Mukwege © Belga

RDC: « Prépare-t-on l’oppression ou les élections? »

Les habitants de la République démocratique du Congo « aspirent à des élections libres, transparentes et crédibles », mais « il y a très peu de signes ». « Quand je vois ce qui se passe sur le terrain, la violence à l’est, ça ne me rassure pas », a commenté vendredi le prix Nobel de la Paix 2018, Denis Mukwege, à l’issue d’une opération chirurgicale réparatrice à l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles.

Les habitants de la République démocratique du Congo « aspirent à des élections libres, transparentes et crédibles », mais « il y a très peu de signes ». « Quand je vois ce qui se passe sur le terrain, la violence à l’est, ça ne me rassure pas », a commenté vendredi le prix Nobel de la Paix 2018, Denis Mukwege, à l’issue d’une opération chirurgicale réparatrice à l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles.

« J’ai des inquiétudes. Prépare-t-on l’oppression ou les élections? « , s’interroge-t-il. « Le peuple congolais a tant souffert. Il n’a plus besoin de guerre supplémentaire. »

La situation des violences sexuelles dans l’est du Congo avait connu une amélioration jusqu’en 2015, selon lui. Mais dès l’annulation des élections en 2016, « on a observé une nouvelle vague de violences par des groupes armés. De plus en plus, on observe des violences sur les enfants, même des bébés malheureusement ».

L’homme qui a « réparé » plus de 40.000 femmes victimes de violences sexuelles était en Belgique cette semaine. Vendredi, avec son collègue et ami le professeur Guy-Bernard Cadière, il a opéré Khadija, 39 ans, déjà excisée, puis violée durant une grossesse. Les deux spécialistes ont expliqué cette délicate opération, qui consistait notamment à reconstituer le canal anal de cette Somalienne, aujourd’hui demandeuse d’asile en Belgique. L’opération, financée par la Croix-Rouge, faisait appel à la technique prometteuse de laparoscopie, qui consiste à examiner la cavité abdominale via une incision ombilicale. « Je crois que cette dame va bien se porter après », s’est réjoui Denis Mukwege.

Cette technique a changé la vie de nombreuses patientes à l’hôpital de Panzi, estime-t-il. « Ca vous permet d’atteindre des zones difficiles d’accès lorsque vous opérez à ventre ouvert. Depuis que les équipes du professeur Cadière viennent en RDC, cela a permis à des centaines de femmes de bénéficier de cette chirurgie. C’est une satisfaction immense. »

« Construisons des ponts. Moi, j’y crois », a ensuite plaidé le gynécologue congolais. « Grâce à des équipes comme celle de Saint-Pierre, beaucoup de femmes désespérées ont retrouvé le sourire, alors qu’elles étaient prêtes à tout abandonner. »

Son rêve? Voir la création d’ici trois, cinq ou 10 ans, « d’un centre de chirurgie minimale invasive de grande qualité, où les habitants de la région des Grands Lacs pourraient aller se soigner. Mais cela, nous ne pouvons pas le faire seuls. »

Celui qui partage le Prix Nobel 2018 avec l’Irakienne yézidie Nadia Murad souhaite encore que le gouvernement belge puisse « favoriser l’échange d’expertise ». « Le Congo a besoin de l’expertise de la Belgique. (…) Il est très important que des Belges s’engagent dans cet échange et qu’il y ait aussi des Congolais qui acceptent que cet échange puisse se faire », à l’instar de ce que font l’hôpital Saint-Pierre de Bruxelles et celui de Panzi, a-t-il souligné.

« Nous continuerons à faire notre travail » malgré tout, assure le professeur Mukwege, qui dédie sa prestigieuse récompense « à toutes ces femmes courageuses ». « Nous essayons de leur rendre la dignité qu’elles méritent. Elles ont droit à une protection. Et que ceux qui ne les ont pas protégées nous critiquent, ça ne nous empêchera pas de continuer. »

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