George Papadopoulos (photo non datée) © AFP

Qui est Papadopoulos, le conseiller de Trump au centre de l’affaire russe?

Le Vif

George Papadopoulos, poursuivi par la justice américaine dans l’enquête sur une éventuelle ingérence russe dans la campagne présidentielle de 2016, était un obscur consultant spécialisé dans le pétrole et le gaz avant d’intégrer l’équipe des conseillers en politique étrangère de Donald Trump.

A seulement 29 ans, George Papadopoulos avait rallié l’équipe du candidat républicain en mars 2016 après avoir collaboré avec le sénateur Ben Carson, qui s’est retiré des primaires du Grand Old Party (GOP) pour soutenir M. Trump.

M. Trump, qui saluait à l’époque un « excellent » consultant, l’a qualifié mardi de « jeune volontaire de bas niveau » et de « menteur » après qu’il a admis avoir caché au FBI ses contacts répétés avec des intermédiaires du pouvoir russe.

La veille, la porte-parole de la Maison Blanche, Sarah Huckabee Sanders, avait déjà tenté de minimiser son rôle à celui de « membre bénévole d’un conseil qui s’est réuni une seule fois ».

Selon des documents judiciaires publiés lundi, il a reconnu avoir menti sur des rencontres destinées à trouver « de quoi salir » la candidate démocrate Hillary Clinton et essayer d’organiser une rencontre entre le président russe Vladimir Poutine et M. Trump.

Deux autres anciens collaborateurs de M. Trump, le directeur de la campagne Paul Manafort et son ex-adjoint Richard Gates, ont été inculpés lundi dans le cadre de cette enquête, notamment pour complot contre les Etats-Unis. Les deux hommes ont plaidé non coupables.

Né à Chicago (Illinois, nord) d’une famille originaire de Salonique, George Papadopoulos quitte le Etats-Unis en 2009 pour poursuivre ses études à Londres. Il décide ensuite de revenir dans « l’arène politique de Washington », selon sa page LinkedIn. Il dit également avoir participé à partir de 2011 à des conférences aux Etats-Unis, en Europe et au Moyen-Orient, avec « des membre du Congrès, des Premiers ministres et des responsables de sociétés brassant des milliards ».

– Le « professeur » et la « nièce » –

Il affirme avoir une « solide expérience dans les affaires, l’énergie, la politique et la finance » après avoir notamment collaboré entre mars 2011 et septembre 2015 comme « chercheur associé » pour le centre de réflexion conservateur Hudson Institute à Washington.

L’Institut a toutefois précisé dans un communiqué que George Papadopoulos « a débuté en 2011 en tant que stagiaire bénévole et a ensuite fourni une aide dans les recherches d’un de nos membres associés en 2013 et 2014 », date à laquelle il a terminé sa collaboration. « M. Papadopoulos n’a jamais été salarié », a souligné le centre de réflexion.

Selon la justice, il habite Londres quand il est recruté par l’équipe de M. Trump au sein d’un conseil de politique étrangère, avec notamment un général en retraite et un ex-responsable du ministère de la Défense. En mars 2016, M. Trump le décrit comme « un consultant pour le pétrole et le gaz, un mec excellent » lors d’un entretien avec le Washington Post.

Mais il semble surtout se concentrer sur la Russie et l’amélioration des relations, extrêmement tendues à l’époque, avec les Etats-Unis.

Il rencontre ainsi un « professeur » basé à Londres puis une Russe présentée comme « la nièce » de Vladimir Poutine, pour tenter d’organiser une rencontre entre les responsables de la campagne Trump et des officiels russes. Ce « professeur » affirme également en avril que les Russes possèdent « des milliers de courriels » et « de quoi salir » Mme Clinton.

En janvier 2017, George Papadopoulos assure au FBI avoir eu ces contacts avant d’être engagé par l’équipe Trump mais ses courriels aux responsables de la campagne montrent qu’il a menti, selon l’accusation. Dans ces échanges électroniques, que le Washington Post a pu retracer, certains membres l’équipe de M. Trump saluent son « bon boulot » mais plusieurs autres se disent opposés à toute rencontre de haut niveau avec les autorités russes.

Les contacts russes, épée de Damoclès au-dessus de Trump

De mars à septembre 2016, des membres de l’équipe de campagne de Donald Trump ont eu des contacts avec des responsables russes, une chronologie au coeur de l’enquête du procureur spécial Robert Mueller. En voici les étapes, selon des documents judiciaires dévoilés lundi.

– MARS 2016: le lobbyiste américain Paul Manafort rejoint l’équipe de campagne présidentielle du milliardaire républicain Donald Trump. Dans la décennie précédente, M. Manafort est accusé d’avoir blanchi 18 millions de dollars, amassés comme consultant de l’ex-président ukrainien pro-russe, Viktor Ianoukovitch.

– « Début mars »: George Papadopoulos, jeune homme vivant à Londres et inconnu à l’époque, apprend qu’il va être nommé conseiller en politique étrangère au sein de l’équipe de M. Trump.

