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« Rehana, l’Ange de Kobané », produit de la propagande kurde ou des rumeurs de Twitter ?

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Elle s’appellerait « Rehana », cette jeune et jolie femme kurde basée à Kobané est devenue en quelques jours une icône de la guerre en Syrie, suite à la diffusion d’une photo d’elle brandissant le V de la victoire sur Twitter. Selon des informations reprises sur le réseau social, « Rehana » aurait tué plus de 100 combattants de l’EI. La BBC a mené l’enquête et démonte le mythe.

Cette photo d’une jeune et jolie Kurde connue sous le pseudonyme de « Rehana » a fait le tour de la twittosphère. On la voit souriante, armée d’une kalachnikov, entourée d’hommes à la frontière turco-syrienne. Sur Twitter, les informations s’emballent depuis un mois, la propulse en héroïne, en véritable égérie de la résistance kurde contre l’EI. Membre de l’Unité de protection de la femme (YPG), qui compterait 10.000 combattantes, on lui prête une centaine de victimes parmi les membres de l’organisation djihadiste faisant d’elle une « superstar internationale », comme l’évoque le site Liveleak. L’EI, en représailles, aurait diffusé, dans la foulée, une vidéo de sa décapitation. La BBC a mené l’enquête et démonte le mythe.

En réalité, avance le média anglais, peu de journalistes sont sur place pour prouver la véracité des faits. Un reporter suédois, Carl Drott, a cependant rencontré la jeune militante de la photo à la fin du mois d’août, lors d’une cérémonie de volontaires. A l’époque, elle a expliqué à Drott qu’elle avait étudié le droit à Alep et qu’après l’assassinat de son père par l’EI, elle a décidé de s’engager en tant que volontaire dans la police locale assignée aux checkpoints. A ce moment, il n’est aucunement question qu’elle soit envoyée au front en tant que bénévole non entrainé. Le journaliste suédois tente en vain de la recontacter après la cérémonie et le lendemain, sa photo apparait sur un blog, un cliché repris un mois plus tard par un site d’information kurde en langue anglaise, le Slemani Times.

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« Elle subjugue tout le monde avec ses beaux yeux et ses cheveux blonds »

Le 5 octobre dernier, un blogueur saoudien déclare qu’une femme kurde a été décapitée par un combattant de l’EI. Cinq jours plus tard, l’information est mise en lien avec la photo de la jeune combattante. Le 13 octobre, des messages envoyés sur Twitter relaient que cette dernière aurait tué plus de 100 combattants islamiques. La jeune femme est alors surnommée pour la première fois « Rehana », son pseudonyme de guerrière. Un message est retweeté 5500 fois. Surfant sur cet effet d’annonce, le Daily Mail la baptise « l’Ange de Kobané », imité par d’autres médias. La communauté kurde est totalement sous les charme. « Elle subjugue tout le monde avec ses beaux yeux et ses cheveux blonds. Elle a beaucoup de fans « , déclare le blogueur kurde Ruwayda Mustafah à la BBC. « Toutes les personnes que je rencontre l’admirent, car elle représente ce que tout le monde désire : que hommes et femmes s’unissent pour combatte la force barbare qui sévit dans la région« .

Le journaliste suédois, sur sa page Facebook, émet toutefois de sérieux doutes sur l’identité et les actes que l’on attribue à cette jeune femme. Selon lui, il serait très étonnant qu’elle ait tué une centaine de soldats en tant que volontaire, car même des combattants bien entraînés n’ont jamais autant tué en première ligne. Drott explique aussi que le nom « Rehana » n’est pas courant chez les Kurdes et affirme dans un tweet que le film de sa soi-disant décapitation montre en réalité une autre femme.

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« Stop aux rumeurs« , tweete Carl Drott le 18 octobre. « Je l’ai rencontrée en août à Kobané, ça n’est pas la femme qui apparaît dans une récente photo de décapitation« , poursuit-il.

La « Rehana » des réseaux sociaux serait-elle donc un pur produit de la propagande kurde ou simplement créée par les rumeurs de la twittosphère, s’interroge Le Monde ? Le mystère restera entier tant que la jeune Kurde ne se manifestera pas pour rétablir la vérité.

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