Gérald Papy

Salutations à Donald Trump, de la part d’un ami des « pays de merde »

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

De la part de quelqu’un qui prétend ne pas avoir usé de la formule « pays de merde » qu’on lui prête pour désigner Haïti, le Salvador et les Etats d’Afrique, le président Donald Trump a dû se faire sacrément violence en multipliant, ces derniers jours, les égards à l’attention des nations du continent noir.

Au Forum de Davos, son homologue rwandais Paul Kagame était tout désigné pour servir de messager de la bonne parole présidentielle américaine. L’homme est à la tête d’un petit dragon économique, ce qu’a souligné à sa manière le locataire de la Maison-Blanche ( » Ce que vous avez fait est incroyable « . Pour preuve,  » nous faisons du commerce avec le Rwanda « ) et il s’apprêtait à assumer, à partir du 29 janvier, la présidence en exercice de l’Union africaine (UA). L’organisation s’était émue officiellement des propos rapportés du président à des sénateurs. Dans une lettre transmise à son exécutif et de vive voix lors de son entrevue avec Paul Kagame, Donald Trump a donc insisté sur le profond respect qui l’anime à l’égard de l’Union africaine, de ses Etats membres et des citoyens du continent.

Les offensés jugeront de la sincérité d’excuses qui ne disent pas leur nom. On peut déjà observer que leurs protestations n’avaient pas dépassé le stade de la condamnation convenue. Pas de rappel d’ambassadeur, ni de rupture des relations et encore moins de mesures de rétorsion n’ont sanctionné le propos raciste du président américain. Selon que vous êtes puissant ou misérable… Il en va des Etats africains comme des pays arabes après la décision de Trump de déménager l’ambassade américaine d’Israël de Tel-Aviv à Jérusalem : il est bien difficile de consentir à s’aliéner complètement la première puissance mondiale et sa potentielle manne financière.

Le crédit de la Chine en Afrique ne cesse de progresser alors que celui des Etats-Unis chute

Les dégâts diplomatiques et… économiques risquent cependant de se mesurer à moyen terme. Directeur de la rédaction de l’hebdomadaire Jeune Afrique, François Soudan souligne, dans son dernier éditorial sur la base du sondage annuel de l’institut Gallup, que la perception positive des Etats-Unis en Afrique a chuté de 85 % en 2009 (première année de la présidence initiale de Barack Obama) à 51 % en 2017 (première année de la présidence Trump avant même le scandale de ses déclarations) et que le crédit de la Chine ne cesse, lui, de progresser. Evolution sans doute compréhensible au vu des nombreux investissements, intéressés, déployés par Pékin sur le continent ces dernières années, mais aussi lourde de conséquences extrêmement néfastes sur le pouvoir d’attraction en Afrique du  » modèle  » de la démocratie occidentale.

Donald Trump n’était sans doute pas conscient de l’impact de sa saillie sur ces  » pays de merde  » quand il l’a éructée. Avant qu’il ne dérape à nouveau, on ne saurait trop lui recommander la lecture, au moment de sa traduction anglaise, du savoureux et passionnant livre de Thierry Cruvellier, Terre promise (Gallimard, 376 p.) qui décrit la descente aux enfers de la Sierra Leone, ce pays  » pauvre le plus riche d’Afrique « , sujet en quelques années à des coups d’Etat, à une effroyable guerre, à une épidémie de fièvre Ebola et à de coûteuses convoitises extérieures pour ses richesses minières. Et pourtant,  » à partir de cet étrange héritage historique qui a accouché de la Sierra Leone contemporaine, ses habitants ont malgré tout sculpté une identité propre, où se mêlent le goût pour l’éducation, un sens commun de l’humour, la fierté de leur tolérance religieuse et de leur capacité à vivre en paix ensemble « . Un pied de nez à tous les Trump au discrédit facile.

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