L'ingénieur spatial Pablo de Leon © BELGAIMAGE

Pour retourner sur la Lune, l’urgence de nouvelles combinaisons spatiales

Le Vif

L’ingénieur spatial Pablo de Leon a conçu deux prototypes de combinaisons lunaire et martienne et sait le temps que leur développement a pris. Il prévient que pour faire revenir des astronautes sur la Lune en 2024, la Nasa doit se presser.

« La Nasa n’a pas encore de combinaison car la décision d’y aller en 2024 a apparemment été prise subitement », explique l’ingénieur argentin, directeur d’un laboratoire financé par la Nasa et dédié aux vols habités à l’université du Dakota du Nord. « D’un côté, il y a cet ordre d’aller sur la Lune en 2024, et de l’autre, on n’a plus développé de combinaisons spatiales depuis 1977 », dit-il à l’AFP lors d’une récente visite au centre spatial Kennedy, en Floride.

C’est vrai: les combinaisons utilisées par les Américains à bord de la Station spatiale internationale pour des sorties dans l’espace ont été conçues dans les années 1970, et rafistolées depuis. Il n’en reste qu’une poignée en état de marche.

Pour l’instant, la Nasa est focalisée sur le développement de la fusée, de la capsule et de l’alunisseur pour transporter les astronautes jusqu’au sol lunaire. Le choix de la combinaison viendra ensuite. Mais pour l’ingénieur, le budget actuellement alloué à la Nasa, de l’ordre de 21 milliards de dollars par an, n’est pas suffisant pour accélérer le travail. Il estime l’objectif de 2024 « plutôt optimiste ».

– Poussière dangereuse –

Dans son laboratoire, Pablo de Leon et ses équipes ont mis au point la combinaison NDX-1, pour Mars, et NDX-2, pour la Lune. Une combinaison est « une machine aussi complexe qu’un vaisseau spatial », car elle doit fournir aux astronautes le même environnement: température, pression, humidité, protection contre les radiations, ainsi que communications et énergie. « Tout cela dans un vêtement. »

Il en faut en outre deux sortes: l’une pour flotter dans le vide spatial, par exemple pour sortir du vaisseau afin de réparer l’extérieur; l’autre pour marcher sur un autre monde. En apesanteur, la combinaison est quasiment rigide en-dessus de la taille: « les pieds ne servent à rien », dit Pablo de Leon.

En revanche, sur la Lune ou sur Mars, les astronautes devront par définition marcher; leur combinaison devront être suffisamment légères et flexibles pour qu’ils puissent avancer, reculer, sauter, se baisser et manipuler des outils.

Un autre problème, très important, est la poussière lunaire. Les astronautes d’Apollo s’en sont vite aperçus: cette poussière est très abrasive. Elle pénètre les couches supérieures des combinaisons et coupe comme du verre. « En trois jours elles se seraient déchirées », dit l’expert. La plus longue mission Apollo a duré 75 heures sur la Lune, mais les astronautes n’étaient pas tout le temps hors du module.

Sur Terre, l’érosion « a arrondi au cours de millions et millions d’années les pierres, le sable, la poussière », explique Pablo de Leon. Mais sur la Lune, point d’érosion: « les cailloux, jusqu’aux particules les plus petites, sont très aiguisées, elles coupent les tissus comme une scie ».

Quant à Mars, où les Américains évoquent une éventuelle mission dans les années 2030, le sol contient du perchlorate, qui est toxique pour les humains. « Il faudra isoler tout ce qui a été en contact avec l’extérieur dès que les astronautes enlèvent leurs combinaisons ». Les habitats sur Mars devront être conçus pour ce type de décontamination.

Pour l’instant, le centre de Pablo de Leon, et d’autres aux Etats-Unis, attendent des nouvelles de la Nasa, qui n’a pas encore attribué de contrat. Aucune date-butoir n’a été fixée.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire