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Podemos, la crise

Le Vif

Le parti de gauche radicale Podemos a limogé mercredi son numéro 3, sur fond de divisions internes et de démissions en série après une ascension fulgurante qui en a fait la troisième des forces politiques d’Espagne.

Pablo Iglesias, le secrétaire général de la formationi qui en moins de deux ans a bouleversé l’échiquier politique espagnol, a révoqué dans la nuit Sergio Pascual, responsable de l’organisation du parti, dans un bref communiqué.

Il lui reproche « une gestion déficiente qui a gravement nui à Podemos, dans une délicate période de négociations pour former un gouvernement du changement ». Quelques heures plus tôt, Iglesias avait mis en garde les militants contre les divisions que leurs adversaires pourraient exploiter. « Au sein de Podemos il n’y a pas et il ne devra pas avoir de courants ni de factions qui rivalisent pour le contrôles des appareils et des moyens », écrivait-il.

Crise de croissance

Des analystes et des membres du parti voient dans ces tensions une crise de croissance qui pourrait lui nuire si elle se prolongeait. « L’électorat espagnol tend à punir les partis pour leurs divisions internes, perçues davantage comme des luttes de pouvoir que comme des différences idéologiques », explique Lluis Orriols, enseignant en sciences politiques à l’université Carlos III de Madrid.

Troisième force politique depuis les législatives du 20 décembre, Podemos est pourtant en apparence en position de force. Il compte 65 députés sur 350, assez pour marchander son soutien à un éventuel gouvernement dirigé par les socialistes, arrivés deuxièmes avec 90 sièges.

Un soutien qu’il lui a pour l’instant refusé, dénonçant l’alliance nouée par le Parti socialiste (PSOE) avec les centristes de Ciudadanos. Sans les votes de Podemos, le Parti socialiste n’a pas obtenu la confiance du Parlement et faute d’accord d’ici au 2 mai, le pays sera condamné à retourner aux urnes pour surmonter la paralysie politique. Depuis, la presse spécule sur des divergences entre Iglesias et son numéro deux Iñigo Errejon, présenté comme partisan d’une ligne plus modérée envers les socialistes et proche de Sergio Pascual. Dans sa lettre aux militants, Pablo Iglesias nie qu’il y ait « un Podemos docile prêt à se rendre et permettre l’investiture d’un gouvernement PSOE-Ciudadanos face à un Podemos radical ».

Pour ajouter aux difficultés, de petites formations régionales qui s’étaient présentées aux législatives en coalition avec Podemos, semblent aussi prendre leurs distances. Issue de la région de Valence (est), Compromis, a quitté le groupe parlementaire de Podemos. Plus au nord, en Catalogne, la très charismatique maire de Barcelone Ada Colau, qui avait noué une alliance électorale avec Podemos, travaille à la création de son propre parti. Et en Galice, dix membres de la direction de Podemos ont démissionné en février. En mars ont suivi dix démissions à la direction du parti à Madrid. « Les démissions à Madrid interviennent au pire moment », écrivait Pablo Iglesias. « Nous ne devons pas répéter des erreurs pareilles et il faudra assumer ses responsabilités ».

Les sondages indiquent que Podemos perdrait des sièges en cas de nouvelles élections et évoquent aussi une division de son électorat sur la stratégie à suivre.

Un cumul de mouvements

« Podemos est un cumul de beaucoup de mouvements, plateformes citoyennes, organisations sociales, petits partis, organisations universitaires », rappelle Luis Arroyo, spécialiste de la communication politique, estimant que ces tensions sont normales. Podemos rassemble notamment des membres du mouvement des Indignés par l’austérité né à Madrid en 2011, des militants d’un parti altermondialiste Izquierda Anticapitalista (Gauche anticapitaliste) et d’anciens du parti écolo-communiste Izquierda Unida (Gauche unie) dont Pablo Iglesias lui-même, accusé de vouloir exercer un strict contrôle de ses troupes.

Breogan Rioboo, ex-secrétaire général de la formation en Galice, destitué, déplorait, dans un entretien avec l’AFP, la concentration du pouvoir dans la formation. « Nous devons nous battre pour éviter les erreurs des d’autres partis (…) ou nous serons pareils », disait-il avant le limogeage de Sergio Pascual. Ces difficultés peuvent s’expliquer par la nécessaire mutation d’un groupe de militants en un parti, selon le professeur de sciences politiques Fernando Vallespin. « C’est regrettable mais l’adaptation aux exigences d’une organisation est impérative », dit-il.

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