Des manifestants anti-Monsato lors de la marche mondiale de 2015, en Suisse. © EPA

Roundup : l’Union européenne demande à Monsanto de publier ses études sur le glyphosate

Stagiaire Le Vif

Vytenis Andriukaitis, le commissaire européen à la santé et la sécurité alimentaire, a envoyé une lettre à l’entreprise américaine pour que ses études toxicologiques sur le glyphosate, le principe actif du désherbant  » Roundup « , soient rendues publiques.

Au début du mois de mars, rien n’aurait pu empêcher un comité d’experts représentant les Etats membres de l’Union à autoriser de nouveau le glyphosate, le composant actif du célèbre et controversé désherbant Roundup. C’était sans compter, entre autres, sur l’intervention du commissaire lituanien, qui va retarder la décision.

Dans une lettre adressée à la société de biotechnologies agricoles « Monsanto » le 4 avril dernier, Andriukaitis a exigé que soient rendues publiques les études toxicologiques sur lesquelles l’Autorité européenne de sécurité alimentaire (EFSA) a fondé son analyse des risques sanitaires présentés par cette substance, apprend-on sur le site du journal Le Monde.

A l’heure actuelle, ces études, commandées par plusieurs firmes agrochimiques regroupées au sein du « Glyphosate Task Force » (GTF, représentée par Monsanto), sont toujours tenues secrètes. C’est précisément cette confidentialité qui alimente la polémique depuis que l’EFSA a rendu un avis favorable à la « réautorisation » du glyphosate en novembre 2015. L’agence européenne a déclaré qu’il était improbable que le produit soit cancérogène, alors qu’en mars de l’année dernière, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), qui dépend de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) l’avait classé, lui, comme « cancérogène probable ».

Pourquoi alors arrive-t-on à deux résultats différents ? C’est très simple. L’EFSA base ses résultats sur les études industrielles fournies par le GTF (toujours secrètes) tandis que le CIRC appuie ses conclusions sur des études publiées dans la littérature scientifique, conduites par des chercheurs du monde académique, comme l’explique bien cet article publié sur le site du Monde (lien).

Ce désaccord vient compromettre le processus de « réhomologation » du glyphosate en Europe. La Commission européenne a proposé que les Etats membres votent en comité d’experts afin d’autoriser à nouveau le produit pour les quinze prochaines années. Le processus est retardé, car plusieurs pays ont hésité.

Ce qui pose question ici, c’est que les études menées par l’EFSA l’ont été par les producteurs eux-mêmes, et qu’il pourrait donc y avoir conflit d’intérêts, renforcé par le fait qu’elles sont toujours secrètes.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la pertinence de l’agence européenne ainsi que son indépendance sont remises en cause.

La société civile s’inquiète des processus d’autorisation du produit

De plus, la commission environnement du Parlement européen a voté, à une très large majorité, une résolution demandant à Bruxelles de ne pas autoriser le glyphosate sans restrictions. Celle-ci sera mise au vote en séance plénière la semaine prochaine à Strasbourg.

« Une part significative de la société civile est préoccupée par les conclusions différentes de l’EFSA et du CIRC sur la cancérogénicité du glyphosate », écrit le commissaire lituanien à Richard Garnett, patron des affaires réglementaires liées à la protection des plantes de Monsanto Europe, et président du conseil d’administration du GTF. « En tant que commissaire européen à la santé et à la sécurité alimentaire, je ne peux pas ignorer ces inquiétudes et ces doutes », a ajouté M. Andriukaitis.

Les ONG ont joué un rôle important dans l’histoire. « Le processus mis en place pour autoriser le glyphosate a attiré une attention publique et une inquiétude extraordinaire, en particulier au Parlement européen », ajoute le commissaire. Il conclut : « Afin de faciliter le processus de décision de renforcer la confiance dans la procédure européenne en cours, j’invite le GTF à publier de manière proactive, la totalité des études fournies à l’EFSA ».

Ecolo s’insurge contre la Commission européenne

Quoi qu’il en soit, le processus semble retardé, mais la Commission européenne était pourtant bien décidée à autoriser à nouveau la commercialisation du produit.

Les écologistes belges ont réagi par voie de communiqué. Pour eux, « tout responsable politique soucieux de la santé des citoyens, dont les agriculteurs, doit refuser cette prolongation de commercialisation ».

Le parti regrette que les ministres belges de la santé et de la sécurité alimentaire, en plus de la Commission européenne, aient émis un avis positif quant à la prolongation du produit, malgré l’éventualité qu’il soit cancérogène.

La députée fédérale des « verts » Muriel Gerkens avait en outre interpellé Willy Borsus (ministre de l’Agriculture) en séance plénière à la Chambre le mois dernier. Une étude a été confiée à l’agence des produits chimiques afin d’évaluer l’impact du glyphosate sur la santé humaine. Mais celle-ci n’aboutira qu’en 2017.

« Or, la commission européenne prévoit de répondre positivement à la demande de prolongation pour le glyphosate avant fin mai de cette année », regrette la députée écologiste. Elle ajoute : « Le gouvernement belge doit dire STOP et exiger de la Commission européenne qu’elle agisse dans l’ordre, d’abord les études, sérieuses et indépendantes, ensuite la décision. La santé des Belges ne peut être négligée au profit de lobbys de l’agrochimie. Les doutes émis sont suffisants pour, au minimum, suivre un principe de précaution et attendre la conclusion des études avant de décider ou non d’une prolongation de commercialisation ».

Le glyphosate, l’agent actif du Roundup, est le pesticide le plus utilisé dans le monde et celui qu’on retrouve le plus souvent dans l’environnement.

Maxime Defays

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