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Quel bilan pour le printemps arabe ?

Il y a six mois, Mohammed Bouazizi se donnait la mort dans une ville perdue de Tunisie. Déclic d’une révolte qui bouleverse le monde arabe et n’a pas fini de faire vaciller des régimes dictatoriaux.

Egypte, Libye, Yémen, Syrie… La révolte arabe, partie de Tunisie le 17 décembre avec l’immolation par le feu d’un marchand à la sauvette de légumes à Sidi Bouzid, a essaimé en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. Comme une traînée de poudre mais avec des fortunes diverses. Pourtant, six mois après son déclenchement, un constat s’impose : ce sont les jeunes qui ont été les fers de lance de la contestation. « Dans le monde arabe, 60 % de la population a moins de 25 ans. Les jeunes sont davantage enclins à prendre des risques. Ils ont été portés par le rejet de la corruption, du despotisme et de l’humiliation. Et ils ont fait preuve d’un courage exceptionnel », note l’expert en questions stratégiques Gérard Chaliand (1).

Désormais, l’enjeu principal réside, ajoute- t-il en substance, dans la capacité ou non de ces mouvements spontanés à se muer en forces organisées. Et même si, nulle part, les manifestations n’ont relayé des revendications islamistes, pour Gérard Chaliand, le risque existe que « la révolution soit confisquée par les islamistes et par la bourgeoisie ». A cet égard, l’Egypte fait figure de laboratoire, à l’aune de la place des Frères musulmans à l’issue des élections législatives de septembre. Et de souligner que l’aide internationale est cruciale pour soutenir les mouvements démocratiques émergents. Or le sommet du G 8 à Deauville, fin mai, en a montré les limites, en période de crise budgétaire : un plan de prêts financiers de 50,5 milliards d’euros a été concocté pour soutenir les économies tunisienne et égyptienne. Il est vrai que l’intervention militaire en Libye grève aussi les finances de certains Etats. De plus en plus isolé, avec une marge de man£uvre qui se réduit, Mouammar Kadhafi n’en a plus que pour quelques semaines à résister, pronostique Gérard Chaliand.

(1) Dernier ouvrage paru : La Pointe du couteau, 1er tome de ses Mémoires, éd. Robert Laffont, 460 p.

G.P.

MAROC

Mohammed VI tente de prévenir la révolte en annonçant des réformes. Les jeunes manifestants attendent des actes.

20 février : première manifestation du Mouvement du 20 Février, des jeunes, aspirant au « changement », réunis par Facebook. 9 mars : Mohammed VI annonce « une réforme constitutionnelle globale », prévoyant « l’élargissement des libertés individuelles et collectives ». 20 mars : manifestation de 15 000 à 20 000 personnes à Casablanca. 28 avril : un attentat visant des touristes fait 16 morts à Marrakech.

ALGÉRIE

La « révolution arabe » reçoit peu d’échos. Le pays est-il toujours marqué par les années noires de la guérilla islamiste ?

5 janvier : émeutes à Alger et Oran. 15 avril : le président Abdelaziz Bouteflika annonce une révision de la Constitution « pour renforcer la démocratie ».

TUNISIE

La « révolution du jasmin » est la première à renverser le président-dictateur Ben Ali. Les élections législatives sont prévues le 23 octobre.

17 décembre 2010 : immolation par le feu de Mohammed Bouazizi dans la ville de Sidi Bouzid. Des émeutes gagnent plusieurs villes. 14 janvier : Ben Ali et son épouse Leila Trabelsi fuient en Arabie saoudite. 7 mars : installation d’un nouveau gouvernement de transition dirigé par le Premier ministre Beji Caïd Essebsi.

Bilan : 300 morts.

LIBYE

Trois mois d’opérations militaires n’ont pas eu raison du régime Kadhafi. L’insurrection a fait place à la guerre civile.

15 février : manifestation à Benghazi, suivie, deux jours plus tard, d’une Journée de la colère contre « le népotisme et la corruption » du régime de Mouammar Kadhafi. 20 février : Saïf al-Islam évoque des « rivières de sang » en cas de poursuite de la contestation. Benghazi tombe entre les mains de l’opposition. 7 mars : contre-attaque militaire des troupes de Kadhafi. 17 mars : résolution 1973 de l’ONU qui « autorise les Etats membres […] à prendre toutes les mesures nécessaires […] pour protéger les civils ». 19 mars : début de l’opération militaire.

Bilan : de 10 000 à 15 000 morts ?

SYRIE

La contestation du régime de Bachar al-Assad est réprimée à huis clos.

15 mars : manifestation à Damas, réprimée par les forces de l’ordre. 18 mars : la contestation se transforme en insurrection à Deraa, localité du sud du pays. Nombreux morts. Avril-mai : la répression s’intensifie contre une opposition qui ne faiblit pas et s’étend à tout le pays. Sanctions des Etats-Unis et de l’UE.

Bilan : plus de 1 000 morts.

ÉGYPTE

En trois semaines, les jeunes, fers de lance de la contestation, obtiennent le départ d’Hosni Moubarak. Aujourd’hui, ils doutent du rôle de l’armée dans le changement.

25 janvier : manifestations de protestation contre le régime au Caire, à Alexandrie et à Suez. Occupation de la place Tahrir, au centre de la capitale. 1er février : plus d’un million de personnes manifestent au Caire. 2 février : le pouvoir organise une contre-manifestation sur la place Tahrir. 11 février : Hosni Moubarak quitte le pouvoir, transféré à l’armée. Des élections législatives sont prévues en septembre. Une élection présidentielle, « un à deux mois plus tard ».

Bilan : entre 900 et 2 000 morts.

BAHREÏN

Le roi, sunnite, étouffe la contestation portée par la majorité chiite dans le mutisme de la communauté internationale.

14 février : des manifestants occupent la place de la Perle au centre de Manama. 13 mars : l’Arabie saoudite déploie des troupes pour contenir la contestation et soutenir le roi Hamad ben Issa Al-Khalifa. 16 mars : les forces de l’ordre reprennent le contrôle de la place de la Perle.

Bilan : quelque 50 morts.

YÉMEN

La contestation du régime d’Ali Abdallah Saleh, rétif à toute issue négociée, vire à la guerre civile. Le président est en convalescence en Arabie saoudite. En reviendra-t-il ?

11 février : première manifestation contre le président Ali Abdallah Saleh, au pouvoir depuis 32 ans. 18 mars : 52 personnes sont tuées lors d’une manifestation à Sanaa. Avril-mai : intensification de la contestation et de la répression. Le régime est affaibli par de nombreuses défections. 3 juin : le président Saleh est blessé dans des bombardements visant son palais à Sanaa.

Bilan : 700 morts ?

G.P.

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