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Pourquoi la possible interdiction du glyphosate fait peur aux puissances agricoles

Maxime Defays Journaliste

Plusieurs grands partenaires commerciaux européens craignent une potentielle interdiction du produit commercialisé par Monsanto, ce qui pourrait affecter les exportations des récoltes, du blé australien au soja brésilien.

Sept semaines avant que la licence du produit n’expire (le 15 décembre NDLR), plusieurs grandes « puissances agricoles », telles que l’Argentine, l’Australie, le Brésil, le Canada ou encore la Nouvelle-Zélande, ont fait part de leurs grandes inquiétudes à l’Europe, et souhaiteraient recevoir des explications quant au sort qui sera réservé à leurs produits exportés vers l’Union.

Si l’Union européenne interdisait à ses agriculteurs d’utiliser du glyphosate, ceux-ci ne pourraient tout simplement plus, évidemment, importer des produits venus de pays dont la législation autorise toujours le recours au produit. Pour éviter une confusion entre deux normes différentes, les états européens seront soumis à une très forte pression pour justement restreindre le recours aux produits importés qui contiennent le pesticide. Une interdiction du glyphosate ouvrirait la voie à une réduction du niveau de tolérance de produits chimiques dans l’importation de nourriture.

« L’interdiction du pesticide viendrait contredire les recherches de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) et de l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), estimant que le produit n’était pas dangereux », a déclaré Adrian Serra, le responsable de la mission économique argentine auprès de l’Union européenne. Les conclusions des deux organisations diffèrent de celles du Centre international de recherche sur le cancer (ou CIRC, une branche de l’OMS), qui estime que le produit est probablement cancérigène.

La ministre argentine de l’Agriculture a exprimé ses inquiétudes sur l’impact que pourrait avoir l’interdiction du produit sur les exportations de soja, dans une lettre adressé au commissaire européen de l’Agriculture, Vytenis Andriukatis.

Les inquiétudes ne datent pas d’hier. En mars dernier, lors d’un comité de l’Organisation mondiale du commerce sur la sécurité alimentaire, l’Argentine avait fait part de ses inquiétudes de l’impact direct sur le commerce agricole mondial si la licence du pesticide n’était pas renouvelée.

L’Argentine a vite été rejointe par le Brésil, le Canada, le Chili et la Nouvelle-Zélande.

Si l’interdiction est décidée pour des questions de santé, l’Union européenne devra informer l’Organisation mondiale du commerce qu’elle réduira le niveau de résidus de glyphosate à 0.01 milligramme par kilo, c’est-à-dire largement en-dessous de la limite des 20 milligrammes jusqu’ici autorisés pour les importations de soja du Brésil, par exemple.

L’industrie céréalière canadienne accuse l’Italie de profiter de l’occasion pour limiter les importations de blé dur canadien, largement utilisé dans la production de pâtes. Cam Dahl, le président de l’organisation « Cereals Canada » a accusé l’Italie de vouloir favoriser le protectionnisme. « De mon point de vue, ceci n’est qu’une campagne pour dénigrer la qualité et la sécurité du blé dur canadien, et tout ceci ne repose pas sur des bases scientifiques »

Malgré l’approche rapide de la date butoir, il existe tout de même un petit signe de consensus. La Commission a proposé de renouveler l’autorisation du glyphosate pour les cinq prochaines années, bien que la plupart des pays importants de l’union s’y soient opposés. L’Allemagne souhaiterait une extension de trois ans, tandis que la France et la Belgique veulent un abandon progressif du produit. La France va-t-elle se rallier derrière la proposition allemande ?

Les pays vont une nouvelle fois tenter de conclure un accord le 9 novembre prochain, soit un peu plus d’un mois avant l’expiration de la licence européenne du glyphosate. Si aucun accord n’est trouvé, ce sera à la Commission de trancher.

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