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Podemos contre les conservateurs

Les Espagnols votent dimanche prochain pour la deuxième fois en six mois dans des législatives où les conservateurs sont favoris devant le nouveau parti anti-austérité Podemos, qui supplanterait le vénérable Parti socialiste comme première force d’opposition.

Le chef des conservateurs, Mariano Rajoy, dont le gouvernement expédie les affaires courantes depuis décembre, table sur la rivalité acharnée entre Podemos, né il y a deux ans à peine, et le Parti socialiste (PSOE) vieux de 137 ans, pour se maintenir au pouvoir.

Les législatives de décembre dernier avaient vu l’irruption au Parlement de Podemos et des libéraux de Ciudadanos, bousculant le Parti Populaire (PP) conservateur et le Parti socialiste, qui alternaient au pouvoir à Madrid depuis trente ans.

Le PP, en tête, perdait sa majorité absolue. Stigmatisé par les scandales de corruption, il ne s’est trouvé aucun partenaire. Le PSOE, arrivé second, a échoué à former une coalition avec les troisième et quatrième, Podemos et Ciudadanos, dont les positions étaient trop éloignées. Faute de majorité, le socialiste Pedro Sanchez n’a pu être investi chef du gouvernement, et les électeurs ont été rappelés aux urnes…

Les sondages prévoient la même division en quatre mais cette fois le rapport de forces changerait à gauche.

Podemos s’est en effet allié à la petite formation Izquierda Unida, héritière du Parti communiste. Ensemble, les sondages leur donnent 4% de voix de plus qu’au PSOE et plus de députés.

Le chef de Podemos, Pablo Iglesias, un professeur de sciences politiques à queue de cheval de 37 ans, se présente déjà comme la seule alternative à Mariano Rajoy, au pouvoir depuis 2011.

Rajoy, 61 ans, se veut le garant de la stabilité et met en garde contre les expériences des « radicaux », comme celles d’Alexis Tsipras, le premier ministre grec allié d’Iglesias.

Pablo Iglesias veut mettre fin aux politiques d’austérité imposées depuis la crise de 2008. « Elles ont été inefficaces et il faut adopter des politiques d’expansion budgétaire », affirme-t-il en proposant d’augmenter les dépenses de 15 milliards d’euros par an.

Mariano Rajoy, lunettes et barbe grise, répète imperturbablement qu’il ne faut rien changer à sa politique économique, qui a permis à l’économie de croître au rythme de 3,4% par an et de ramener le chômage de 27% en 2013 à 21% fin 2015.

Podemos et les autres partis rétorquent que les nouveaux emplois créés sont en majorité précaires et mal payés et que dans l’Union européenne seule la Grèce fait pire sur la question du chômage.

Même s’il dépassait le PSOE, Iglesias, que la rue surnomme affectueusement « el coletas » (queue de cheval), n’est pas encore au pouvoir.

Il dit vouloir gouverner avec les socialistes, malgré leur aversion pour un homme décidé à les supplanter et qui ne manque aucune occasion de les humilier.

« C’est le champion des hypocrites », lance Oscar Lopez, un des responsables de la campagne socialiste. « Il est impensable que nous portions un type comme Iglesias à la tête du gouvernement », ajoute un collègue.

Leur alliance est d’autant moins probable qu’Iglesias a promis aux Catalans un référendum d’autodétermination que le PSOE rejette.

Rajoy propose une grande coalition que les socialistes refusent. « S’ils n’en veulent pas, je demande que le parti qui a recueilli le plus de voix gouverne », a-t-il annoncé.

Le PP pourrait ainsi former un gouvernement minoritaire, qui obtiendrait la confiance du parlement grâce à l’abstention du PSOE et de Ciudadanos. « C’est le scénario le plus probable, et de loin », estime Pablo Simon, professeur de sciences politiques à l’Université Carlos III.

« Il est plus probable que notre seule option soit de nous abstenir plutôt que gouverner avec Podemos », reconnait un membre de l’équipe de campagne socialiste.

Il est moins sûr que Rajoy dirige ce gouvernement si Ciudadanos et le PSOE demandent sa tête comme prix de leur abstention. « Il y aura une pression énorme pour qu’il s’en aille », dit Fernando Vallespin, professeur à l’Université autonome de Madrid.

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