Kim Jong-un © REUTERS

Que croire des histoires de Corée du Nord? « On sait qu’ils sont bons en Photoshop »

Un essai réussi de lancement d’un missile balistique sous-marin et un ministre exécuté au canon antiaérien pour s’être endormi durant un défilé militaire: la Corée du Nord fait les gros titres avec des infos qui font froncer les sourcils, mais que doit-on croire de ces histoires?

C’est le directeur adjoint des services de renseignements NIS, qui, selon l’agence de presse nationale Yonhap, a raconté à une commission parlementaire à Séoul que le ministre nord-coréen de la Défense avait été exécuté suite à son manque de loyauté et de respect à l’égard du leader Kim Jong-Un. L’information a fait le tour du monde.

Pas indépendant

Entre-temps, NIS a précisé qu’il n’est pas certain qu’Hyon ait été exécuté. En revanche, il aurait été « purgé ». Cette confusion montre les multiples niveaux intermédiaires entre ce qu’il se passe en Corée du Nord et les faits tels qu’ils sont rapportés ici.

À cause du caractère extrêmement fermé du régime stalinien, les événements qui ont lieu en Corée du Nord ne peuvent être confirmés par des instances indépendantes. On a déjà vu l’année passée que cette absence de transparence aboutit à toutes sortes de légendes, plus folles les unes que les autres. Il s’est ainsi avéré que l’histoire de l’oncle du leader nord-coréen exécuté par une meute de chiens affamés devant des centaines de spectateurs avait été inventée par un satiriste chinois.

Instables

Expert en Corée et professeur à l’université de Leyde aux Pays-Bas, Koen De Ceuster est agacé qu’on attache de l’importance à ces histoires et pas à ce qui se passe d’autre en Corée du Nord. Il ignore si l’exécution du ministre de la Défense est crédible. « Parfois, les informations sont vraies, et parfois pas », nous dit-il.

Si c’est vrai, De Ceuster estime que cela signifie surtout que le régime est encore instable, que Kim Jong-un n’a pas encore tout à fait consolidé sa position. « Il est devenu leader parce qu’il était le fils de Kim Jong-il (décédé en 2011), mais il n’avait pas de fondement de son pouvoir. Depuis qu’il a succédé à son père, il y a eu plusieurs purgations. Dans un régime stable, ce genre de décisions n’est pas vraiment nécessaire. »

Photoshop

Et que penser de l’essai réussi de lancement d’un missile balistique sous-marin – une information communiquée par Pyongyang le week-end dernier et confirmée par Séoul? Les États-Unis et la Corée du Sud ont exprimé leur inquiétude et craignent que la Corée du Nord progresse beaucoup dans l’extension de son arsenal d’autant que les sous-marins sont en effet difficiles à localiser.

De Ceuster souligne qu’il y a aucune confirmation indépendante de la réalisation de l’essai. « Pour l’instant, nous avons uniquement les informations coréennes. Doit-on y croire aveuglément? La seule chose dont on soit sûr, c’est que les Coréens sont bons en Photoshop. »

« Quoi qu’il en soit, il semble en tout cas que Pyongyang ait souhaité attirer l’attention du monde à un moment où tous les yeux étaient fixés sur la commémoration de la Seconde Guerre mondiale en Russie. L’absence de Kim Jong-un n’est d’ailleurs pas anormale. C’étaient les Russes qui avaient dit qu’il viendrait, pas la Corée du Nord. Ici, l’aspect symbolique est clair même si Pyongyang continue à travailler en coulisse. »

Armes nucléaires

Récemment, The Wall Street Journal a fait état d’experts nucléaires chinois qui ont mis leurs collègues américains en garde contre la capacité nucléaire grandissante de la Corée du Nord « qui représente un danger plus grave que l’Iran ».

À cet égard, De Ceuster pointe les intérêts politiques qui sont en jeu. « Les Chinois désirent montrer que l’Iran est parti pour construire des armes nucléaires, mais que la Corée du Nord possède déjà la technologie. Pékin trouve que les États-Unis feraient mieux de s’occuper de la Corée du Nord. »

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