. © iStockphoto

RSF dénonce les violences contre les journalistes enquêtant sur les droits des femmes

Cyberharcèlement, agressions, emprisonnements voire assassinats: les journalistes qui enquêtent sur les droits des femmes risquent gros dans de nombreux pays du monde, dénonce lundi l’ONG Reporters sans Frontières dans un rapport.

Entre 2016 et 2017, RSF a recensé plus de 60 cas de violation des droits des journalistes répartis dans plus d’une vingtaine de pays, en raison d’enquêtes ou de reportages sur la condition des femmes. Depuis 2012, ce sont 90 exactions qui ont été recensées, des chiffres « bien en-deçà de la réalité en raison de la peur et de la résignation de certains au point de ne pas communiquer », souligne l’ONG.

Du côté des responsables de ces violences, RSF cite les groupes religieux (talibans, pro-life), les organisations criminelles et les gouvernements autoritaires (Chine, Turquie, Egypte en tête).

Dans 12% des cas étudiés, les journalistes ont été tués, selon RSF, qui relate notamment les cas de la Mexicaine Miroslava Breach, assassinée en 2017 alors qu’elle couvrait depuis des années les agissements de la pègre locale et notamment les féminicides de Ciudad Juarez, et celui de l’Indienne Gauri Lankesh, rédactrice en chef d’un magazine laïc et féministe, abattue par deux hommes à moto.

« Des assassinats inqualifiables commis dans une totale impunité », s’alarme l’ONG.

Les autres dangers qui guettent ceux qui enquêtent sur le droit des femmes : les emprisonnements (13% des cas), les agressions (28%) et la cyberviolence (43% des cas).

Le cyberharcèlement est ainsi « l’exaction la plus fréquente subie par les journalistes traitant de la cause féminine. Ce fléau est un phénomène qui n’a aucune frontière, qui touche les pays pauvres tout comme les plus démocratiques », souligne RSF qui a repéré de nombreux cas en Inde, aux États-Unis et en France.

Ces attaques en ligne ciblent exclusivement les journalistes femmes, contrairement aux autres exactions. « Ces cabales en ligne, qui profitent de la viralité des réseaux sociaux, constituent aujourd’hui une menace pour les journalistes à prendre très au sérieux », estime l’ONG.

En France, RSF revient sur le cas de la journaliste d’Europe 1 Nadia Daam, cible d’une intense campagne de cyberharcèlement, avec menaces faites à sa famille et tentative d’intrusion à son domicile, pour avoir dénoncé le sabotage du numéro de téléphone « anti-relous » destiné à aider les femmes victimes de harcèlement.

Aux États-Unis, les journalistes traitant de la question de l’avortement sont régulièrement la cible de cyberharcèlement, regrette le rapport.

« Les sujets féminins dérangent (parfois) un peu, (souvent) beaucoup, les lecteurs mais aussi les rédacteurs en chef. Et cela, même dans les pays occidentaux », souligne RSF.

La journaliste Annick Cojean, grand reporter au Monde et qui préside le jury du prix Albert-Londres, témoigne dans le rapport de la difficulté à pouvoir lancer certains sujets, sur le viol notamment.

« Les articles sur les souffrances endurées par les femmes posent toujours des problèmes. En tout cas avant l’affaire Weinstein ! Bien sûr, aucun rédacteur en chef ne l’avouerait officiellement, mais la case +femmes+ était un peu considérée comme une niche », estime-t-elle.

RSF dresse une trentaine de recommandations dans son rapport, demandant notamment aux Etats de lutter contre l’impunité liée à ces violences et aux institutions des Nations Unies de prendre en compte les dangers spécifiques auxquels les journalistes travaillant sur le droit des femmes sont exposés, en particulier les femmes journalistes.

Contenu partenaire