Rupture des USA avec l’OMS: « un sérieux revers pour la santé mondiale »

Le Vif

Sans surprise, Donald Trump, qui avait déjà coupé la contribution financière accordée par son pays à l’OMS, a mis en exécution sa menace de couper les ponts avec l’agence onusienne.

La rupture de Washington avec l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) constitue « un sérieux revers pour la santé mondiale », a jugé le ministre allemand de la Santé, Jens Spahn, sur Twitter. Soulignant la nécessité de réformer l’institution, il a insisté sur le fait que l’Union européenne devait « s’engager plus » financièrement après la mise à exécution par Donald Trump de sa menace de couper les ponts avec l’OMS qu’il accuse de complaisance envers Pékin.

« Afin que l’OMS ait un avenir, elle a besoin de réformes », a estimé Jens Spahn dans un tweet publié en allemand, anglais et français. Il a souligné que renforcer le rôle de l’UE dans l’organisation serait l’une des priorités de l’Allemagne qui prend le 1er juillet la présidence tournante de l’UE.

https://twitter.com/jensspahn/status/1266630950152294401Jens Spahnhttps://twitter.com/jensspahn

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Le président américain a annoncé vendredi « mettre fin à la relation » entre son pays et l’OMS, qu’il accuse depuis le début de la pandémie de se montrer trop indulgente avec la Chine, où le coronavirus est apparu en décembre avant de se répandre sur la planète. Les Etats-Unis, qui sont traditionnellement les premiers bailleurs de fonds de l’agence onusienne, vont « rediriger ces fonds vers d’autres besoins de santé publique urgents et mondiaux qui le méritent », a-t-il déclaré à la presse.

Cette annonce survient alors que la pandémie continue de faire des ravages aux Etats-Unis, en Amérique latine et en Russie, de plomber l’économie mondiale, et menace de reprendre de l’élan en Corée du Sud.

L’épidémie de coronavirus continue d’isoler les Etats-Unis au niveau de la coopération mondiale. Ils ont notamment été absents de toutes les tentatives pour coordonner une réponse globale à la crise, alors que le pays est lui-même particulièrement touché par le Covid-19. Depuis son élection, Donald Trump ne cesse de prôner une Amérique sur le devant de la scène (« America First »), souvent au prix d’un retrait diplomatique et d’un abandon progressif du multilatéralisme. Bien avant la crise du coronavirus, les alliés européens ont été rabroués par le président américain, pas toujours de manière très diplomate, et les institutions internationales, notamment l’ONU, ont été pointées du doigt et accusées.

Un retrait qui plombe les maigres finances de l’OMS

En rompant avec l’Organisation mondiale de la santé (OMS) en pleine pandémie, Donald Trump la prive d’une part essentielle de son maigre budget et menace des programmes de santé dans les pays les plus pauvres.

Agence sanitaire des Nations unies, l’OMS est une institution multilatérale créée en 1948. Enorme machine de 7.000 employés présents dans le monde entier, son fonctionnement et ses missions sont tributaires des crédits accordés par ses Etats membres et les dons de bienfaiteurs privés. Dotée de 2,8 milliards de dollars par an (5,6 milliards sur l’exercice biennal 2018/2019), l’OMS a « le budget d’un hôpital de taille moyenne dans un pays développé », a récemment déploré le directeur général de l’OMS, Tedros Adhanom Ghebreyesus.

Avec 893 millions de dollars apportés sur la période 2018/2019, soit environ 15% du budget de l’OMS, les Etats-Unis en sont le premier bailleur de fonds, devant la fondation Bill et Melinda Gates, premier contributeur privé, l’Alliance du vaccin Gavi, le Royaume-Uni et l’Allemagne, et loin devant la Chine et ses 86 millions.

La contribution américaine va essentiellement en Afrique et au Moyen-Orient. Environ un tiers de ces contributions co-finance les opérations de lutte contre les urgences sanitaires, le reste étant d’abord consacré aux programmes d’éradication de la poliomyélite, à l’amélioration de l’accès aux services de santé et à la prévention et la lutte contre les épidémies.

« Fou et terrifiant »

Alors que la pandémie de Covid-19 a déjà fait plus de 360.000 morts dans le monde, l’annonce américaine a stupéfié la communauté scientifique. Richard Horton, rédacteur en chef de la prestigieuse revue médicale britannique The Lancet, l’a qualifiée de « folle et terrifiante ». « Le gouvernement américain joue au voyou en pleine urgence humanitaire », a-t-il écrit sur son compte Twitter.

https://twitter.com/richardhorton1/status/1266453734831292417richard hortonhttps://twitter.com/richardhorton1

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L’OMS a appelé ses partenaires à compenser le retrait américain. A grand renfort d’annonces, la Chine, accusant Washington de « se soustraire à ses obligations », a fait savoir qu’elle prendrait ses responsabilité, directement ou indirectement, pour soutenir l’OMS. A l’occasion d’une levée de fonds organisée début mai par la Commission européenne au profit de la recherche et le développement d’un vaccin contre le nouveau coronavirus, Pékin s’est engagé à hauteur de 1,1 milliard de dollars. Et le 18 mai dans un message à l’Assemblée mondiale de la santé, réunion annuelle des Etats membres de l’OMS, le président Xi Jinping a promis deux milliards.

Une décision illégale?

Deux jours avant l’annonce de Donald Trump, l’OMS a lancé une fondation destinée à accueillir des fonds privés et de citoyens du monde entier. Tedros Adhanom Ghebreyesus s’est toutefois défendu de vouloir remplacer les Etats-Unis par cette fondation, expliquant que l’organisation planchait sur ce projet depuis 2018. Ce projet « n’a rien à voir avec les récents problèmes de financement », a-t-il assuré. La nouvelle fondation, juridiquement distincte de l’agence de l’ONU, acceptera les « contributions du grand public, d’importants bailleurs de fonds privés, d’entreprises partenaires et de partenaires de confiance ».

Une question demeure sans réponse pour le moment: quand et comment les Etats-Unis couperont-ils concrètement les vivres à l’OMS? Dans un tweet publié vendredi, Lawrence Gostin, professeur au O’Neill Institute for National and Global Health Law à l’université de Georgetown et collaborateur de l’OMS, a jugé la décision du président américain « illégale » à deux titres: les Etats-Unis ont signé et ratifié un traité d’adhésion à l’OMS et les crédits sont votés par le Congrès américain.

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