© AFP

Portugal: au moins 61 morts dans un gigantesque feu de forêt

Le Vif

Des familles piégées par les flammes dans leurs voitures, au moins 61 morts et une soixantaine de blessés, routes coupées, maisons évacuées, arbres calcinés: le Portugal était sous le choc dimanche après le gigantesque incendie de forêt qui a éclaté la veille dans le centre du pays.

Sous une chaleur caniculaire, le feu se poursuivait dans l’après-midi sur quatre fronts, dont deux d’une très grande violence, selon les autorités, et près de 800 pompiers et quelque 250 véhicules étaient toujours mobilisés pour combattre ce sinistre, le plus meurtrier de l’histoire récente du Portugal.

Le gouvernement a décrété trois jours de deuil national. « L’incendie a atteint une dimension de tragédie humaine jamais connue jusqu’ici », a déclaré, très ému, le Premier ministre Antonio Costa qui s’est rendu sur les lieux du drame, à Pedrogao Grande dans la région de Leiria.

Le bilan a été provisoirement corrigé à la baisse, à 61 morts, une des personnes décédées ayant été comptabilisée deux fois. « Mais nous allons certainement rencontrer encore d’autres victimes sur le terrain », lors des recherches qui s’effectuent « village par village », a expliqué M. Costa.

Sur les collines situées entre les bourgades de Pedrogao Grande, Figueiro dos Vinhos et Castanheira de Pera, encore recouvertes d’eucalyptus et de pins 24 heures plus tôt, la dévastation était totale dans les zones où le feu est passé.

De chaque côté de la route nationale IC8, sur au moins 20 km, une épaisse couche de fumée blanche restait suspendue au-dessus des arbres carbonisés et du sol noirci.

Devant quelques maisons délaissées, partiellement endommagées, une carcasse de voiture calcinée était abandonnée au bord d’une route secondaire. Plus loin, le cadavre d’un homme recouvert d’un drap blanc gisait, entouré par des gendarmes portant des masques.

Piégés par les flammes

Selon le secrétaire d’Etat à l’Intérieur Jorge Gomes, 18 personnes ont péri dans leurs voitures, piégées par les flammes alors qu’elles circulaient sur la route reliant Figueiro dos Vinhos à Castanheira de Pera.

« Il est difficile de dire s’ils fuyaient les flammes ou ont été surpris par le feu », a déclaré M. Gomes à Pedrogao Grande, où l’incendie s’était déclaré samedi peu avant 15H00 locales (14H00 GMT).

« Tout a brûlé très vite à cause de la violence du vent. Les flammes sont passées à deux ou trois kilomètres de ma maison. On avait déjà eu des incendies dans la région, mais jamais de morts », a témoigné à l’AFP Isabel Ferreira, 62 ans, qui réside dans un village des alentours.

« Je connaissais plusieurs des victimes. Une de mes collègues a perdu sa mère et sa fille de quatre ans, car elle n’a pas réussi à les sortir de l’arrière de la voiture », a-t-elle raconté.

La police judiciaire a indiqué avoir « réussi à déterminer qu’un orage sec est à l’origine de l’incendie », écartant la piste criminelle. « Nous avons trouvé l’arbre frappé par la foudre », a déclaré son directeur national, Almeida Rodrigues.

D’après le secrétaire d’Etat à l’Intérieur, les flammes se sont propagées « avec beaucoup de violence », touchant plusieurs villages.

Solidarité européenne

Quatre Canadairs espagnols sont arrivés sur place dimanche matin pour appuyer les pompiers portugais. La France a acheminé dans l’après-midi trois avions spécialisés dans l’extinction de feux.

« Solidarité avec le Portugal touché par un terrible incendie. Pensées pour les victimes. La France met son aide à la disposition du Portugal », a tweeté le président français Emmanuel Macron.

« Mes pensées vont aux victimes au Portugal », a indiqué le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, ajoutant que le mécanisme européen de protection civile avait été activé à la demande de Lisbonne pour obtenir de l’aide.

Au Vatican, à l’issue de l’Angélus, le pape François a exprimé sa « proximité au cher peuple portugais ».

Le président portugais Marcelo Rebelo de Sousa s’était rendu sur place dès la nuit et a présenté ses condoléances aux familles des victimes, « partageant leur douleur, au nom de tous les Portugais ».

Le Portugal a connu samedi une forte canicule, avec des températures dépassant les 40 degrés dans plusieurs régions, qui s’est prolongée dimanche.

Plus de 160 incendies de forêt faisaient encore rage à travers le pays dimanche après-midi, combattus par plus de 2.000 pompiers.

Relativement épargné en 2014 et 2015, le pays avait été durement touché l’an dernier par une vague d’incendies qui avaient dévasté plus de 100.000 hectares sur son territoire continental.

Sur l’île touristique de Madère, où les feux ont fait trois morts en août, 5.400 hectares sont partis en fumée en 2016 et près d’une quarantaine de maisons ont été détruites.

Des incendies ravageurs avaient eu lieu aussi au Portugal en 2003, faisant une vingtaine de morts.

Les incendies de forêt meurtriers au Portugal

Le Portugal a déjà été touché par plusieurs incendies de forêt meurtriers avant celui qui a fait au moins 43 morts et 59 blessés samedi, dans la région de Leiria, au centre du pays. Voilà un rappel des plus tragiques intervenus dans ce pays depuis une quinzaine d’années:

2003

Entre juillet et septembre, des incendies gigantesques, alimentés par la canicule, ravagent le centre et le sud du Portugal pendant des semaines, faisant au total 20 morts. L’été 2003 demeure le plus catastrophique en terme de surfaces détruites avec près de 425.000 hectares réduits en fumée.

2005

Fin février, quatre pompiers meurent en combattant un incendie de forêt, près de Mortagua (200 km au nord-est de Libonne). En juillet-août, plusieurs vagues d’incendies particulièrement violentes ravagent le territoire du nord au sud, poussant Lisbonne à demander l’aide de ses partenaires européens.

Le pays, confronté à sa pire sécheresse depuis 1945, verra disparaître dans l’année quelque 300.000 hectares dans les incendies qui feront au total au moins 18 morts, dont onze pompiers.

2006

Le 9 juillet, six pompiers périssent carbonisés alors qu’ils luttent contre un feu de forêt à Sao Famaliçao da Serra (centre).

2013

En août, une vague d’incendies dans le nord et le centre du pays, attisés par des vents violents et des températures élevées, font neuf morts dont huit pompiers et réduisent en cendres des dizaines de milliers d’hectares de forêt. La chaîne montagneuse de Caramulo (centre), surnommée le « poumon du Portugal » pour ses forêts de pins et d’eucalyptus, est particulièrement touchée. Un millier de pompiers, appuyés par des Canadair français, espagnols et croates, seront mobilisés sur l’ensemble du territoire, afin de combattre les nombreux foyers (une moyenne de 250 à 300 départs de feu par jour).

Une soixantaine d’incendiaires présumés sont arrêtés entre janvier et fin août.

Ailleurs en Europe, c’est la Grèce qui a connu en 2007 le dernier bilan le plus meurtrier, quand des incendies sans précédent fin août-début septembre ravagent une grande partie du pays et du Péloponnèse faisant 65 morts et détruisant 280.000 hectares de forêt. Le site historique d’Olympie est sauvé des flammes de justesse.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire