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Pourquoi les morts de célébrités nous semblent plus nombreuses en 2016

Le Vif

Il y a eu David Bowie au tout début de l’année, ensuite Prince, Leonard Cohen, et tout dernièrement encore George Michael. L’année 2016 aura été marquée par la mort de nombreuses stars, emblèmes de toute une génération, et bien plus que les autres années. Plusieurs facteurs, autres que celui démographique, expliquent ce phénomène selon le site Slate.fr.

Nous ont aussi quittés en 2016, Toots Thielemans, Zsa Zsa Gabor, Leon Russell, Maurice White, Sharon Jones, Frank Sinatra Jr, Jean-Pierre Coffe, René Angelil, Alan Rickman, Michel Delpech, ou encore Harper Lee, Umberto Eco, Ettore Scola, Michel Galabru,…De grandes figures politiques également comme Fidel Castro, Shimon Peres, Michel Rocard ainsi que des sportifs emblémantiques tel que Mohammed Ali et Johan Cruyff.

Impossible de tous les citer tant la liste est longue des artistes, écrivains, musiciens, acteurs de cinéma, ou personnalités politiques et sportives mondialement connues ou plus discrètes disparues au cours de l’année écoulée.

Et pour preuve, le rédacteur des chroniques nécrologiques de la BBC a tenu des statistiques. Nick Serpell a fait le compte : en 2016, vingt-quatre de ses nécrologies ont été publiées contre seulement cinq en 2012 et douze en 2015. Une hausse « phénoménale », selon ses propres dires. On parle « d’année noire » pour les célébrités en 2016. Certaines emportant avec elle toute une génération de symboles.

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Comme l’explique le site Slate.fr, un premier facteur important, le facteur démographique explique ces décès en série. Les artistes qui sont décédés au cours de l’année écoulée étaient pour la plupart, issus de la génération du baby-boom, nés entre 1945 et 1975, après la fin de la Seconde Guerre mondiale. Ces personnalités ayant connu leur heure de gloire dans les années 1960 commencent petit à petit à se faire de vieux os.

Mais cet argument démographique n’est pas le seul à prendre en compte. La force d’internet et la médiatisation de la mort d’une personnalité via les réseaux sociaux est aussi un facteur important. Sur la Toile résonne de manière exponentielle leur disparition. Sur Facebook, Twitter, et même Instagram, les hommages aux célébrités se succèdent et sont amplifiés, personne ne peut y échapper, un phénomène qui n’était pas possible auparavant. Des personnalités moins connues peuvent aussi être mises en lumière via les réseaux sociaux, ce qui fait que le spectre des décés de par le monde est plus élargi et que l’impression d’en être submergé en continu est accentuée.

Deuil collectif

On assiste aussi de cette manière à une nouvelle forme de deuil collectif ou de ritualisation comme le souligne Olivier Ertzscheid, enseignant-chercheur en Sciences de l’information et de la communication à l’IUT de la Roche-sur-Yon et fondateur du blog Affordance.info, cité par Slate.fr : « Sur les réseaux sociaux, tout ce qui comporte une dimension émotionnelle bénéficie d’un effet de viralité et suscite un important partage affectif. On assiste à une nouvelle forme de ritualisation durant laquelle les internautes vont avoir la nécessité de partager, d’exprimer ce qu’ils ressentent par l’intermédiaire de vidéos, d’images, d’extraits de films, de témoignages… »

Mais ce ne sont pas seulement Facebook et autre Twitter qui font caisse de résonnance lors du décès d’une personnalité et fonctionnent comme puissants exutoirs de nos émotions. Les médias ne sont pas en reste non plus et nourrissent aussi ce deuil collectif. Réseaux sociaux et médias traditionnels s’auto-alimentent alors d’hommages respectifs par le biais de diaporamas photos, de rétrospectives, de retransmission live de la cérémonie funéraire, de relais des tweets d’hommages,… Les médias le font tout d’abord pour ne pas passer à côté de l’actualité, mais aussi, plus pernicieusement, car ils savent bien que l’annonce de la mort d’une personne célèbre leur apportera un pic d’audience.

« L’expression du soi intime »

Cette surmédiatisation sur la toile de la mort d’une star amène Hélène Bourdeloie, maître de conférences en sciences de l’information et de la communication à l’université Paris 13 – Sorbonne Paris Cité, à redéfinir les frontières de l’intimité et de notre perception de la mort.

En se référant aux travaux du psychiatre Serge Tisseron, elle pointe « l’expression du soi intime », un concept qui décrit notre réflexe, en période de deuil, à « faire part d’éléments de notre vie intime dans la sphère publique pour obtenir un retour sur la valeur de ces éléments », relaie encore l’article deSlate. La mort, autrefois taboue, acquiert de cette façon de plus en plus de visibilité sur la scène sociale. Notre manière de faire le deuil se voit alors bouleversée par la présence numérique atemporelle des défunts dans nos quotidiens: hommages en ligne, rétrospectives, mémoriaux en ligne, résultats de recherche sur Google, présence d’anciens mails dans la boîte de messagerie…

Hélène Bourdeloie suggère l’idée suivante: « Après la mort, cette identité en ligne continue à vivre, notamment sur la base des posts des vivants endeuillés qui contribuent à façonner une nouvelle version identitaire du mort qui se fabrique au gré des interactions et flux de données. Cette liaison avec l’identité numérique du défunt, de l’ordre d’une socialisation éternelle, semble ouvrir la voie au mythe de l’immortalité, à l’idée qu’une nouvelle vie émergerait après la mort biologique. »

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