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Réunion d’urgence à Bruxelles sur les failles sécuritaires européennes

Les ministres européens de l’Intérieur et de la Justice se réunissent vendredi à Bruxelles pour « renforcer la réponse européenne » à la menace djihadiste après les attentats de Paris, qui ont révélé d’importantes failles sécuritaires sur le Vieux continent.

Six jours après les plus sanglants attentats de son histoire (129 morts et 352 blessés), la France a annoncé jeudi la mort d’Abdelhamid Abaaoud, cerveau présumé du carnage revendiqué par le groupe djihadiste Etat islamique (EI). Son corps déchiqueté durant une vaste opération policière à Saint-Denis, au nord de Paris, a été formellement identifié.

Sur le front extérieur, le président français François Hollande a ordonné l' »intensification » des bombardements aériens contre l’EI en Syrie, mais aussi en Irak, pays dans lesquels le groupe contrôle de vastes territoires. L’arrivée imminente en Méditerranée orientale du porte-avions nucléaire Charles-de-Gaulle triplera la capacité aérienne française dans la région, avec 38 avions.

La France a proposé au Conseil de sécurité de l’ONU une résolution demandant « de prendre toutes les mesures nécessaires » contre l’EI.

M. Hollande, qui doit aller la semaine prochaine à Washington et Moscou, a évoqué par téléphone « la coopération militaire » en Syrie avec son homologue américain Barack Obama.

Le sujet a également été discuté par les chefs d’état-major des armées française et russe, qui multiplient depuis quatre jours les bombardements sur le fief syrien de l’EI, Raqqa.

La Russie, qui soutient le régime du président syrien Bachar al-Assad, intervient militairement en Syrie depuis le 30 septembre, tandis que la France y mène des frappes aériennes depuis plusieurs mois dans le cadre d’une coalition internationale menée par les Etats-Unis.

Le conflit syrien avait débuté en 2011 après la violente répression par le régime de manifestations demandant davantage de démocratie. Il a dégénéré en une guerre civile complexe et fait plus de 250.000 morts et 12 millions de déplacés – plus de la moitié de la population.

En France, la nouvelle de la mort d’Abdelhamid Abaaoud soulage autant qu’elle inquiète. Comment cet homme, qu’on pensait en Syrie et qui faisait l’objet d’un mandat d’arrêt international, a-t-il pu entrer en Europe pour coordonner au moins neuf personnes pour les attaques du 13 novembre?

« Nous ne savons pas », a reconnu le Premier ministre français Manuel Valls. Son ministre de l’Intérieur Bernard Cazeneuve a regretté qu' »aucune information émanant de pays européens » n’ait été transmise à Paris sur le sujet.

Les enquêteurs ont été alertés de la présence d’Abaaoud en France par des renseignements venant notamment du Maroc, dont le roi Mohammed VI rencontrera M. Hollande vendredi après-midi.

« Il est urgent que l’Europe se reprenne, s’organise et se défende contre la menace terroriste », a estimé Bernard Cazeneuve. « Si l’Europe n’assume pas ses responsabilités, alors c’est tout le système Schengen (de libre circulation au sein de l’UE) qui sera remis en cause », a insisté Manuel Valls.

La réunion des ministres européens vendredi devrait permettre à la France d’avancer sur ses priorités, affirmées lundi par François Hollande: « lutte contre le trafic d’armes », « mise en place des contrôles coordonnés et systématiques aux frontières » de l’espace Schengen, et « approbation » avant fin 2015 du PNR européen – un fichier de données sur les voyageurs aériens – « pour assurer la traçabilité du retour des djihadistes ».

Les enquêteurs recherchent toujours Salah Abdeslam, soupçonné d’appartenir au « commando des terrasses » qui avait mitraillé des cafés et restaurants parisiens le 13 novembre, sans doute exfiltré par deux complices présumés qui ont depuis été inculpés en Belgique. Un autre djihadiste, non identifié, serait peut-être aussi en cavale.

Les enquêteurs cherchent également à confirmer l’identité d’une personne tuée avec Abaaoud durant l’assaut policier mercredi. Ils soupçonnent qu’il s’agit de sa cousine, Hasna Ait Boulhacen, 26 ans, qui se serait fait exploser.

Quatre kamikazes ayant péri le 13 novembre, tous Français, ont été identifiés: Brahim Abdeslam (31 ans), Bilal Hadfi (20 ans), Samy Amimour (28 ans) et Omar Ismaïl Mostefaï (29 ans). Reste à mettre un nom sur trois autres kamikazes, dont un homme passé récemment par la Grèce, auprès duquel a été retrouvé un passeport syrien à l’authenticité douteuse.

Côté belge, neuf personnes ont été interpellées jeudi près de Bruxelles, dont sept proches de Bilal Hadfi.

« La menace est toujours présente et va être longue et permanente », a prévenu Manuel Valls.

Les perquisitions administratives, facilitées par l’état d’urgence – 600 depuis le 13 novembre – se poursuivent dans toute la France. 157 personnes ont été assignées à résidence.

Le projet de loi prolongeant l’état d’urgence pour trois mois, adopté jeudi par l’Assemblée nationale, passe devant les sénateurs français vendredi, qui devraient le voter sans broncher.

Des personnalités du monde culturel ont appelé à « faire du bruit et de la lumière » vendredi à 21H20, une semaine exactement après le début des attentats.

A l’étranger, la solidarité restait de mise: la Marseillaise, l’hymne national français, retentira ce week-end avant tous les matchs du championnat de football d’Angleterre.

Mais l’inquiétude règne aussi: les Etats-Unis ont évoqué des menaces d’attentats en Italie, notamment à Rome et Milan.

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