À Barcelone, réactions à la déclaration d'indépendance de Carlos Puigdemont. © REUTERS/Ivan Alvarado

Réunion de crise à Madrid après la déclaration d’indépendance catalane « suspendue »

Le Vif

Le gouvernement espagnol s’est réuni en urgence mercredi pour décider d’une réponse à l’annonce d’une déclaration d’indépendance de la Catalogne suspendue pour donner une chance d’un dialogue avec Madrid, qui a souligné que « toutes les options » étaient possibles.

Le Conseil des ministres extraordinaire, présidé par le conservateur Mariano Rajoy, a démarré à 09H00 (07H00 GMT) et devait décider des mesures à prendre au lendemain d’une séance parlementaire confuse au parlement catalan.

Pendant cette séance où l’on attendait qu’il se prononce sur l’indépendance, le président catalan Carles Puigdemont a estimé avoir reçu un « mandat » du peuple pour la mener à bien.

M. Puigdemont a estimé que sa région vivait un « moment historique », s’appuyant sur la victoire du « oui » à l’indépendance à 90% des voix avec 43% de participation, lors du référendum – interdit et contesté – qui s’est tenu le 1er octobre.

Mais dans les minutes qui ont suivi, le président catalan a immédiatement proposé de « suspendre les effets de la déclaration d’indépendance ».

Soufflant le chaud et le froid, il a ensuite signé avec les membres du gouvernement et les élus de la majorité séparatiste une déclaration d’indépendance, après la séance parlementaire.

Mais ce texte, sans effet juridique, était « une déclaration symbolique », a souligné mercredi le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull.

Pour Madrid, « toutes les options » sont sur la table, a affirmé une source gouvernementale à l’AFP, l’exécutif étudiant tout un arsenal de ripostes, y compris un recours à l’article 155 de la Constitution qui permet la suspension de l’autonomie de la région.

La mesure, sans précédent depuis 1934, serait considérée par beaucoup de Catalans comme un affront et pourrait déclencher des troubles dans cette région très attachée à son autonomie, sa langue et de sa culture.

Le référendum, dont les résultats sont invérifiables faute de commission électorale indépendante, a ouvert la crise politique la plus grave en Espagne depuis son retour à la démocratie en 1977.

République suspendue

En vertu des résultats, M. Puigdemont a estimé que la Catalogne devait désormais « devenir un Etat indépendant sous forme de République ».

Les applaudissements ont fusé dans son camp, tandis qu’à l’extérieur, des indépendantistes venus écouter le discours sur un écran géant s’étreignaient.

Mais il a décidé de laisser « un temps mort » pour des négociations, a expliqué mercredi matin le porte-parole du gouvernement catalan Jordi Turull.

Cette pause, avait expliqué M. Puigdemont, doit permettre « d’entamer un dialogue, sans lequel il est impossible de parvenir à une solution négociée ».

« Le président a dit qu’il suspendait les effets de l’indépendance, de la loi de transition (vers l’indépendance) pour pouvoir nous asseoir, écouter, dialoguer, voir s’il y a un moyen de trouver un accord », a expliqué M. Turull.

« La déclaration d’indépendance doit être faite par le parlement de Catalogne », a-t-il ajouté.

Peu après le discours de Carles Puigdemont, la vice-présidente du gouvernement conservateur, Soraya Saenz de Santamaria, avait dénoncé indignée « le discours de quelqu’un qui ne sait pas où il est, ni où il va, ni où il veut aller ».

Dans son édition de mercredi, le quotidien El Pais, le plus lu du pays, évoque un « piège », estimant que l’exécutif catalan ne cherche à négocier rien d’autre que l’indépendance et a prévu dans l’intervalle de « déstabiliser économiquement et politiquement » l’Espagne.

Le quotidien catalan La Vanguardia préfère insister sur une tentative « d’apaiser la tension ».

La maire de Barcelone, Ada Colau, a salué sur Twitter l’opportunité laissée au « dialogue et (à) la médiation », estimant que « la balle est désormais dans le camp de M. Rajoy ».

Après le Conseil des ministres, le chef du gouvernement a prévu de s’exprimer devant les députés, en fin d’après-midi.

Appels de l’étranger

Hormis la suspension d’autonomie, le gouvernement a plusieurs instruments à sa disposition.

Il a déjà pris le contrôle des finances de la région en septembre. Et il peut aussi instaurer un état d’urgence allégé lui permettant d’agir par décrets.

Une arrestation de Carles Puigdemont et son entourage dans le cadre d’une enquête judiciaire déjà ouverte pour sédition n’est pas exclue.

Toute mesure drastique risque cependant de provoquer des troubles en Catalogne, région de 7,5 millions d’habitants, soit 16% de la population de l’Espagne, pour 19% du PIB du pays.

Les Catalans, divisés presque à parts égales sur l’indépendance, souhaitent en majorité un référendum en bonne et due forme.

Selon une source du gouvernement régional catalan, juste avant l’ouverture de la séance parlementaire, Carles Puigdemont a reçu un ou des appels de l’étranger qui l’ont amené à repousser son allocution, voire à la modifier.

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