Christian Makarian

Que dit la chute de John Bolton, le faucon de Trump ?

Avec le limogeage de John Bolton, son troisième conseiller à la sécurité nationale (après Michael Flynn et H. R. McMaster), Donald Trump franchit-il un nouveau cran dans la campagne électorale en vue d’un second mandat ? Le procédé – un simple tweet – est encore plus discourtois que d’habitude ; il faut sans doute y voir un effet de communication recherché.

Le président américain a éprouvé le besoin de développer son désaccord avec l’homme à la large moustache blanche (70 ans) qui paraissait depuis le début, à vrai dire, issu d’une autre ère de l’Amérique, celle de l’administration Bush à laquelle il avait appartenu. Bolton a donc fini de servir, il fallait le faire savoir :  » J’étais en désaccord avec nombre de ses suggestions, comme d’autres au sein de cette administration « , a conclu sèchement Trump. Et d’ajouter :  » En fait, c’est moi qui modère John, ce qui est assez incroyable.  » Non seulement Bolton n’était pas d’accord avec le président sur des dossiers clés, mais il irritait tout autant le secrétaire d’Etat Mike Pompeo, qui n’a pourtant rien d’un romantique. Il ne faisait de secret pour personne que Bolton, qui fut un fervent supporteur de l’invasion américaine de l’Irak en 2003, défendait une ligne interventionniste très offensive, ce pourquoi il était temporairement utile au regard de l’opinion la plus conservatrice. Son départ précipité ne nous éclaire pas nécessairement sur la ligne de Trump, qui demeure largement imprévisible, mais il met en lumière le fait que ce dernier semble vouloir écarter les ultras de ses projets.

Bolton s’est opposé à d’autres membres de l’entourage présidentiel sur les négociations avec la Corée du Nord ; il a soutenu l’exigence d’un renoncement à l’arme atomique comme préalable à toute avancée diplomatique, option irréalisable qui l’a mis en porte-à-faux. Il est resté accroché à l’idéologie du regime change en Iran et à la mise en oeuvre de bombardements préventifs des sites nucléaires. Lors du G7 de Biarritz, Donald Trump a déclaré que les Etats-Unis ne cherchaient pas à renverser le pouvoir à Téhéran ; il s’est ensuite prononcé en faveur d’une tactique progressive à l’égard des Iraniens –  » ils veulent parler, ils veulent un marché  » – et ne rejette pas l’idée d’une rencontre avec Hassan Rohani lors de l’Assemblée générale des Nations unies, fin septembre.

Les différends ont été également profonds quant à l’hypothèse d’une intervention au Venezuela, souhaitée par Bolton, ainsi qu’au sujet de l’Afghanistan. Sur ce dossier, le faucon-conseiller s’est ouvertement dressé contre les tractations menées par Mike Pompeo, artisan d’un accord de retrait des troupes américaines (14 000 hommes) incluant les talibans, lesquels en ont profité pour ponctuer les pourparlers d’attentats meurtriers. Au total, un catalogue de dysfonctionnements et d’inaboutissements pour l’administration Trump.

On aura du mal à défendre Bolton ; sa mise à la porte brutale permet – peut-être – de lire en creux dans les fluctuations de Donald Trump et de deviner, à travers sa sinusoïde internationale, l’orientation choisie pour son second mandat, s’il était réélu. La stratégie dite  » de pression maximale  » appliquée durant son premier mandat n’a fait que l’exposer à la brûlure des foyers de tension internationaux ; son image en pâtit, d’où son désir de s’en dépêtrer pour la suite. Il n’y a aucune victoire nette, sur aucun des chantiers ouverts ; où est le génie du deal ? La pression, en fait, vient maintenant davantage de l’extérieur, de l’ensemble des brèches ouvertes et laissées béantes. Y compris parmi les pays amis. Le résultat des élections israéliennes dirige de nouveau les projecteurs vers le Moyen-Orient, toujours en attente de l’énigmatique plan de paix israélo- palestinien,  » accord ultime  » aussi souvent promis que reporté par un président américain définitivement insaisissable.

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