Martin Seligman, psychologue, professeur à l'université de Pennsylvanie. © D. MARIUZ

Pour ce chercheur américain, « le bien-être est aussi une question politique »

Le Vif

Le sentiment de satisfaction personnelle est un facteur de progrès social, estime le chercheur américain Martin Seligman.

Comment répondre au sentiment de désarroi et de déclassement qui féconde le populisme ? En développant des politiques publiques centrées sur le bien-être collectif, d’après Martin Seligman (1), père de la psychologie positive.

Le  » bien-être  » renvoie à des méthodes de développement personnel. En quoi est-il aussi une question politique ?

Lorsqu’on améliore le sentiment de sécurité, de réalisation personnelle et les projections positives des citoyens dans le futur, c’est bien d’une ambition collective et politique en faveur du progrès social qu’il s’agit. On pense que les électeurs se décident pour un candidat en fonction de motivations financières – ils voteraient essentiellement pour maintenir ou augmenter leur pouvoir d’achat. Or, une étude de chercheurs de la London School of Economics, qui ont étudié 170 élections dans les Etats de l’Union européenne depuis 1970, montre que le critère du sentiment de satisfaction individuelle entre autant en ligne de compte. Leur conclusion est qu’à l’heure de voter contre les sortants, avoir de faibles revenus pèse autant que de se sentir mal dans sa vie. Prenez le Brexit : deux ans avant le référendum, la situation économique s’améliorait au Royaume-Uni, mais les indicateurs du bien-être, eux, déclinaient depuis trois bonnes années…

Il est dommage que les gouvernements occidentaux donnent la priorité à l’économie.

Peut-on tirer le même enseignement de l’élection de Donald Trump ?

Il doit en effet une bonne part de sa victoire aux Américains des classes moyennes, qui craignaient de voir leur situation se dégrader au cours des cinq années suivantes. La plupart des électeurs des démocraties occidentales glissent leur bulletin en fonction de projections personnelles. Il est dommage que les gouvernements donnent la priorité à l’économie sans pleinement intégrer cette dimension dans leurs programmes. Car pour être réélu, il ne suffit pas de dire  » non  » à la pauvreté, mais aussi dire  » oui  » à une vision large permettant à chacun de s’insérer dans la société et d’avoir foi en l’avenir.

La Force de l'optimisme, par Martin Seligman, Intereditions, 2008.
La Force de l’optimisme, par Martin Seligman, Intereditions, 2008.

Si ce « oui » ne vient pas, n’est-ce pas parce que le bien-être est difficile à évaluer, donc à  » vendre  » aux électeurs ?

Il y a trente ans, vous auriez eu raison. Mais aujourd’hui, on sait quantifier le bien-être aussi bien que le PIB. La commission Stiglitz (NDLR : du nom du Prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz), que Nicolas Sarkozy avait mise sur pied en 2008, a fait date en la matière. Les facteurs sur lesquels agir pour contribuer au progrès social sont parfaitement connus : santé, qualité de l’environnement, opportunités d’intégration dans une société donnée, libertés civiles, accès à l’information et aux communications… Mettre en place des soins de qualité contre la dépression contribue ainsi à améliorer le ressenti collectif. L’éducation est également fondamentale. Je fais le tour des écoles dans le monde pour apprendre aux adolescents à donner plus de sens à leurs études, à développer de meilleures relations avec leurs camarades, à envisager l’avenir dans un esprit constructif. Ceux dotés de ces  » compétences  » ont de meilleurs résultats, ils sont plus créatifs et coopératifs. Surtout, ces jeunes sont les dirigeants de demain. Le changement de culture viendra d’eux.

Par Claire Chartier.

(1) La Force de l’optimisme, par Martin Seligman, Intereditions, 2008.

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