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Pourquoi Boris Johnson n’est pas vraiment un « Trump britannique »

Olivia Lepropre
Olivia Lepropre Journaliste au Vif

On les compare et on leur prête une entente privilégiée. Pourtant, le nouveau Premier ministre britannique n’a rien d’un  » Trump britannique « , même si beaucoup le surnomment de cette manière.

Le président américain Donald Trump s’est empressé de féliciter, chaleureusement, Boris Johnson à son arrivée à la tête du Parti conservateur, et donc du gouvernement britannique. Si certains pensent que « BoJo » est le seul à pouvoir sortir le Royaume-Uni de l’impasse du Brexit, Trump en est également convaincu. D’aucuns prédisent déjà une relation privilégiée entre les deux hommes, favorisant la coopération et la bonne entente entre les pays. Et vont jusqu’à surnommer Boris Johnson le « Trump britannique ». Une comparaison qui semble être au goût du président américain : « On l’appelle ‘Britain Trump’ et les gens disent que c’est une bonne chose. Ils m’aiment bien là-bas. C’est ce qu’ils voulaient. C’est ce dont ils ont besoin », a-t-il tweeté.

Il est vrai qu’on peut voir une certaine ressemblance entre les deux leaders : une certaine fantaisie capillaire, un goût prononcé pour la politique-spectacle, un parcours scolaire et professionnel trois étoiles… Mais cela s’arrête presque là.

Expérience et rhétorique

Les deux hommes ne peuvent effectivement pas être comparés en tout point. La plus grande différence est l’expérience et l’allégeance politiques. En tant que magnat de l’immobilier, Donald Trump a alterné son soutien financier à plusieurs partis. Boris Johnson, après sa carrière de journaliste, est devenu un soutien de longue date du Parti conservateur. Il a également plus d’expérience politique que son homologue américain, vu qu’il ne s’agit pas de son premier mandat politique.

Boris Johnson est un adepte des déclarations polémiques, tout comme Trump. Mais la rhétorique, notamment vis-à-vis de l’immigration, n’est pas tout à fait la même. « Bien que Johnson ait parlé du contrôle de l’immigration, il est en faveur de l’immigration, comme on pourrait s’y attendre de la part de l’ancien maire de Londres, libéral et cosmopolite », explique CNN. Les positions de Boris Johnson sont généralement moins clivantes que celles de Donald Trump. Il a d’ailleurs défendu le principe de l’immigration, qui dynamise selon lui certaines régions d’Angleterre, notamment sa capitale. On est loin des discours de Trump sur la frontière USA-Mexique ou, plus récemment, sur ses déclarations à l’intention de quatre élues démocrates issues de minorités leur sommant de « retourner d’où elles viennent ».

Unité nationale et Brexit

Une chose diffère encore les deux hommes : Johnson a besoin d’unir son pays, car il ne peut survivre politiquement sur le terme en ne misant que sur sa base, surtout s’il ambitionne de remporter des élections générales. Chez Trump, la stratégie de la division a porté ses fruits jusqu’à présent et il semble vouloir la poursuivre pour être réélu en 2020.

Le danger pour Johnson, c’est que les Brexiters qui l’appuient croient qu’un accord commercial avec les États-Unis pourrait être le meilleur moyen de prouver au monde que le Brexit était un projet réussi. Par conséquent, l’idée qu’il aura de bonnes relations avec Donald Trump est perçue par ces personnes comme une chose positive. Mais il n’y a absolument aucune preuve qu’un accord commercial avec les États-Unis compenserait les dommages économiques que le Royaume-Uni subirait s’il quittait l’UE sans un accord.

Comparaison risquée

La réputation de Boris Johnson pourrait en outre souffrir de sa comparaison avec son homologue américain. Contrairement à ce qu’il laisse entendre, Donald Trump n’est pas si populaire au Royaume-Uni si on en croit les sondages. Alors que le milliardaire new-yorkais pourrait penser que faire l’éloge de Boris Johnson et le décrire comme un ami est le plus grand des compliments, cela pourrait rendre les électeurs britanniques encore plus hésitants, eux qui sont déjà, pour beaucoup, mal à l’aise avec leur nouveau Premier ministre.

Vers une « relation spéciale » ?

Les planètes semblent alignées pour relancer la « relation spéciale » entre États-Unis et Royaume-Uni, les félicitations de Trump étant à l’opposé de ses nombreuses critiques envers Theresa May. L’ère Trump-May a en effet été délétère pour les relations entre les deux alliés, comme l’a montré récemment la démission de l’ambassadeur britannique à Washington. Avec Trump-Johnson, la situation pourrait s’améliorer. « Ce sont, sur le papier, des frères idéologiques, à droite, populistes, contre le politiquement correct et anti-establishment », énumère Ian Bremmer, président de la société d’expertise Eurasia Group. Mais « leur relation est aussi beaucoup plus instable », prévient ce politologue interrogé par l’AFP. Mais selon lui, « tous deux s’intéressent d’abord à eux-mêmes », ils veulent chacun attirer la lumière, et cela pourrait faire des étincelles.

Et alors que Donald Trump a fait miroiter un accord commercial « extraordinaire » après le Brexit, les négociations s’annoncent en fait tendues. « Malgré les affinités, leurs intérêts ne sont pas toujours alignés », constate Luigi Scazzieri, du Centre for European Reform à Londres. Selon lui, Boris Johnson, en position de faiblesse si les discussions avec Bruxelles tournent mal, risque de buter sur « les instincts America first de Trump », qui « ne devrait faire aucune concession au Royaume-Uni ».

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