Dans les campagnes népalaises, la tradition du "chhaupadi" veut que les femmes indisposées s'isolent du foyer et dorment dans une hutte à l'extérieur. © Reuters

Saugrenus ou meurtriers, les mythes autour des règles persistent partout

Stagiaire Le Vif

En 2019, de nombreuses croyances entourent encore les menstruations. Elles sont plus ou moins farfelues, contraignantes, voire dangereuses : régulièrement, des femmes meurent des pratiques liées aux règles.

Au matin du 1er février, Parwati Bogati est retrouvée morte dans une hutte à l’extérieur de son village. La Népalaise de 21 ans s’est asphyxiée en allumant un feu dans ce réduit sans fenêtre pour tenter de se réchauffer. Elle est l’une des dernières victimes en date du « chhaupadi ». Selon cette tradition hindouiste, toute femme menstruée doit être maintenue loin du foyer pour ne pas « contaminer » les autres. Elle ne peut toucher ni le bétail ni les membres de sa famille, n’a pas accès aux toilettes, au temple ou à l’école. Le « chhaupadi » est interdit depuis 2005 et déclaré criminel depuis 2017, mais reste la norme dans les campagnes népalaises.

D’après le site Women’s Health, « il n’existe pas d’autre phénomène corporel si universellement tabou et mystifié que les règles -à part peut-être l’accouchement ». En effet, toutes les cultures humaines comportent des croyances et pratiques relatives aux menstruations, parfois étonnamment semblables. Au Mali par exemple, les femmes Dogon doivent elles aussi s’isoler lors de leurs règles, et s’installer dans une case « punulu » ornée de symboles sexuels située à l’entrée du village.

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La pratique du « chhaupadi » tue régulièrement en Inde et au Népal, où elle est pourtant interdite depuis 2005 mais subsiste dans les campagnes.© Reuters

L’indisposée, une mauvaise croyante

Toutes ces pratiques prennent souvent leurs sources dans les récits sacrés. C’est le cas des trois religions monothéistes. Selon la journaliste Camille Emmanuelle, autrice de Sang tabou, « le point commun entre la Bible, la Torah et le Coran, c’est qu’une femme réglée ne peut pas être une bonne croyante ». Ainsi, les musulmanes doivent reporter jeûne et pèlerinage, caducs pendant l’indisposition. Comme les juives, elles ont l’obligation d’effectuer une série d’ablutions en fin du cycle. Les chrétiennes, elles, redoublent d’efforts dans leurs prières, leur état les empêchant de se consacrer au devoir de procréation. Car l’autre similitude est l’interdiction de l’acte sexuel pendant les règles. Au Moyen-âge européen, on menaçait même les non-abstinents d’engendrer des enfants mentalement déficients ou aveugles. De là viendrait d’ailleurs la stigmatisation toujours prégnante des personnes aux cheveux roux…

Au Moyen-Âge, en Europe, on promet aux couples consommant l'union pendant les règles, une
Au Moyen-Âge, en Europe, on promet aux couples consommant l’union pendant les règles, une « engeance du Diable »…© FlickrCommons

Le grand secret

Les règles concernent la moitié de la population mondiale, mais doivent demeurer cachées partout encore aujourd’hui. La culture occidentale n’est pas épargnée par le tabou : d’après un sondage mené en 2018 par la marque de protections Thinx, 58 % des 1 500 Américaines interrogées disent avoir honte de leurs règles. Ce « secret » provoque bien souvent des ravages sanitaires dans les pays moins favorisés. Dans les îles du Pacifique, par exemple, il est plus pratique d’utiliser des linges réutilisables que d’importer des serviettes jetables. Mais au lieu de les laisser sécher à l’air libre à la vue des voisins, on préfère les cacher sous un matelas, où ils finissent par moisir. Au Malawi, le tabou est si profondément ancré que la majorité des adolescentes ne découvrent l’existence des règles qu’une fois leur culotte tâchée… Une méconnaissance du corps qui peut mener à des situations sociales dramatiques, comme en Ethiopie, où il est largement admis que les premières règles sont déclenchées par un rapport sexuel.

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Un rapport à la nourriture compliqué

Autre trait commun à beaucoup de sociétés : l’arrivée des règles modifie le rapport aux aliments des concernées. En Afghanistan et au Kenya, on réduit notamment leur consommation de viande ou de produits laitiers jugés trop riches, faisant grimper le risque d’anémie. Côté cuisine, dans nombre de sociétés, on conseille aux menstruées de remiser (un temps) le tablier. Parce qu’une Française ratera à coup sûr sa mayonnaise, quand une Argentine ne pourra faire monter sa crème fouettée… Une Italienne a encore moins de chance : une fois réglée, elle ne réussit plus aucun plat ! Cette incapacité des femmes menstruées à cuisiner correctement est même institutionnalisée au Japon. Sous prétexte que les règles « modifient » prétendument la perception du goût, il a longtemps été interdit aux femmes de devenir maître-sushi.

Une gifle ou un cadeau

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Finalement, le seul moment où les règles peuvent être perçues positivement est celui de leur apparition. D’après des témoignages recueillis aux quatre coins du monde par le site BuzzFeed, ce peut être l’occasion d’une fête ou la conception d’un plat spécial. Toujours au Japon, la mère de l’adolescente préparera un sekihan, du riz gluant aux haricots, pour annoncer discrètement la nouvelle à la famille. En Israël, on recommande à la jeune fille d’avaler une cuillère de miel pour « adoucir » ses prochaines règles. En France… on la gifle ! Cette pratique, attestée en Grèce et en Afghanistan également, serait une sorte de « rituel de passage » servant à lui rappeler de toujours rester pudique au sujet de ses règles… On risquerait d’oublier, vraiment ?

Juliette Chable

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