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Quinze ans plus tard, la Serbie condamne le massacre de Srebrenica

Les Serbes commencent, doucement, à lever la chape du tabou sur le massacre de Srebrenica. Mercredi, le Parlement a voté une résolution condamnant le meurtre des 8000 musulmans bosniaques par les Serbes en 1995.

Le Parlement serbe a voté une résolution mercredi afin de condamner le massacre de quelque 8000 musulmans bosniaques dans l’enclave de Srebrenica en juillet 1995 par les forces serbes du général Mladic, sous l’oeil des Casques bleus néerlandais censés veiller sur cette « zone protégée » de l’ONU…

La déclaration ne va pas jusqu’à reconnaître que Srebrenica est un génocide.

La déclaration, soutenue par les députés majoritaires de la coalition au pouvoir, présente ses excuses et condoléances aux familles des victimes. Elle a été adoptée avec une majorité de 127 voix sur les 173 parlementaires présents. « Le Parlement de Serbie condamne avec une extrême vigueur le crime commis contre la population bosniaque de Srebrenica, en juillet 1995, tel qu’établi par l’arrêt de la Cour internationale de justice », indique le texte.

Mais comme l’a justement noté Nenad Canak, membre de la coalition au pouvoir: « La déclaration n’est qu’un début parce que les questions qu’elle traite ne sont que la partie émergée de l’iceberg du passé auquel nous devons nous confronter ». Elle ne va pas, en effet, jusqu’à reconnaître que Srebrenica est un génocide, comme l’a qualifié la Cour internationale de justice, en 2007. Pendant des années, la Serbie a minimisé l’ampleur de cette tragédie et de nombreux Serbes considèrent toujours Ratko Mladic comme un héros.

Exorciser le passé

Une telle initiative s’inscrit, en tout cas, dans les efforts de Belgrade pour se rapprocher de l’Union européenne et exorciser le passé des guerres des années 1990. « Grâce à elle, la Serbie entend montrer sa volonté d’avancer vers la réconciliation régionale et d’entretenir de bonnes relations de voisinage avec les pays de la région », expliquait la semaine dernière le Premier ministre Mirko Cvetkovic.

La Serbie a présenté sa candidature à l’UE le 22 décembre dernier et les responsables serbes avaient alors exprimé l’espoir que le pays accèderait au statut de candidat d’ici la fin de 2010. Les Européens avaient cependant rappelé le préalable de la ratification par les 27 Etats membres de l’UE de l’Accord de stabilisation et d’association (ASA), un important accord de rapprochement entre l’Union et la Serbie.

« Personne ne peut ramener les morts mais on ne devrait pas humilier les survivants. » Ilinas Pilav, un rescapé, à propos du refus d’appeler le massacre « génocide »

Or les pays de l’UE, et tout particulièrement les Pays-Bas, insistent toujours, pour une ratification de l’ASA, sur une totale coopération de Belgrade avec le TPIY, impliquant l’arrestation de Ratko Mladic, toujours en fuite, et d’un ancien responsable des Serbes de Croatie, Goran Hadzic. Belgrade assure tout faire pour les retrouver…

Un réconfort, pour les musulmans bosniaques? Pas vraiment… Ilijas Pilav, un chirurgien de Sarajevo qui a survécu au massacre en s’échappant à travers bois et réussi avec plusieurs milliers d’autres à se mettre à l’abri après six jours et six nuits de marche, a raconté: « C’est une expérience qu’aucun mot ne pourrait décrire. Cela a laissé des traces profondes pour le reste de ma vie. Ni le temps, ni une déclaration politique ne pourront effacer ces souvenirs ».

Il juge même insultant le fait que Belgrade omette de qualifier le massacre de génocide. « Cela ne fait que renforcer un sentiment d’humiliation, de mépris et de colère. Personne ne peut ramener les morts mais on ne devrait pas humilier les survivants ».

Delphine Saubaber

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