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Quelle est cette unité secrète russe qui cherche à déstabiliser l’Europe ?

Muriel Lefevre

Une unité d’élite russe se serait spécialisée dans la déstabilisation en Europe, selon le New York Times. Elle serait derrière une campagne d’attaques coordonnées que l’on a pourtant longtemps considérée comme isolée.

Ce groupe connu sous le nom d’unité 29155 est spécialisé en subversion, sabotage et assassinat. Il serait actif depuis au moins une décennie, mais ce n’est que récemment qu’il a été découvert par les services occidentaux. Nul ne sait par contre qui, à quelle fréquence et où il frappe.

On lui attribue, notamment, la campagne de déstabilisation en Moldavie, l’empoisonnement d’un trafiquant d’armes en Bulgarie, le coup d’État déjoué au Monténégro ou encore la tentative d’assassinat par agent neurotoxique de Skripal, un ancien espion russe en Grande-Bretagne.

À des degrés divers, ces méfaits ont attiré l’attention de médias et beaucoup y voyaient déjà la main des Russes. Ce qu’on ignorait par contre c’est que ces actions faisaient partie d’une campagne coordonnée et exécutée par une unique unité d’élite au sein du système de renseignement russe. Une unité si secrète que même au G.R.U., l’agence de renseignement militaire russe, dont elle fait pourtant partie, la plupart ignorent son existence.

Logo du G.R.U
Logo du G.R.U© Getty

Les agents très spéciaux de cette unité se déplacent à travers l’Europe et semblent former un groupe soudé. « C’étaient des officiers qui travaillaient sous couverture et comme agents internationaux « , dit un officier retraité du G.R.U. qui dit connaître l’unité 29155. Il stipule que cette unité d’élite était spécialisée dans la préparation de missions  » de diversion », en groupe ou individuellement, comme des attentats ou des meurtres.

Membre du G.R.U.
Membre du G.R.U.© Getty

Son commandant actuel serait le général Averyanov, diplômé en 1988 de l’Académie militaire de Tachkent, dans ce qui était alors la République soviétique d’Ouzbékistan. Il aurait participé à la première et à la deuxième guerre de Tchétchénie et il a reçu la plus haute distinction du pays en janvier 2015. Les deux officiers accusés de l’empoisonnement de Skripal ont également reçu la même récompense.

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La publicité est aussi un message

Si l’unité est prestigieuse, elle fonctionnerait sur un budget restreint. Les agents partagent souvent des logements bon marché pour faire des économies lorsqu’ils sont en mission. Elle serait aussi un peu brouillonne puisque toutes ses opérations n’ont pas été un franc succès. Skripal a survécu à la tentative d’assassinat, tout comme Gebrev, le marchand d’armes bulgare. La tentative de coup d’État au Monténégro a fait beaucoup de remous, mais a finalement échoué puisque ce pays a rejoint l’OTAN un an plus tard.

Milo Djukanovic, le président du Monténégro
Milo Djukanovic, le président du Monténégro © reuters

Ces couacs n’excluent pas le fait que des opérations plus réussies soient restées sous le radar précisent des responsables du renseignement toujours dans The New York Times. Ils pourraient même arranger les autorités russes, car cette publicité est aussi un message.

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« Je pense que nous avions oublié à quel point les Russes pouvaient être impitoyables », dit Peter Zwack, un officier du renseignement militaire à la retraite et ancien attaché de défense à l’ambassade des États-Unis à Moscou, dans le New York Times. Beaucoup parmi les instances du renseignement international aurait ainsi été surpris d’apprendre que la Russie menait des actions brutales et avec l’intention de nuire dans des pays pourtant alliés de la Russie.

« Ce genre d’opération de renseignement fait désormais partie de la guerre psychologique », dit Eerik-Niiles Kross, ancien chef du renseignement en Estonie. « Ce n’est pas qu’ils soient nécessairement devenus beaucoup plus agressifs. Ils ne veulent juste plus que ça se sache. Ça fait partie du jeu. »

Menace russe croissante

Un message qui semble avoir été bien reçu puisqu’en février de cette année, Alex Younger, le chef du MI6, le service de renseignement étranger britannique, s’est élevé contre la menace russe croissante. « Vous pouvez voir qu’il y a un programme d’activité concerté – et qui, oui, implique souvent les mêmes personnes « . Il ajoute que: « Nous estimons qu’il y a une menace permanente de la part de la G.R.U. et des autres services de renseignement russes et que très peu de choses sont interdites. »

Alex Younger.
Alex Younger.© Reuters

Un constat encore renforcé par le fait que, dès 2006, Poutine signe une loi légalisant les assassinats ciblés à l’étranger. Cette même année, une équipe d’assassins russes va utiliser le polonium pour tuer Litvinenko, un autre ancien espion russe, à Londres.

On notera que l’unité 29155 n’est peut-être pas la seule dans ce genre au G.R.U. Une directive de 2012 du ministère russe de la Défense a ainsi attribué des primes à trois unités pour « réalisations spéciales dans le service militaire ». L’une était l’unité 29155. L’autre est l’unité 74455, celle qui aurait participé à l’ingérence électorale des élections présidentielles américaines de 2016. La troisième était l’unité 99450, dont les officiers auraient été impliqués dans l’annexion de la péninsule de Crimée en 2014.

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