Guillaume Lys

« Que Daesh le sache : cette guerre qu’ils veulent mener contre nous, on va la gagner »

Guillaume Lys Avocat au barreau de Bruxelles - Président de l'ONG The Law and Transition Network

Pour permettre à nos enfants, et nos petits-enfants, de connaître un monde où le 22 mars 2016 ne sera plus rien d’autre qu’une triste page noire d’un chapitre enfin révolu.

C’est le temps des larmes et des pleurs.

Plus de trente vies et autant de familles anéanties.

Plus de deux cent cinquante avenirs brisés en plein vol.

Plus d’un million de traumatismes impossibles à exprimer.

Une tristesse infinie provoquée par une bêtise humaine violente et aveugle, qu’il sera impossible de consoler.

C’est le temps de la colère.

Daesh. Isis. Organisation Etat Islamique. Autant de noms pour une seule réalité.

Celle d’une organisation mafieuse, créée de toutes pièces en Irak il y a à peine 9 ans. Présidée par un mégalomane illuminé (Al Bagdadi), frustré par ses échecs répétés et son incapacité à « devenir quelqu’un ». Dirigée par les anciens cadres, ministres et chefs des renseignements d’un dictateur sanguinaire déchu (Saddam Hussein), qui ne forgent leur pouvoir qu’à coups d’exactions et d’intimidations. Financée par des ressortissants de pays sans grande Histoire, en quête d’influence et d’expansion territoriale, et qui pensent naïvement que tout se règle et s’achète à coups de pétrodollars (Qatar, Arabie Saoudite).

D’une organisation sectaire, qui ne convainc ses membres qu’en les endoctrinant par un système de propagande et de pensée débilement simpliste : « nous » sommes dans le vrai, « les autres » se trompent, il n’y a pas de juste milieu.

Et d’une organisation absolument pas religieuse. Je le sais, les chrétiens, les Juifs, les musulmans le savent : l’Islam n’a rien à voir avec la vision que l’Etat Islamique en a. La vie, dans l’Islam, comme dans toute religion monothéiste, est sacrée, comme l’est également l’amour de son prochain. Si Mahomet était encore en vie, il cracherait sur leur interprétation. Ou pisserait dessus, en voyant les attentats d’aujourd’hui.

Que quelques jeunes et moins jeunes de chez nous, Belges ou non, aient pu se laisser attirer si facilement par des personnes si inconscientes et mal intentionnées, c’est incompréhensible. Et totalement impardonnable.

Peu importent leurs circonstances atténuantes : ils ont une responsabilité individuelle dans leur méfait, et doivent être sanctionnés en conséquence.

C’est enfin le temps de l’action.

Que Daesh le sache : cette guerre qu’ils veulent mener contre nous, on va la gagner.

Pas par les armes. Pas par la haine. Pas par la division.

Mais par les idées. Par l’ouverture. Par l’union.

On peut, parce qu’on a les talents pour le faire, créer les conditions d’une société dont aucun de ses membres ne voudra jamais plus répandre la terreur en son sein.

Comment procéder ?

Par des choix politiques forts. Courageux, oui, mais nécessaires :

1. La répartition des richesses n’est pas équitable. Les écarts de fortunes entre les plus riches, les classes moyennes et les plus pauvres ne sont pas justes. Il faut que les premiers acceptent de contribuer davantage, pour soulager les fins de mois difficiles des seconds, et abominables des troisièmes.

Un petit peu moins de confort matériel pour plus de paix sociale, c’est un prix qu’il n’est pas déraisonnable d’exiger.

Surtout au vu de l’ampleur des attentats de ce jour.

2. Cet argent ainsi collecté, il faut aussitôt le réinvestir massivement dans l’éducation. Les écoles, les collèges, les lycées, les universités doivent avoir les moyens d’assurer l’objectif qu’ils se fixent.

C’est dans ces établissements que nos enfants, nos petits-enfants apprendront les valeurs de solidarité, de tolérance, de différence, d’intégration, d’égalité des chances.

Nos enfants sont notre avenir, nos petits-enfants en récolteront les fruits.

Le « plus jamais de 22 mars 2016 » passe par un corps enseignant mieux formé, mieux financé, et apte à faire des citoyens de demain des personnes meilleures que nous ne le sommes aujourd’hui.

3. Il faut, ensuite, l’injecter dans les services publics. Les administrations (justice, sécurité sociale, pensions, économie, finances), l’armée, les hôpitaux, la police, ce sont à la fois les moteurs et les garde-fous de notre société.

Ces institutions, on en a besoin, et on ne peut vivre sans : ce sont elles qui nous permettront d’éviter d’éventuelles futures attaques, ou de nous préparer à tout le moins à y répondre efficacement.

4. Il faut, par ailleurs, l’utiliser pour construire une Europe plus forte, plus solidaire, plus intégrée, qui puisse répondre de manière adéquate, et avec humanité, aux défis des mondes d’aujourd’hui et de demain : la mondialisation, le climat, l’interculturalité.

Les racines d’éventuelles violences futures sur notre territoire résident sans aucun doute dans la manière dont nous gérons et gérerons ces problématiques.

5. Il faut, enfin, utiliser toute l’énergie diplomatique dont nous sommes capables pour aider les peuples qui nous entourent, en Europe comme en dehors, à aplanir les différends et les violences qui les meurtrissent. Combien de tensions, de massacres et de guerres civiles ne pourraient être évités par le seul bienfait du dialogue et du respect ?

Dans notre monde globalisé, leurs problèmes sont toujours un peu les nôtres aussi : sans se comporter en colonisateur, sans s’immiscer dans leur gestion ni leur imposer de solution toute faite, donner un coup de main à des amis dans le besoin ne peut faire de tort.

Et, dans notre monde globalisé, aider à trouver des solutions là-bas, c’est aussi un peu désamorcer les conflits ici…

Ces mesures ne sont pas une potion magique qui, d’un coup, supprimera toute possibilité de voir surgir une menace terroriste dans un avenir proche.

Mais c’est, et j’en suis convaincu, la seule manière de permettre à nos enfants, et nos petits-enfants, de connaître un monde où le 22 mars 2016 ne sera plus rien d’autre qu’une triste page noire d’un chapitre enfin révolu.

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