulière dans le sens où bon nombre de jeunes pratiquent volontiers un hobby sportif en-dehors du cadre de l’école. Celles-ci n’ont d’ailleurs jamais cherché à promouvoir des équipes officielles de la même manière qu’aux Etats-Unis.

En terme d’éducation physique, l’objectif compétition n’est pas non plus inscrit dans les mentalités des institutions du vieux continent. Par exemple, les enfants en Espagne apprennent comment danser ; dans les pays nordiques, ils apprennent à créer des cartes et s’orienter dans la nature pour développer leurs sens. De même, la Lituanie et la Hongrie incluent des exercices de posture et de respiration dans leur cursus, selon un rapport de 2012 produit par la Commission européenne. Autant d’exemples parmi d’autres que la pratique du sport l’emporte sur la performance pure.

High school , forcément négative ?

Pas sur tous les tableaux. Et s’il y a bien un domaine dans lequel les écoles américaines surpassent celles en Europe, c’est celui de l’amusement. Matchs de football, pom-pom girls, chicken nuggets à la cantine ou bals de promo ; autant de clichés bien réels qui séduisent inévitablement l’étudiant européen avide de découvertes. Et qu’importe pour eux que leurs cours soient moins intéressants qu’ailleurs, car tout le monde sait que ce n’est pas le plus important dans l’expérience américaine…

Guillaume Alvarez

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