Qatar et Rwanda: qui se ressemble…

Le 19e forum international de Doha vient de se clôturer. Un outil de soft diplomacy au profit du richissime émirat, à l’influence inversement proportionnelle à la taille. Tout comme le Rwanda.

Il est rare qu’un forum donne le tournis, mais celui de Doha n’y manquera pas. Pour sa 19e édition, centrée sur le thème « Réinventer la gouvernance dans un monde multipolaire », ce ne sont pas moins de 3 000 participants venus de 104 pays qui ont été invités à écouter 302 intervenants dans 52 sessions différentes. Le tout sur deux jours. Celles-ci étaient centrées sur la géopolitique, les migrations, l’extrémisme violent, la technologie, l’économie, la finance, la cybergouvernance, et même la post-vérité.

Hébergé dans l’immense hôtel Sheraton, ce forum est un des outils de soft diplomacy mis en place par le richissime émirat gazier. C’est aussi le lieu où sont signés de plantureux contrats. L’enjeu est d’autant plus important que ce pays dirigé par la dynastie al-Thani fait face depuis 2017 à un coûteux blocus – en voie d’apaisement – imposé par ses voisins saoudien et émirati, sur fond d’accusations de terrorisme (le Qatar soutient les Frères musulmans), de rivalités régionales (avec l’Iran en toile de fond) et de querelles d’égo.

Avec la présence de Paul Kagame au forum, le Rwanda était représenté au plus haut niveau. C’est la confirmation du rapprochement stratégique entre les deux pays. Qatar Airways, qui dessert Kigali chaque jour depuis 2012, vient d’acquérir 60% des parts du nouvel aéroport de Kigali, au sud de la capitale, destiné à devenir un hub régional. Il devrait coûter la bagatelle de 1,3 milliard de dollars et atteindre la capacité de 14 millions de passagers d’ici à 2032.

Qatar et Rwanda sont faits pour s’entendre : deux Etats partis de rien, l’un émergeant du sable, l’autre des cendres du génocide, deux pays à l’influence inversement proportionnelle à la taille, deux leaders ambitieux et autoritaires, désireux de se profiler comme des champions de la croissance et du développement. Et le monde accourt.

Cet accord intervient quelques jours après la signature d’un accord de trois ans entre le Rwanda et le club de football Paris Saint-Germain, propriété du Qatar Investment Authority, en vue de faire la promotion de la campagne Visit Rwanda. Auparavant, c’était Arsenal, le club anglais dont Kagame est un fan, qui portait les couleurs de cette opération de marketing.

Paul Kagame n’a jamais accepté que le mot pauvreté soit systématiquement accolé au continent africain. Singapour et l’île Maurice étaient déjà des références pour lui. Voici à présent le Qatar, un des pays les plus riches du monde. En matière de tourisme, le Rwanda donne le ton, avec priorité aux voyageurs fortunés prêts à payer des centaines de dollars pour une nuitée dans un luxueux lodge, et 1500 dollars pour une randonnée de quelques heures à la rencontre des gorilles de montagne.

Parmi les « distingués invités » du forum figuraient des ministres turcs – Doha et Ankara entretiennent des relations très proches – mais aussi le président de… l’Arménie, un Etat aux relations très tendues avec la Turquie. Armen Sarkissian, le président arménien, voudrait faire de son pays la Silicon Valley du Caucase. A la tribune, il a expliqué que si des petits pays obtiennent de si grands succès, c’est parce qu’ils ont une vision. « Small can be beautiful. Small can be powerful », a-t-il résumé. Trois Etats à peine visibles sur une carte du monde, mais qui entendent bien rayonner.

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