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Quatre grands mythes (décryptés) sur l’État islamique

Stagiaire Le Vif

L’image que l’on se fait de l’EI est-elle toujours en phase avec la réalité ? Pas forcément. Voici, décryptés, quatre grands mythes qui circulent autour de l’organisation islamique.

1. Le peuple qui soutient l’EI est favorable à l’Islam radical.

Dans certaines régions d’Irak, certains musulmans sunnites apportent leur soutien (moral ou militaire) à Daesh. Est-ce par adéquation avec l’idéologie radicale et violente que propose (et impose) l’organisation islamique ? Pas vraiment, l’énorme majorité des musulmans rejetant cette « vision » ultra-violente de leur religion. Il s’agit plutôt d’une question politique.

Cette tendance est en partie provoquée par l’accession de Nouri Al-Maliki au poste de Premier ministre irakien, en 2006. Chiite, il n’a jamais répondu aux attentes d’un peuple sunnite se sentant de plus en plus opprimé et marginalisé depuis le renversement du pouvoir de Saddam Hussein lors de l’intervention américaine. Réduits à des citoyens « de seconde zone », ces sunnites espèrent simplement bénéficier de meilleures conditions de vie sous la direction de l’Etat islamique.

2. Effrayé par les femmes, l’EI les réduit toutes à l’esclavage.

Auteurs d’actes plus atroces les uns que les autres, les combattants de l’Etat islamique paraissent hermétiques à la peur. Leur unique « cauchemar » serait d’être tué par une femme-soldats, ce qui les priverait du paradis. Effrayés par la gent féminine (armée), donc, au point de la reléguer à son « rôle fondamental », à savoir servir l’homme ? Il semble que la vérité soit (un peu) plus nuancée.

« Ce que nous savons de l’approche des femmes par Daesh se distance des stéréotypes », assure le site américain Vox.com. Le groupe possède effectivement ses propres bataillons exclusivement féminins, appelés « al-Khansaa » ou « Umm al-Rayan ». Elles y combattent en burqa, dans un « processus d’émancipation de la femme : beaucoup d’entre elles souhaitent montrer une facette « guerrière », histoire d’aller à l’encontre du stéréotype occidental de la femme musulmane opprimée », explique Thomas Hegghammer, expert de l’islamisme au Centre de recherches de la défense norvégienne.

3. Les USA pourraient « facilement » réduire à néant l’EI.

C’est une idée assez répandue dans l’imaginaire collectif : en s’y mettant « sérieusement », c’est-à-dire en envoyant des troupes sur le terrain, les États-Unis détruiraient presque instantanément Daesh. Un brin utopiste, malheureusement.

S’il s’avère que la campagne de frappes aériennes, débutée en août dernier, est bel et bien une réussite d’un point de vue territorial, une intervention au sol risque de ne pas rencontrer le même succès. La réalité « terrestre » est beaucoup plus complexe, d’après, notamment, une enquête de la George Washington University’s Marc Lynch : les rebelles syriens y sont très diffus, et ils alternent constamment les alliances avec l’EI et d’autres islamistes radicaux.

Combattre au sol signifierait se retrouver non seulement face à l’EI, mais aussi face aux rebelles « modérés », aux partisans de Bachar al-Assad (pour la Syrie), etc. Un vrai micmac. Nul doute que la réinstauration de la paix passerait par la collaboration avec le peuple, dans des actions coordonnées visant directement (et uniquement) le groupe islamique, à en croire Doug Ollivant, conseiller américain à la sécurité nationale pour l’Irak de 2005 à 2009. « Je prends le pari que l’appui de 6 millions de civils irakiens peut être plus utile que ceux des 30.000 soldats américains », pense-t-il.

4. L’Etat islamique va s’autodétruire.

En février dernier, d’anciens djihadistes allemands confiaient qu’à l’intérieur même de l’EI, « la terreur est présente à chaque instant ». La paranoïa a gagné les rangs de l’organisation, et la simple possession d’un GSM suffit à éveiller les soupçons des « collègues », donc à se faire exécuter. Le même mois, un autre déserteur balançait que « des divisions gangrènent actuellement les troupes de l’EI » car « il existe un fort ressentiment des membres syriens à l’égard des combattants étrangers, qui bénéficient d’un traitement de faveur. »

Conjuguée à ces tensions internes, la politique expansionniste de Daesh pourrait, à terme, mener à un manque d’effectifs suffisants pour couvrir l’ensemble de son territoire. De quoi espérer une autodestruction, comme d’aucuns le prédisent ? « C’est possible, mais loin d’être certain », nuance Zack Beauchamp, journaliste américain. « Car, en plus de voir ses rangs gonfler tant et plus, l’EI agit de façon très intelligente pour conserver le soutien des populations qu’il dirige : il installe des cliniques de soins de santé, des forums publics, toutes formes d’institutions où ils diffusent, évidemment, son idéologie. »

Les ruptures sont dès lors plus à même de se produire directement entre combattants. En mars, neuf membres de Daesh s’étaient ainsi entretués à la suite d’une tentative de désertion. Fin 2014, près de 120 « dissidents » avaient été exécutés, en l’espace de deux mois. (A.V.)

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