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RDC : des élections historiques mais une campagne entachée de violences

Plus de 32 millions d’électeurs congolais sont appelés aux urnes lundi pour des scrutins historiques – mais à risques – en République démocratique du Congo (RDC), censées ancrer la démocratie dans un pays au passé agité, encore largement dépourvu de cette tradition.

Les Congolais doivent élire un chef de l’Etat parmi onze candidats, dont le président sortant Joseph Kabila, candidat à sa succession et dix opposants, ainsi que 500 députés parmi 18.835 prétendants lors de scrutins à un seul tour.

Ces deuxièmes élections, après celle de 2006 qui ont mis fin à des décennies de sécessions, de dictature, de transition politique et de guerres civiles ainsi qu’à une longue crise de légitimité, ont une signification « historique » pour la RDC. C’est en effet la première fois que des mandataires élus se soumettent à nouveau au verdict des urnes…

Mais dans cette ancienne colonie belge sans guère de traditions démocratiques, les élections suscitent l’inquiétude tant parmi les Congolais qu’au sein de la communauté internationale qui suit de près ce géant d’Afrique centrale post-conflit encore fragile. Les craintes concernent tant les difficultés d’organisation que les possibles fraudes – et donc la contestation éventuellement violente des résultats.

La campagne a été émaillée d’incidents sporadiques entre partisans de la Majorité présidentielle (MP) et de l’opposition. Mais le plus grave s’est déroulé mardi soir, lorsqu’un député du parti d’opposition Mouvement de Libération du Congo (MLC), Marius Gangale, a été tué par balle mardi soir à Kinshasa par des hommes non identifiés.

La Commission électorale nationale indépendante (Céni), opérationnelle depuis quelques mois seulement, a cumulé des retards dans l’organisation du processus et peine à déployer les 186.000 urnes et 64 millions de bulletins dans les quelque 64.000 bureaux de vote, répartis dans un pays grand comme près de 80 fois la Belgique et aux infrastructures délabrées.

« Si nous ne sommes pas prêts, nous allons demander quelques jours (de délai) et organiser les élections le 2 ou le 5 décembre », a récemment prévenu le numéro deux de la Céni, Jacques Djoli, suscitant un torrent de réactions à Kinshasa.

En l’absence de sondages fiables, le chef de l’Etat sortant, « le Rais » Joseph Kabila, apparaît comme favori de la présidentielle, face à une opposition divisée. Et même si nombre de Congolais le soupçonnent d’utiliser les moyens de l’Etat pour faire campagne – de grands portraits de M. Kabila ont ainsi été suspendus à la façade de bâtiments publics, en violation de la loi électorale.

Héritier en 2001 du pouvoir à 30 ans après l’assassinat de son père, l’ex-rebelle et tombeur de Mobutu Sese Seko Laurent-Désiré Kabila, élu en 2006 en promettant le retour à la paix et la reconstruction d’un pays ruiné par deux guerres (1996-1997, 1998-2003), M. Kabila brigue un second mandat et se dit « sûr » de ne pas perdre, après avoir fait réviser la Constitution en janvier à la hussarde pour faire passer la présidentielle de deux à un tour.

Le chef de l’Etat juge son bilan « positif » et promet de faire de la RDC un pays « émergent ».

Pour ses détracteurs le constat est tout autre. La RDC, pourtant dotée de nombreuses richesses naturelles (minerais, bois, cours d’eau…), a le plus bas indice de développement humain, deux tiers des
67,8 millions d’habitants vivent en dessous du seuil de pauvreté et elle cumule les mauvaises notes pour la corruption ou le climat des affaires.

Dans l’est des groupes armés locaux et étrangers demeurent actifs et les civils y sont victimes d’exactions, malgré la présence d’une mission de l’ONU (la Monusco) avec 20.000 hommes.

Face à M. Kabila, le populaire et intransigeant Etienne Tshisekedi, 78 ans, opposant emblématique au maréchal Mobutu, va probablement livrer son dernier combat après avoir boycotté les élections de 2006.

Rentré au pays fin 2010 après trois ans d’exil médical, le leader de l’Union pour la Démocratie et le Progrès social (UDPS) a échoué à rallier derrière lui deux autres principaux candidats de l’opposition: le mobutiste Léon Kengo, 76 ans, président du Sénat, et Vital Kamerhe, 51 ans, ex-président de l’Assemblée nationale, ancien proche de Kabila devenu opposant déclaré en 2010.

Orphelin de son leader Jean-Pierre Bemba, détenu par la Cour pénale internationale (CPI), le Mouvement de Libération du Congo (MLC) est le grand absent de la présidentielle. En 2006, M. Kabila l’avait emporté face à Bemba (58,05%).

Mais celui-ci s’est bien gardé de donner mercredi une consigne de vote, refusant de trancher en faveur de trois principaux candidats d’opposition (MM. Tshisekedi, Kamerhe et Kengo), qu’il a appelé à « s’unir ».

Les résultats provisoires de la présidentielle sont attendus le 6 décembre, les définitifs le 20 décembre. Les résultats provisoires des législatives doivent être annoncés le 13 janvier. Il faudra toutefois attendre mars 2012 pour connaître la composition définitive de l’Assemblée nationale et septembre 2012 pour la proclamation des résultats définitifs des élections des sénateurs composant la chambre haute du parlement.

Le Vif.be, avec Belga

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