Philippe Maystadt

‘Sans « capacité budgétaire », la zone euro restera menacée, avec ou sans Grexit’

Philippe Maystadt Ex-président de la BEI

Les palabres interminables autour du « Grexit » occupent le temps et l’esprit des dirigeants de la zone euro. Pourtant, ce n’est pas là l’essentiel : sans la poursuite de l’intégration de l’Union économique et monétaire (UEM), la zone euro restera menacée, avec ou sans Grexit.

La crise des dettes souveraines (dont la Grèce n’est qu’un cas extrême et, à bien des égards, très spécifique) a mis en évidence la faiblesse fondamentale d’une construction où la politique monétaire est devenue unique alors que les politiques économiques restaient nationales et souvent divergentes.

Aucune union monétaire ne peut survivre sans un budget commun

Certes, les avancées incontestables depuis la crise – Mécanisme européen de stabilité, Pacte budgétaire, procédure relative aux déséquilibres macroéconomiques, Union bancaire – ont déjà largement corrigé cette faiblesse fondamentale. Mais ce n’est pas suffisant. L’expérience des autres unions monétaires montre que, même si le degré de centralisation des instruments et les modalités de la solidarité financière peuvent varier, aucune union monétaire ne peut survivre sans un budget commun ou, dans les termes plus prudents d’Herman Van Rompuy, sans une « capacité budgétaire » pour aider les pays participants à absorber des chocs asymétriques. La création d’un tel instrument est d’autant plus nécessaire que d’autres mécanismes correcteurs fonctionnent moins dans la zone euro que, par exemple, aux Etats-Unis : la mobilité des travailleurs y est beaucoup plus faible ; les tensions sur les marchés financiers provoquent rapidement une fragmentation qui aggrave les difficultés des pays en crise ; des rigidités structurelles freinent l’ajustement par les prix.

On a donc besoin d’un budget de la zone euro pour atténuer les coûts budgétaires et sociaux de l’ajustement pour les pays frappés plus durement que d’autres. Ce budget fonctionnerait selon des règles établies à l’avance. Il interviendrait en faveur des pays qui connaissent une chute du PIB et/ou une augmentation du chômage sensiblement plus fortes que la moyenne de la zone euro. Il n’interviendrait que si ces pays mettent en oeuvre les recommandations spécifiques qui leur sont adressées dans le cadre du « semestre européen ». L’intervention du budget serait temporaire, par exemple la prise en charge pendant un an d’une partie des dépenses additionnelles de chômage. Si un tel mécanisme avait existé depuis l’introduction de l’euro, il aurait bénéficié plus aux pays du Nord dans les premières années puis aux pays du Sud à partir de 2009.

Comment alimenter ce budget ? Par un petit pourcentage à l’impôt des sociétés. Mais cela implique que l’on harmonise au préalable la base taxable. Ou, comme suggéré par les ministres allemand et français de l’économie, par le produit de la taxe sur les transactions financières. Mais cela suppose que celle-ci soit appliquée non par 11 Etats (comme actuellement discuté) mais par les 19 pays de la zone euro.

Avant d’être empêtré dans les discussions avec le gouvernement grec, Jean-Claude Juncker avait annoncé qu’il publierait, ce mois, un rapport sur l’avenir de l’UEM. Il devrait proposer au moins trois axes de progrès : assurer la convergence par des réformes structurelles ; organiser la solidarité ; renforcer la légitimité démocratique. Ces axes intéressent inégalement les gouvernements : d’aucuns insistent sur le premier, d’autres sur le deuxième. En réalité, les deux sont nécessaires pour le bon fonctionnement de l’UEM et le troisième est indispensable pour leur donner un fondement plus solide.

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