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RDC : Vers une cohabitation Kabila-opposition ?

Avec ou sans triche, Joseph Kabila a toutes les chances d’être réélu ce 28 novembre. Incapable de s’entendre sur une candidature commune à la présidentielle, l’opposition mise sur les législatives pour faire entendre sa voix.

Accorder à Joseph Kabila un nouveau mandat – le dernier, selon la Constitution – afin de le laisser poursuivre le travail entrepris ? Ou porter au pouvoir l’un de ses challengers, vu le maigre bilan affiché par le président sortant, au pouvoir depuis dix ans ? Tel est le choix qui attend les quelque 32 millions d’électeurs congolais, appelés à se rendre aux urnes ce 28 novembre.

Mais peut-on parler de suspense ? Que le scrutin soit transparent ou opaque, la réélection de Kabila semble assurée. La présidentielle a été réduite à un seul tour. L’opposition n’aurait donc des chances de battre le fils du « Mzee » qu’en présentant un seul candidat contre lui. Vital Kamerhe, ex-kabiliste tombé en disgrâce, et Léon Kengo wa Dondo, président du Sénat, ont défendu jusqu’au bout l’idée d’une candidature unique. En vain. Absent du scrutin en 2006, Etienne Tshisekedi a exclu l’idée de s’effacer au profit d’un autre et a rejeté tout programme commun.

Une opposition majoritaire à l’Assemblée nationale ? Faute d’accord entre ténors de l’opposition, la plupart d’entre eux se sont détournés du scrutin présidentiel. Ils ont mis toute leur énergie dans la campagne pour les législatives (organisées le même jour que la présidentielle), élections plus indécises – elles inquiètent, dit-on, l’entourage du président. Si les partis d’opposition raflent la majorité parlementaire, comme c’est probable, c’est tout l’équilibre du pouvoir en RDC qui serait remis en cause. Avec, en perspective, une période de cohabitation pleine d’incertitudes.

Parmi les adversaires de Kabila, seul Tshisekedi clame urbi et orbi sa certitude de remporter la présidentielle. Convaincu par ses proches – son épouse, « Maman Marthe », et son fils, Félix – que son heure est venue, l’ « éternel opposant » n’a pas voulu accorder, en échange de sa désignation comme champion commun, des garanties aux autres leaders de l’opposition. En clair, pas question d’attribuer, avant même le scrutin, les principaux postes à pourvoir en cas de victoire : primature, portefeuilles ministériels en vue, perchoirs de l’Assemblée nationale et du Sénat.

Pour Tshisekedi, la défaite est inimaginable. La campagne électorale aura, certes, montré que, malgré son exil médical de trois ans, ses discours radicaux controversés et sa conception très narcissique du leadership, l’homme conserve une grande popularité dans le pays, en particulier à Kinshasa et dans son Kasaï natal. A 79 ans, il remplit les stades et son charisme enfièvre les foules, faisant oublier sa mauvaise santé et les soucis pécuniaires de l’UDPS, son parti.

Et si le « vieux » est finalement battu ? Certaines associations de défense des droits de l’homme s’attendent à ce que l’UDPS conteste la validité du scrutin, au risque de plonger le pays dans le chaos. Tshisekedi n’a-t-il pas déjà incité de jeunes manifestants à faire le coup de poing ? N’a-t-il pas appelé, début novembre, à « casser les portes des prisons » pour libérer ses militants ?

Des scrutins crédibles ? Le régime lui-même craint une mise en cause de la crédibilité des élections. Il a déjà prévenu que, malgré les efforts des autorités, le processus électoral serait « moins rigoureux » que celui de 2006, piloté, financé et surveillé par la communauté internationale, peu mobilisée cette fois-ci.

Dans le même temps, fort du contrôle de l’appareil d’Etat, Kabila a réduit les risques d’être sanctionné dans les urnes. Grâce aux moyens financiers considérables dont il dispose, lui seul peut se permettre des distributions massives de pagnes, tee-shirts et autres cadeaux. Lui seul peut aussi s’offrir, en grand nombre, des panneaux électoraux géants, dont certains sont éclairés la nuit. A Kinshasa, d’immenses posters à la gloire du « raïs » ont été accrochés aux édifices publics. Pressée par l’opposition, la commission électorale « indépendante », dont l’impartialité est régulièrement mise en cause, a fini par exiger le retrait de cet affichage illégal.

Le régime en place peut aussi compter sur l’appui de l’armée et de la police, qui ont réprimé dans le sang des marches de l’opposition et ont incarcéré des militants de l’UDPS. La campagne a été marquée par des violences politiques, et pas seulement à l’Est, où plusieurs groupes armés font toujours régner la terreur. Des partis cherchent à instrumentaliser un sentiment de frustration, les conditions de vie des citoyens ne s’étant pas améliorées sous le « règne » de Kabila.

« Le peuple est dans la misère »

Pourtant, grâce aux mines, au secteur du bâtiment et aux travaux publics, la croissance a dépassé les 6 % l’année dernière. Mais, malgré l’annulation de la dette, l’Etat manque toujours de moyens pour financer les infrastructures de base, préalables à l’investissement privé. Seules trois ou quatre provinces alimentent (un peu) les caisses de l’Etat : le Katanga, le Bas-Congo, Kinshasa et, dans une moindre mesure, les deux Kivu. Le Congo occupe désormais la 187e et dernière place dans l’indice de développement humain du Programme de l’ONU pour le développement (Pnud) !

« Le peuple est dans la misère », avoue sans détour le candidat Kabila. Des « cinq chantiers » de son programme électoral en 2006 (logement, emploi, éducation-santé, eau-électricité, infrastructures), seul le dernier a vu un début de mise en £uvre, avec la réfection de quelques axes routiers. Les hausses de prix, les incessantes coupures de courant et d’eau, et la recrudescence des épidémies naguère éradiquées alimentent le ressentiment contre les dirigeants.

Comme sous Mobutu, corruption et passe-droits gangrènent la société, et surtout la classe politique, peu soucieuse du bien public. Seule différence, non négligeable, avec l’époque du maréchal : aujourd’hui, les Congolais peuvent sanctionner leurs responsables politiques dans les urnes.

OLIVIER ROGEAU

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