– 14 mars: M. Papadopoulos rencontre en Italie un « professeur » qui affirme avoir des connections privilégiées avec les autorités russes. Cet homme a été identifié par le Washington Post comme étant Joseph Mifsud, un natif de Malte qui enseigne à l’université de Stirling en Ecosse.

– 19 mars: John Podesta, directeur de campagne d’Hillary Clinton, a son compte email piraté: selon les agences de renseignement américaines, des milliers de messages sont alors copiés par les services secrets russes.

– 24 mars: George Papadopoulos rencontre à nouveau le « professeur » à Londres, ainsi qu’une Russe présentée alors comme membre de la famille du président Vladimir Poutine. Celle-ci n’a pas été identifiée dans les documents judiciaires.

– 31 mars: M. Papadopoulos assiste à une réunion sur la sécurité nationale présidée par Donald Trump, au cours de laquelle il se targue de pouvoir organiser une rencontre entre M. Poutine et le candidat républicain.

– 18 AVRIL 2016: George Papadopoulos commence une série d’échanges par email et par Skype avec une personne à Moscou étroitement liée au ministère russe des Affaires étrangères. Son nom est Ivan Timofeev et il travaille dans un institut d’études fondé par le gouvernement russe, selon le Washington Post.

– 26 avril: George Papadopoulos rencontre encore le « professeur » à Londres, qui lui assure que Moscou détient « de quoi salir » Hillary Clinton sous la forme de milliers d’emails.

– 27 avril: dans un discours à l’hôtel Mayflower de Washington, Donald Trump se dit prêt à oeuvrer à l' »apaisement des tensions » avec la Russie. L’ambassadeur de Russie aux Etats-Unis, Sergueï Kisliak, est dans la salle.

– MAI 2016: Paul Manafort prend la tête de l’équipe de campagne de M. Trump.

– 4 mai: Le correspondant à Moscou de M. Papadopoulos lui indique dans un email que les responsables du ministère russe des Affaires étrangères sont « ouverts à la coopération ».

– 18 mai: James Clapper, directeur du Renseignement américain, confie ses soupçons sur des cyberattaques dans le cadre de la campagne.

– JUIN 2016: le Britannique Rob Goldstone, un ami des Trump, échange des emails avec Donald Trump Junior, le fils aîné du candidat, affirmant pouvoir aider à discréditer Mme Clinton par des dossiers compromettants fournis par Iouri Tchaïka, procureur général de Russie.

– 9 juin: Donald Trump Junior et Jared Kushner, respectivement fils et gendre de Donald Trump, reçoivent dans la tour Trump à New York l’avocate russe Natalia Veselnitskaya, qu’ils pensaient être une émissaire du gouvernement russe capable de fournir des informations sur Hillary Clinton. Cette rencontre de « quelques minutes » n’a rien donné, selon le clan Trump.

– 14 juin: CrowdStrike, une entreprise américaine de sécurité informatique, révèle que deux groupes de hackers, Fancy Bear et Cozy Bear, ont piraté les ordinateurs du parti démocrate. Selon CrowdStrike, ces groupes sont liés aux services russes de renseignement.

– JUILLET 2016: le FBI ouvre une enquête confidentielle après que les services de renseignement américains ont constaté des communications intensives entre des proches de Donald Trump et des Russes.

– 7 juillet: Carter Page, un autre conseiller de Donald Trump, prononce à Moscou un discours particulièrement favorable au Kremlin.

Plus tard, en marge de la convention d’investiture du parti républicain, M. Page et un autre conseiller, J.D. Gordon, rencontrent l’ambassadeur Sergueï Kisliak.

– 22 juillet: Le site WikiLeaks commence à publier les emails piratés du parti démocrate.

– 27 juillet: Donald Trump appelle publiquement la Russie « à débusquer » des milliers d’emails effacés par sa rivale démocrate de son serveur privé.

– 4 AOUT 2016: le chef de la CIA, John Brennan, met en garde son homologue russe sur les « graves conséquences » qu’aurait une interférence russe dans l’élection.

– 15 août: le supérieur hiérarchique de George Papadopoulos l' »encourage » à se rendre à Moscou pour une rencontre confidentielle. Le voyage n’a finalement pas lieu. Ce responsable était Sam Clovis, co-président de l’équipe de campagne de Trump, selon le Washington Post.

– 19 août: Paul Manafort est contraint de démissionner après des révélations sur ses paiements par des intérêts pro-russes en Ukraine.

– 8 SEPTEMBRE 2016: le sénateur Jeff Sessions, futur ministre de la Justice de Donald Trump, reçoit dans son bureau l’ambassadeur russe Kisliak.

– 7 OCTOBRE: WikiLeaks commence à publier les emails piratés de M. Podesta.

– 8 NOVEMBRE: Donald Trump est élu président des Etats-Unis.

– 2017 –

M. Papadopoulos a été interrogé par le FBI le 27 janvier 2017 et a été interpellé fin juillet à l’aéroport international de Dulles à Washington pour ses fausses déclarations. Il a ensuite accepté de plaider coupable.

M. Manafort s’est rendu lundi aux autorités et est inculpé de 12 chefs d’accusation. Il est pour l’instant assigné à résidence.

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